Je le disais à l’instant, la situation requiert de l’humilité, mais aussi de l’honnêteté. C’est pourquoi je n’hésiterai pas à faire miennes un certain nombre de remarques du rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, notre collègue Jean-Pierre Godefroy.
Je voudrais d’abord me réjouir du taux historiquement bas d’accidents du travail : trente-cinq accidents du travail avec arrêt pour 1 000 salariés. Il diminue depuis sept ans au rythme annuel de 3, 3 %.
Au-delà de la légitime réparation, l’action de la branche en faveur de la prévention est donc bénéfique et permet de promouvoir dans le tissu économique les pratiques adaptées, en encourageant, par exemple, l’employeur à mieux s’équiper ou à revoir l’organisation du travail.
Cette prise de conscience limite, pour des millions de salariés, d’ouvriers, d’artisans, d’employés et de techniciens, les risques liés à une chute ou à un incident sur un équipement professionnel, à des postures pénibles, à des accidents de trajet. Ces actions de prévention sont essentielles, et c’est l’honneur de l’ensemble des partenaires sociaux de l’avoir bien compris et de s’être largement investis.
Toute réduction des marges de manœuvre financières de la branche viendrait donc compromettre ces actions indispensables de prévention. Or, il est à craindre que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne marque un désengagement coupable de l’État.
En effet, le retour à l’équilibre de la branche est extrêmement fragile. Les efforts engagés ces dernières années pour rétablir la situation et rembourser la dette de 2 milliards d’euros causée par la crise de 2009 pourraient être mis à mal si les excédents prévus ne sont plus au rendez-vous. Sur ce sujet comme sur d’autres, l’action publique gagnerait à être un minimum pérenne.
Or, s’agissant des recettes, j’approuve la sagesse du rapporteur, qui a souligné l’impossibilité d’augmenter aujourd’hui les cotisations patronales, tout en regrettant que cette sagesse ne soit pas partagée au plus haut niveau de l’État !
Au-delà de la conjoncture, les marges de manœuvre de la branche sont menacées, par exemple, par l’absence de dotation de l’État au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante en 2014.
En 2001, le législateur avait prévu un financement annuel du FIVA, par le biais non seulement d’un transfert de la branche AT-MP, voté chaque année en loi de financement de la sécurité sociale, mais également d’une dotation annuelle de l’État inscrite en loi de finances.
Bien que le financement de l’indemnisation rapide et intégrale des dommages effroyables causés par l’amiante soit pleinement légitime, l’État ne prévoit, pour la deuxième année consécutive, aucune dotation pour ce fonds, alors que la dotation de la branche AT-MP fait plus que tripler.
Je partage pleinement le mécontentement du rapporteur devant le caractère inacceptable de cette décision. Elle est tout à fait choquante au regard de la part de responsabilité de l’État dans le scandale de l’amiante. Je le rappelle, l’État est responsable à la fois au titre de son action régalienne et comme employeur.
En outre, nos inquiétudes sur le devenir de la branche sont renforcées par la mise en place prochaine du compte de prévention de la pénibilité, actuellement examinée par l’Assemblée nationale dans le cadre de la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Quelle sera son incidence sur le fonctionnement des services de la branche AT-MP dans les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT ? Dans quelle mesure la mise en place du compte de prévention de la pénibilité affectera-t-elle la branche ? Quels pourraient être les contours de l’avenant à la prochaine convention d’objectifs et de gestion liant la branche AT-MP à la tutelle que vous avez, madame la ministre, déjà annoncé ?
Il ne faudrait pas que la création de ce compte de prévention de la pénibilité vienne paralyser la branche AT-MP et l’empêche d’exercer son cœur de métier, à savoir prévenir, réparer et tarifer les risques professionnels. À l’heure où les réformes importantes engagées ces dernières années portent leurs fruits pour simplifier la tarification du risque aux entreprises et améliorer la politique de prévention, la branche AT-MP ne doit pas être abandonnée.
Telles sont les quelques remarques que je voulais faire sur le volet AT-MP du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. §