Intervention de Gérard Roche

Réunion du 12 novembre 2013 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Gérard RocheGérard Roche :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les critiques que nous avons émises au sujet de la réforme des retraites sont hélas ! également valables pour le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Certes, les soldes généraux qu’il présente semblent s’améliorer. Sur le fondement de ce constat, chacun a pu apprécier les efforts déployés par notre rapporteur général, Yves Daudigny, pour nous rassurer. J’en profite pour saluer d’emblée l’excellence de son travail, ainsi que de celui des autres rapporteurs.

Mais parlons des déficits.

Malgré vos efforts, monsieur le rapporteur général, vous ne nous avez pas rassurés : si le reflux des déficits est continu, son rythme s’est ralenti.

L’historique est connu : la crise de 2008 s’est répercutée moins de deux ans plus tard sur les comptes de la sécurité sociale, provoquant un dérapage sans précédent, près de 30 milliards d’euros de déficit en 2010 pour l’ensemble des régimes et le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.

Depuis lors, les déficits sociaux se réduisent. Le reflux est donc engagé depuis 2011. L’actuelle majorité affiche sa volonté de poursuivre ce mouvement. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cependant, alors qu’entre 2010 et 2011, le solde de l’ensemble des régimes et du FSV s’était amélioré de plus de 7 milliards d’euros, entre 2012 et 2013, il ne se redresserait que de 1, 8 milliard d’euros. Le ralentissement est donc net, et c’est ce qui nous inquiète.

Quant au niveau du déficit, chacun dans cet hémicycle le reconnaît, il n’y a pas de quoi pavoiser : il passerait de 19, 2 milliards d’euros en 2012 à 17 milliards d’euros en 2013.

On est, certes, loin des 30 milliards d’euros de 2010, mais loin aussi du niveau de 2008, avant la crise, quand le déficit, déjà inquiétant, s’élevait à 11, 2 milliards d’euros.

Le tableau se noircit encore un peu plus lorsque l’on s’interroge sur les fondamentaux du redressement.

En l’absence de réformes structurelles, la conjoncture y est pour beaucoup. Cependant, les projections proposées nous paraissent à la fois timides et peu crédibles.

L’abandon d’un calendrier précis de retour à l’équilibre est désormais sanctionné. Le déficit demeure le seul horizon de la protection sociale. Il se réduirait à 5, 3 milliards d’euros en 2017.

Et encore ces projections sont-elles fondées sur des hypothèses particulièrement optimistes. C’est en cela que le parallèle avec la réforme des retraites s’impose.

Le Gouvernement mise sur une reprise de la croissance de 0, 9 % en 2014, et de 1, 7 % en 2015. Vous réinventez presque les trente glorieuses !

Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est fondé sur un retour très rapide au rythme de croissance moyen de la masse salariale constaté entre 1998 et 2007, soit 2, 2 % en 2014, puis 3, 5 % en 2015 et 4 % en 2016.

Dernier signe d’inquiétude, et non des moindres, l’annexe B du texte annonce la réouverture de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

À la suite de la loi organique du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale et à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, elle ne devait plus être ouverte. On avait alors dérogé, en principe pour la dernière fois, à la règle de non-allongement de la durée d’amortissement de la dette sociale. Alors que les missions de la CADES devaient initialement prendre fin avec le retour à l’équilibre en 2020, cette date avait été reportée à 2025. À ce titre, la Caisse ne devait prendre en charge, après 2011, que les déficits de la branche vieillesse et du FSV jusqu’à 2018, pour un montant plafonné à 62 milliards d’euros.

Aujourd’hui, le Gouvernement s’appuie sur la réforme des retraites pour transférer à la CADES les déficits accumulés et futurs des branches santé et famille.

À l’horizon 2017, en tenant compte des déficits cumulés de ces deux branches en 2012 et 2013, ce sont près de 44 milliards d’euros de déficit qui seraient ainsi transférés, et ce grâce aux économies réalisées par la réforme des retraites, sans avoir à modifier le plafond de dette transférable ni à revenir sur la durée de vie de la Caisse.

Le problème, c’est que nous ne croyons que très partiellement aux vertus, même comptables, de cette réforme des retraites. Nous l’avons déjà abondamment dit, je n’y reviendrai donc pas, mais, en matière de retraites, le compte n’y sera probablement pas !

Dans ces conditions, transférer les dettes des branches familles et santé à la CADES sans, tôt ou tard, modifier ses paramètres de plafond et de calendrier nous semble relativement peu crédible.

Nous craignons fortement que la CADES n’ait pas de beaux jours devant elle. Nous sommes dans la logique intenable du report de nos impérities gestionnaires sur les générations futures.

Venons-en maintenant aux mesures nouvelles de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Son impact financier serait de 8, 2 milliards d’euros, dont la moitié en recettes nouvelles.

Taxation des produits de placement, élargissement de l’assiette des revenus agricoles, déplafonnement partiel des cotisations vieillesse des artisans et commerçants, création d’une contribution sur les boissons énergisantes, majoration de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, etc. : visiblement, la pause fiscale n’est pas d’actualité en matière sociale !

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