Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 12 novembre 2013 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après avoir connu un déficit abyssal mettant en péril l’ensemble de notre système de protection sociale, le financement de la sécurité sociale pour 2014 constitue une nouvelle étape du rétablissement des comptes sociaux de la France, déjà amorcé l’année dernière.

Toutefois, malgré ces premiers résultats, le déficit reste encore trop important. Alors que plus de huit Français sur dix se déclaraient récemment inquiets de la capacité de la France à financer son système de sécurité sociale, il est plus que jamais nécessaire de réaffirmer à quel point celui-ci est un puissant facteur de cohésion sociale. La Cour des comptes l’a rappelé dans son dernier rapport : « préserver la sécurité sociale, revenir rapidement à l’équilibre des comptes sociaux, faire reculer la dette pour ne pas la faire porter par une génération supplémentaire, est une priorité ».

Nous ne pourrons tenir cet engagement qu’en engageant une réforme structurelle de la protection sociale et de son financement. Le 8 février dernier, à Grenoble, lors de la présentation de la stratégie nationale de santé, le Premier ministre déclarait : « Il faut engager sans tarder une réforme de fond, une réforme structurelle de notre système de santé. » Malheureusement, on ne peut que constater que, cette année encore, les mesures structurelles manquent.

En prendre est pourtant aujourd’hui une impérieuse nécessité ! Madame la ministre, le 23 septembre dernier, en présentant la feuille de route de la stratégie nationale de santé, vous avez reconnu que l’on ne pouvait se contenter d’ajustements ponctuels et que la France devait se doter d’une stratégie de santé globale pour les années qui viennent. Nous devons prendre en charge certains risques qui sont aujourd’hui insuffisamment couverts, comme la dépendance. Il nous faut absolument infléchir durablement l’évolution tendancielle des dépenses, en particulier de celles de la branche maladie. À défaut, le déficit chronique de l’assurance maladie remettra en question, à plus ou moins long terme, notre protection sociale. La santé de tous est un bien précieux et il nous appartient d’agir sans attendre pour assurer la pérennité d’un système de santé solidaire et égalitaire.

Madame la ministre, votre projet de loi comporte, certes, de bonnes dispositions. Je pense notamment aux expérimentations portant sur le déploiement de la télémédecine, engagé par la loi HPST. Nous le savons bien, la télémédecine, sans être une solution miracle, peut sans conteste apporter une réponse à l’absence de médecins dans des zones sous-médicalisées. Elle restaure le lien entre patients et soignants et permet de réintroduire une certaine égalité territoriale entre les Français. Un patient victime d’un accident vasculaire cérébral, par exemple, doit pouvoir être pris en charge de la même façon en zone urbaine ou en zone rurale. Dans ce type de situation, la télémédecine peut sauver des vies ! Je regrette toutefois que, quatre ans après le vote de la loi HPST, nous n’en soyons toujours qu’au stade des expérimentations : nous avons pris beaucoup de retard. Pourtant, des expériences ont déjà été menées avec succès sur notre territoire : je pense par exemple au robot d’échographie à distance mis au point il y a plusieurs années par le professeur Arbeille.

Je me félicite également des mesures concernant le renforcement de l’aide au sevrage tabagique. C’est une avancée très positive, mais peut-être aurions-nous pu, là encore, aller plus loin, en envisageant le remboursement intégral, préconisé par la Haute Autorité de santé depuis 2005. Eu égard à son impact économique, une telle mesure serait particulièrement efficace. La consommation de tabac est en effet responsable à hauteur de plus de 10 % de la mortalité prématurée annuelle, et plus de 3 % du budget de l’assurance maladie sert à couvrir les dépenses liées au traitement des trois principales affections de longue durée dont elle favorise l’apparition. Le Royaume-Uni et le Québec ont mis en place cette disposition avec succès.

Nous saluons en outre les nouvelles mesures relatives à la contraception des mineurs. Appliquer le tiers payant aux consultations et aux examens préalables à la prescription de la contraception chez les mineures de plus de 15 ans est une très bonne idée. Nous ne pouvons qu’être favorables à ce dispositif, qui prolonge les efforts de lutte contre la survenue de grossesses non désirées chez les adolescentes.

Parmi les mesures importantes, madame la ministre, figure l’économie de 800 millions d’euros engendrée par le report de la revalorisation des pensions de retraite, que mon groupe, comme beaucoup d’autres ici, avait rejeté lors de l’examen du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Quant à votre choix de reconduire le mécanisme d’affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au Fonds de solidarité vieillesse, nous ne pouvons l’accepter. Nous avons eu un long débat sur ce sujet l’année dernière. Vous vous étiez alors engagée, madame la ministre, à ce que, après 2013, cette contribution finance la future réforme de la dépendance. Son affectation au Fonds de solidarité vieillesse ne devait être qu’exceptionnelle.

Par ailleurs, madame la ministre, vous avez choisi de réintroduire, par voie d’amendement devant l’Assemblée nationale, une disposition de la loi sur la sécurisation de l’emploi que le Conseil constitutionnel avait censurée. Le nouvel article 12 ter donne la possibilité aux partenaires sociaux de recommander un ou plusieurs organismes assureurs par branche professionnelle.

Vous affirmez que les entreprises auront le choix de leur assureur, mais si elles ne choisissent pas l’un de ceux que recommande la branche, leur forfait social sera majoré. Ajoutons que la branche pourra n’en recommander qu’un : dans ces conditions, peut-on réellement parler de liberté ? Lors de l’examen du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, nous avions proposé que les accords ne puissent emporter la recommandation d’un organisme unique.

Enfin, j’évoquerai une question d’actualité, concernant la cigarette électronique. Une majorité de députés européens viennent de refuser de la considérer comme un médicament : quelle est votre position ? Envisagez-vous, au moins, d’accorder un statut pharmaceutique aux cigarettes électroniques contenant de la nicotine ? Cela permettrait d’instaurer une classification unique, et donc une réglementation comparable, pour l’ensemble des produits délivrant de la nicotine en vue de la réduction ou de l’arrêt du tabagisme.

Pour conclure, madame la ministre, le groupe RDSE sera particulièrement attentif au débat qui va s’ouvrir et à la discussion des amendements. Nous souhaitons que les différents groupes politiques du Sénat parviennent à s’entendre pour participer au redressement du financement de la sécurité sociale. §

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