Intervention de Gérard Roche

Réunion du 12 novembre 2013 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Gérard RocheGérard Roche :

Mais la nature même de ces recettes est problématique. Certaines d’entre elles sont purement et simplement détournées de leur objet.

Ainsi, l’article 3 prévoit de prélever 200 millions d’euros sur le Fonds pour l’emploi hospitalier, le FEH, au profit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL.

Or le FEH finance l’aménagement du temps de travail des agents hospitaliers. Rien à voir avec la retraite ! Il s’agit donc d’un petit hold-up purement comptable au détriment de l’aménagement du temps de travail du personnel hospitalier.

Toujours au chapitre des détournements, plus grave encore pour nous est l’article 15, qui proroge le mécanisme de confiscation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, mécanisme que nous avions déjà combattu en 2012.

Comme son nom l’indique, la CASA, créée l’année dernière, a pour vocation de financer l’autonomie. Ce dispositif, soit dit en passant, est très proche de la proposition de loi tendant à élargir la journée de solidarité, dont je suis l’auteur et que le Sénat a adoptée le 25 octobre 2012.

Or, dès sa naissance, la CASA a été détournée. Elle aurait dû être consacrée à compenser la prise en charge par les départements de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, d’autant plus que l’on sait que les conseils généraux ont de plus en plus de mal à y faire face. Au lieu de cela, la compensation des départements pour leur prise en charge de l’APA, qui passe par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, a été amputée d’une fraction de CSG, à due concurrence du produit de la CASA au profit du FSV !

Pour justifier cette situation, on allègue que la réforme de la dépendance est encore à venir, comme si aucun dispositif de prise en charge de la dépendance n’existait auparavant et comme si l’APA était correctement financée !

Dès l’origine, ce système était inacceptable, alors même qu’il ne devait durer qu’une année. Voici que le présent texte le prolonge d’un an. C’est inadmissible !

La seule amélioration vient de ce que l’Assemblée nationale a obtenu que le produit de la CASA affecté à la CNSA ne soit pas amputé de 130 millions d’euros, sur les 645 millions d’euros qu’elle devrait rapporter, mais c’est évidemment très insuffisant. Nous demandons la suppression de ce dispositif, quitte à ce que le FSV soit équilibré différemment, comme le Gouvernement s’y était d’ailleurs engagé l’année dernière.

Au palmarès des recettes problématiques, la taxation des produits de placement refondue par l’article 8 figure en bonne place. On le sait, cet article « nivelle par le haut » la taxation des placements de type PEA, PEL ou contrats d’assurance vie. Il abroge le calcul « au taux historique » pour que tous les placements ouverts depuis 1997 fassent l’objet d’un prélèvement social identique, aujourd’hui maximal, de 15, 5 %.

Il s’agit d’un dispositif par nature rétroactif, qui est donc totalement inéquitable et pose un sérieux problème de sécurité juridique et de confiance légitime.

Heureusement, après l’adoption de l’article 8 par l’Assemblée nationale, le Gouvernement a reculé. Finalement, le périmètre serait réduit aux seuls contrats d’assurance vie multisupports. C’est encore trop : nous souhaitons que la disposition soit purement et simplement abandonnée !

Toujours en matière de recettes, j’en arrive maintenant à ce qui pourrait être la particularité de ce PLFSS : l’importance des recettes de transfert.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit 3 milliards d’euros de recettes de transfert de l’État par l’affectation à la sécurité sociale d’une fraction supplémentaire de TVA via le PLF. Les recettes nouvelles s’élèvent en fait à 2 milliards d’euros seulement, puisque le dernier milliard contrebalance la baisse de la cotisation au titre de la branche famille décidée en compensation de l’augmentation de la cotisation retraite.

Il s’agira donc de 2 milliards d’euros : l’un, au titre de la soumission à l’impôt sur le revenu de la contribution de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé, qui ira à la branche santé ; l’autre, au titre de la baisse du quotient familial, qui ira, lui, à la branche famille.

Ces 2 milliards d’euros représentent tout de même la moitié des recettes nouvelles du présent PLFSS ! C’est considérable. C’est en outre symptomatique d’un mouvement de fond que connaît notre système de protection sociale : celui de la fiscalisation. Le mouvement sera encore accentué l’année prochaine par l’arrivée à maturité de la fiscalisation de la majoration de pension pour enfants prévue par la réforme des retraites, qui bénéficiera à la branche vieillesse.

Que le financement de la protection sociale se fiscalise est, selon nous, à la fois inévitable et, pour partie, souhaitable. Cela se comprend très bien sur le plan des principes. Le risque vieillesse, à l’exception de son socle de solidarité, et les accidents du travail et maladies professionnelles, demeurent assurantiels. Ils doivent donc continuer d’être financés par les cotisations. En revanche, les branches santé et famille sont aujourd’hui universelles. Elles devraient donc principalement être financées par la solidarité, ce qui en outre présenterait l’immense avantage d’alléger le coût du travail.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion