… pour travailler à leur mise en œuvre, non seulement dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, de la préparation de la prochaine stratégie nationale de santé et de la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, mais aussi via diverses mesures réglementaires, tout à fait possibles, ou, plus directement, par décision interne de la Caisse nationale d’assurance maladie.
Du reste, l’application de certaines de ces propositions est déjà engagée, notamment par la CNAM, qui cherche à simplifier certaines démarches de ses usagers. La réflexion se poursuit à propos d’autres propositions, s’agissant notamment des indemnités journalières des travailleurs précaires, sur lesquelles mon attention a été attirée, en avril dernier, par une motion émanant des présidents de six caisses primaires d’assurance maladie de la région Nord – Pas-de-Calais.
D’un côté, la réglementation, ancienne, exige des salariés souhaitant bénéficier d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail ou de congé de maternité de justifier de 200 heures de travail au cours des trois mois civils ou des 90 jours précédant l’arrêt, un aménagement étant prévu en cas d’activité saisonnière ou discontinue.
De l’autre, le marché du travail est frappé par la montée de la précarité : de fait, on assiste à une multiplication des situations de travail à temps très partiel contraint, de contrats à durée déterminée très courts, de cumuls d’emplois, d’alternances entre périodes de chômage et périodes de travail et autres ruptures.
Il en résulte une augmentation des décisions de rejet des demandes d’indemnités journalières. Sans doute, ces situations restent minoritaires en proportion ; mais chaque refus est un déni de droit, car les personnes visées ont cotisé. Sans compter que ces rejets aggravent de façon brutale, parfois dramatique, la situation des personnes concernées.
Il est urgent que la réglementation soit réformée pour tenir compte de la précarisation croissante du marché du travail. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté un amendement qui prévoit la remise d’un rapport sur le sujet : ce n’est qu’un début, mais déjà un signal favorable.
Plusieurs autres propositions figurant dans mon rapport ont trait à la simplification de l’accès aux droits. Leur mise en œuvre profiterait non seulement aux bénéficiaires des aides sociales, qui attendent souvent pendant de nombreux mois l’ouverture de leurs droits, mais aussi aux travailleurs sociaux et aux personnels des caisses primaires d’assurance maladie, inutilement surchargés par le contrôle de dossiers fastidieux et complexes.
Pourquoi les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, qui remplissent par définition tous les critères d’accès à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, doivent-ils remplir un deuxième dossier complexe, et renouveler cette démarche tous les ans ? Comment s’étonner, avec une telle procédure, que plus de 70 % des personnes éligibles à l’ACS n’y aient pas recours ?
Pour remédier à ce problème, les députés écologistes et le rapporteur de l’Assemblée nationale pour la branche santé ont fait adopter un amendement grâce auquel les bénéficiaires de l’ASPA qui auront rempli une première fois le dossier pour l’ACS et qui auront obtenu cette aide la conserveront tant qu’ils bénéficieront de l’ASPA. Cette mesure, que je préconisais, simplifiera la vie de toutes et tous.
Néanmoins, il est possible et nécessaire d’aller plus loin, en instaurant une automaticité réelle entre l’ACS et l’ASPA, et même entre l’ACS et l’allocation aux adultes handicapés, ainsi que, selon le même principe et pour les mêmes raisons, entre le RSA socle et la CMU complémentaire. Ainsi, l’obligation de remplir à chaque fois un nouveau dossier serait supprimée, une obligation chronophage et qui, de surcroît, est à une véritable trappe à non-recours, ce qui a des conséquences sur le recours aux soins, sur l’état de santé général de notre population, et par conséquent aussi sur nos finances publiques, puisque les personnes qui ne sont pas soignées à temps doivent recevoir des soins plus lourds. C’est le sens de trois des amendements qui ont été déposés par les sénateurs de mon groupe.
Mais poussons plus loin : plutôt que de demander aux candidats à la CMU complémentaire ou à l’ACS de justifier de toutes leurs ressources sur douze mois glissants, ce qui peut exiger de produire des pièces très nombreuses, surtout pour ceux qui cumulent plusieurs emplois à temps partiel, il serait préférable de prendre en compte uniquement le revenu fiscal de référence : tel est l’objet d’un autre de nos amendements, auquel M. le rapporteur général a fait référence.
Tout récemment, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, le SGMAP, a publié une étude évaluant les gisements d’économies dits « moins de maladie ». Selon cette étude, très sérieuse, il apparaît qu’en diminuant le taux de renoncements aux soins, l’État augmente certes les dépenses relatives aux consultations médicales, mais diminue fortement les coûts liés aux hospitalisations d’urgence et aux traitements lourds de certaines pathologies, qui nous coûtent des sommes colossales.
Dans un scénario prudent, et toujours selon cette étude, le recours à la CMU complémentaire permet une économie de 1 000 euros par an et par foyer, alors que l’utilisation de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé représente une économie de 300 euros par an et par foyer. Ce n’est qu’un exemple, mais la question posée concerne l’ensemble de nos concitoyens, et pas seulement les plus modestes : l’accès réel à la prévention dans toute la société ne pourrait-il constituer à moyen terme une source importante de réduction des dépenses ? Nous sommes bien au cœur du sujet débattu aujourd'hui.
L’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé souffre d’un déficit de notoriété et d’un manque d’attractivité, cela a été dit à cette tribune, notamment par Mme la ministre. Le taux de non-recours en la matière avoisine ainsi les 70 %. Outre le reste à charge que l’ACS laisse subsister, le risque est élevé de devoir se contenter d’un contrat très souvent doté de garanties insuffisantes, se traduisant par un reste à charge sur les prestations elles-mêmes. Nos concitoyens se perdent dans un maquis d’offres souvent opaques, et pour des prestations très décevantes quand ils doivent y avoir recours.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a souhaité réfléchir à un encadrement plus strict des contrats d’assurance complémentaire de santé individuels auxquels les bénéficiaires de l’ACS pourraient souscrire. C’est l’objet de l’article 45, dont je salue les objectifs courageux, mais que je ne peux m’empêcher de trouver inquiétant à certains égards, car il risque de favoriser l’émergence d’un oligopole régulé sur le marché de la complémentaire santé. Par ailleurs, il offre peu de visibilité aux parlementaires sur la qualité du panier de soins, question pourtant fondamentale.