Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 12 novembre 2013 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Les salariés, eux, verront à l’inverse leurs cotisations augmenter, sans autre contrepartie que l’obligation de travailler plus longtemps, s’ils le peuvent !

Si je m’attarde autant sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, alors même que nous venons d’en discuter, c’est que les mesures proposées par le Gouvernement pèseront lourd dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La hausse des cotisations sociales devrait rapporter l’année prochaine 1, 7 milliard d’euros de ressources supplémentaires, soit environ 40 % des 4, 2 milliards d’euros de recettes nouvelles attendus.

Le gel des pensions engendrera quant à lui, en 2014, 800 millions d’euros d’économies, réalisées aux dépens des retraités, soit près de 20 % des mesures d’économies du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Telle n’est pas, madame la ministre, l’idée que nous nous faisons du « redressement dans la justice » que vous nous promettiez. Dans la version que vous nous présentez, le budget de la sécurité sociale pour 2014 s’apparente plus à un exercice comptable qu’à la traduction d’ambitions fortes.

J’en veux pour preuve l’ONDAM, dont la progression est inférieure à celle, déjà insuffisante, qui avait été votée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Avec l’augmentation de 2, 3 % prévue pour l’année prochaine, on peine à voir comment les établissements publics de santé pourront faire face. Sous l’effet de l’inflation, de la hausse de la TVA et de celle de la masse salariale, les dépenses des hôpitaux devraient en effet augmenter naturellement de plus de 3 %.

Si je me réjouis que votre projet de loi de financement de la sécurité sociale n’ait pas, comme l’année dernière, introduit de mécanisme de responsabilisation des patients, c’est-à-dire, en fait, des baisses de remboursements, chères à la droite, je ne peux que regretter votre choix de réduire le champ de la protection sociale aux risques les plus graves, les plus coûteux, en confiant aux organismes complémentaires la mission d’assurer le reste des remboursements.

Le président de la Mutualité française, qui s’est prononcé contre l’adoption du présent texte, l’a d’ailleurs clairement démontré : en dehors de la prise en charge des pathologies les plus lourdes, la sécurité sociale ne rembourse plus, aujourd’hui, que 50 % des dépenses de santé. Certes, le niveau global de remboursement des patients reste stable, mais, en contrepartie, ces derniers voient chaque année augmenter le montant de leurs cotisations à des organismes complémentaires. Je note par ailleurs que le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de soumettre à l’impôt sur le revenu les salariés bénéficiant de contrats mutualistes souscrits par les employeurs, alors que ceux-ci se voient attribuer, depuis l’entrée en vigueur de l’accord national interprofessionnel, une exonération de cotisations sociales : ce que vous avez donné aux employeurs il y a quelques mois, vous le reprenez aujourd’hui aux salariés !

En outre, je tiens à exprimer notre perplexité devant les mesures que vous proposez concernant le bénéfice de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. L’accès à celle-ci est certes élargi aux personnes âgées disposant de faibles ressources, mais, plutôt que de renforcer la CMU et la CMU-C en modifiant les critères d’attribution de l’ACS, en instaurant une forme de régulation des organismes complémentaires par la concurrence, ne croyez-vous pas qu’il aurait été à la fois plus simple et plus juste de prévoir avant tout, pour ces publics, une réelle prise en charge à 100 % par la sécurité sociale ? Cette réorientation aurait été un acte fort de réaffirmation de la sécurité sociale comme socle intangible de notre système de protection sociale.

Concernant le champ médico-social, force est de constater que les attentes des différents acteurs seront une nouvelle fois déçues.

L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, souligne elle-même l’insuffisance du taux d’évolution de l’ONDAM médico-social, qui s’élève à 3 %, contre 4 % l’an passé. Concrètement, les établissements médico-sociaux auront du mal à faire face à l’inflation et à l’augmentation de la TVA. Nous craignons que les salariés n’en fassent les frais, en jouant de nouveau le rôle de variable d’ajustement au regard de l’équilibre financier de ces établissements. Or la dévalorisation du travail au sein de ces derniers, comme dans les services médico-sociaux ou d’aide à domicile, se traduit toujours par une baisse de la qualité du service rendu aux usagers.

De plus, nous le savons tous, d’immenses progrès restent à accomplir au titre de la médicalisation des EHPAD ou pour une meilleure prise en charge des malades d’Alzheimer et de leurs familles. Sans moyens suffisants, ces besoins ne seront satisfaits qu’au compte-goutte.

D’une manière générale, je regrette que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’esquisse pas plus que le précédent un financement pérenne et solidaire, pour une meilleure prise en charge de la perte d’autonomie. Les fruits de la taxe injuste sur les revenus des retraités que vous avez instituée l’année dernière seront une nouvelle fois détournés de leur objet : sur les 700 millions d’euros collectés, près de 600 millions d’euros n’iront pas à l’accompagnement de la perte d’autonomie. Les retraités soumis à la CASA, à qui vous expliquez le sacrifice requis par cette exigence de solidarité, apprécieront !

Madame la ministre, vous venez certes d’annoncer, avec Mme Delaunay, les objectifs prioritaires et le calendrier de mise en œuvre de la future loi dite d’adaptation de la société au vieillissement. Je serais tenté de dire « enfin », tant la responsabilité de la droite est immense, …

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