Intervention de Michelle Meunier

Réunion du 12 novembre 2013 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 visait à répondre à une urgence : endiguer la dérive des déficits mettant en péril notre système de protection sociale et, partant, notre modèle social tout entier.

Depuis, grâce aux efforts de chacun, le déficit a pu être atténué, dans un contexte pourtant difficile, et même très difficile. L’objectif d’atteindre, cette année, un niveau proche de celui que connaissait notre pays avant la crise économique et sociale de 2008 est toujours d’actualité, et c’est tant mieux !

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale poursuit, prolonge, renforce cette stratégie de redressement, en l’appuyant sur des réformes structurelles engagées par le Gouvernement en vue de moderniser notre système de protection sociale tout en favorisant la croissance et l’emploi. Il mettra notamment en œuvre la réforme des retraites et celle de la sécurisation de l’emploi, ainsi que la stratégie nationale de santé, que Mme la ministre nous a récemment présentée.

Il s’agit également de traduire les mesures annoncées en juin dernier par le Premier ministre pour assurer la pérennité de la branche famille et rendre notre politique familiale plus juste. C’est sur ce point que je centrerai mon propos.

Mme Bertinotti l’a rappelé au début de nos débats, la politique familiale française est un grand atout pour notre pays. Toutefois, le déficit de la branche famille de la sécurité sociale, creusé – faut-il le rappeler ? – sous la précédente mandature, s’élève à 2, 5 milliards d’euros : cette situation compromet gravement la pérennité des interventions.

Par ailleurs, certains dispositifs sont mal ciblés, mal adaptés aux besoins actuels des familles et ne répondent pas à l’impératif de justice sociale qui doit être le nôtre.

Dès lors, il convient de réagir et de proposer, dès cette année, une réforme de bon sens, garantissant l’avenir de notre système de protection sociale, assurant plus de justice entre les familles et créant de nouveaux dispositifs, adaptés aux réalités d’aujourd’hui et aux besoins des Françaises et des Français.

Commençons par le redressement des comptes sociaux, qui, nous le savons bien, est une impérieuse nécessité.

Pour un effort d’économie de 8, 5 milliards d’euros concernant l’ensemble de la sécurité sociale, la politique familiale contribuera à hauteur de 200 millions d’euros en 2014. En 2017, au terme de la montée en charge des mesures introduites par le présent projet de loi, elle y participera à hauteur de 760 millions d’euros, notamment par la modulation du montant de la PAJE et par la suppression de la majoration du complément de libre choix d’activité, le CLCA ; j’y reviendrai.

Parallèlement, la branche famille recevra des recettes supplémentaires, supérieures à 1 milliard d’euros.

Cet apport de nouvelles ressources provient de l’affectation intégrale à la branche famille du produit de la baisse du plafond de l’avantage fiscal découlant de la présence d’enfants au foyer. En effet, le plafond du quotient familial –mécanisme qui permet aux ménages imposables d’obtenir une réduction d’impôt en fonction de leurs revenus et du nombre d’enfants à charge – sera ramené de 2 000 à 1 500 euros par demi-part.

Soyons précis, car ce sujet le mérite : la perte de l’avantage fiscal n’interviendra qu’à partir de 5 850 euros de revenus mensuels pour un foyer comptant deux enfants. Concrètement, 13 % des foyers fiscaux seront touchés par cette mesure, alors que le quotient familial concerne, lui, près de la moitié des foyers fiscaux, soit 18 millions de personnes. Le quotient familial n’est donc pas supprimé ; c’est l’avantage fiscal en découlant qui est plafonné.

Au-delà des recettes supplémentaires – non négligeables, on en conviendra – qu’apporte cette mesure, il s’agit d’un acte de justice sociale et fiscale. Rappelons-le, un tiers de cette dépense fiscale profite aujourd’hui aux 10 % des Français les plus riches.

Au titre des recettes nouvelles, ajoutons que la baisse de la cotisation patronale à la branche famille prévue par la réforme des retraites sera intégralement compensée à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF.

Venons-en à présent aux dépenses relatives à la branche famille.

Qu’il s’agisse de mesures d’économies ou de solidarité, le but est toujours d’améliorer concrètement notre système redistributif, en ciblant les familles qui en ont le plus besoin et en augmentant le montant des allocations qui leur sont versées.

Nous y parviendrons d’abord par l’augmentation du complément familial pour les familles nombreuses vivant sous le seuil de pauvreté. Le complément familial qui leur est versé sera ainsi majoré de 50 %, au-delà de l’inflation, à l’horizon 2018. La première revalorisation aura lieu au 1er avril de l’année prochaine et, à terme, 385 000 familles en bénéficieront.

En outre, est prévue une augmentation de 25 % de l’allocation de soutien familial à l’horizon 2018. De nature réglementaire, cette disposition annoncée par le Gouvernement n’est bien sûr pas incluse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais elle est loin d’être négligeable !

J’en viens maintenant à deux mesures présentées comme étant des mesures d’économie, qui visent à recentrer sur les familles modestes des prestations sous conditions de ressources, marquant ainsi notre souci de justice.

Il s’agit tout d’abord du recentrage de la prestation d’accueil du jeune enfant. Le montant de l’allocation de base sera modulé selon le niveau de ressources des familles, pour les enfants nés à partir du 1er avril 2014. Les conditions d’attribution de l’allocation de base de la PAJE ne sont pas modifiées, mais son montant – 184 euros par mois – sera divisé par deux pour les ménages les plus favorisés. Le Haut Conseil de la famille estime que quelque 10 % des bénéficiaires actuels seront concernés.

Il s’agit ensuite de la suppression de la majoration du montant du complément de libre choix d’activité, le CLCA, pour les familles les plus aisées. À l’heure actuelle, en effet, les familles ne remplissant pas les conditions de revenu ouvrant l’accès à l’allocation de base de la PAJE reçoivent tout de même son équivalent par le biais de la majoration du CLCA. Celui-ci sera désormais identique pour toutes les familles.

Cette mesure vient compléter le dispositif que nous avons adopté en septembre dernier, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes. Rappelons que le congé parental est une possibilité offerte aux deux parents, dont les bénéficiaires sont à 96 % des femmes. S’ensuit pour elles un retrait du marché de l’emploi qui leur est souvent préjudiciable et dont découlent des inégalités professionnelles et salariales.

La modification du CLCA permettra d’accroître le niveau d’emploi des femmes en limitant leur temps de retrait de la sphère professionnelle, de favoriser un meilleur partage des responsabilités au sein du couple et de contribuer au développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, sans lequel l’investissement des femmes sur le marché de l’emploi est difficile, voire impossible.

À cet égard, la convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale d’allocations familiales signée en juillet dernier, qui prévoit notamment le développement des services aux familles et l’amélioration de l’accès de celles-ci aux droits, traduit la volonté du Gouvernement de développer les modes de garde pour les jeunes enfants. Ainsi, près de 275 000 nouvelles solutions d’accueil sont prévues.

Depuis le temps que ce sujet est sur le tapis – ou plutôt sous le tapis, là où l’avait glissé l’ancienne majorité –, nous ne pouvons que nous réjouir de le voir enfin traité !

Réponses nouvelles aux besoins des familles, soutien à la parentalité, solidarités accrues envers les plus fragiles et les plus démunis : ces éléments, madame la ministre, conjugués à l’indispensable redressement des comptes sociaux, nous ont convaincus, mes collègues socialistes et moi-même, que le présent texte est un bon projet de loi de financement de la sécurité sociale ! §

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