Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention à la branche AT-MP, dont le budget pour 2014 se situe dans le prolongement de ceux des années passées, sans réforme spécifique.
Le budget de la branche AT-MP s’inscrit dans un contexte de diminution du nombre de sinistres à traiter, mais, dans la mesure où cette diminution est à mettre en lien avec une régression de l’activité industrielle depuis 2008, ce n’est pas forcément un motif de satisfaction. Le nombre d’accidents de trajet a diminué en 2012, après une hausse continue pendant cinq ans. Les maladies professionnelles connaissent quant à elles une évolution plus contrastée : une hausse entre 2006 et 2011, puis une baisse en 2012.
Pour la deuxième année consécutive, il est prévu que les comptes de la branche AT-MP soient à l’équilibre. Rappelons toutefois que, encore excédentaires en 2008, à hauteur de 241 millions d’euros, ils ont enregistré des déficits considérables entre 2009 et 2012 : leur déficit cumulé s’élève à 1, 834 milliard d’euros. Depuis 2013, ils sont en voie de redressement, avec un excédent de 290 millions d’euros en 2013 et une prévision de 68 millions d’euros d’excédent pour 2014.
Il faut noter que ce redressement est passé par une hausse de 0, 05 % des cotisations – qui sont exclusivement à la charge des employeurs – en 2013. Il convient aussi de rappeler que la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche AT-MP en 2011 et en 2012, en raison de difficultés persistantes, « notamment en ce qui concerne les insuffisances du contrôle interne quant aux ressources issues des cotisations des employeurs ». La situation est donc contrastée, même si elle est globalement positive.
La branche AT-MP pèse d’un poids modeste dans l’ensemble des dépenses des régimes de base de la sécurité sociale, mais elle reste cependant un des piliers de notre système de protection sociale, et sa relative bonne santé actuelle ne doit pas occulter les problèmes qui risquent de la mettre à mal demain. Elle doit faire face à deux enjeux principaux, au titre desquels des réformes importantes ont été engagées ces dernières années, produisant déjà des effets positifs. Ces réformes doivent se poursuivre, sans être entravées par de nouvelles charges dont l’impact n’est pas suffisamment pris en compte, voire mesuré. Des évaluations sont en cours et des groupes travaillent sur les orientations à approfondir, notamment en matière d’harmonisation des appréciations entre médecins et tribunaux pour la prise en compte des risques socioprofessionnels.
Les missions fondamentales de la branche restent l’amélioration de la prévention et l’adéquation de la réparation. La prévention vise à faire diminuer la fréquence et la gravité des sinistres d’origine professionnelle : elle est cruciale dans un contexte où, pour le seul régime général, 1 100 000 accidents du travail et maladies professionnelles ont été reconnus en 2012, près de 70 % d’entre eux ayant donné lieu à un arrêt de travail. Les outils de la prévention, qui doivent encore être améliorés, se déclinent au travers de l’élaboration de normes de sécurité, du contrôle de leur respect et de la mise en œuvre d’incitations financières au développement d’actions de prévention par les employeurs.
La prochaine convention d’objectifs et de gestion pour la période 2014-2017 poursuivra la mise en œuvre des actions engagées, sur la base d’une meilleure articulation des opérateurs nationaux, régionaux et départementaux. Elle devrait également prolonger l’amélioration de la prise en compte de l’historique individuel de la sinistralité de chaque entreprise et des investissements visant à améliorer la sécurité des travailleurs, afin d’adapter la tarification des cotisations aux efforts consentis.
Cependant, la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, autre mission fondamentale à développer, voit son champ s’élargir, ce qui alourdit la charge financière supportée par la branche. Celle-ci a déjà dû assumer la montée en régime des prestations liées aux pathologies découlant de l’exposition des travailleurs à l’amiante, qui ont encore représenté près de 19 % de ses charges en 2012.
Rappelons pour mémoire que, en 2001, le financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante prévoyait une dotation annuelle de l’État. Cependant, pour la deuxième année consécutive, l’État ne débloque aucune dotation pour ce fonds, alors que la dotation de la branche AT-MP a quasiment triplé. En effet, à la fin de l’année 2012, le Gouvernement, notant que le fonds de roulement du FIVA était de 350 millions d’euros, pour un montant de dépenses estimé de 390 millions d’euros, a supprimé sa dotation. On prévoyait alors que le fonds de roulement serait encore de 142 millions d’euros à la fin de 2013 ; mais ce n’est pas le cas. Le FIVA dispose aujourd’hui de soixante-quinze équivalents temps plein, ce qui ne semble toujours pas suffisant, malgré les efforts réalisés, et même si le nombre de victimes a énormément diminué.
L’excédent de 60 millions d'euros envisagé pour la fin de l’année 2014 semble très hypothétique. Cette situation inquiète fortement les acteurs de la branche, qui affirment qu’ils n’accepteront pas un tel budget. Il serait sans doute souhaitable qu’une participation de l’État, même symbolique, vienne témoigner de son engagement dans ce dossier. Il me semble que cela relève d’une obligation morale.
La branche AT-MP doit parallèlement faire face à la progression rapide de maladies professionnelles comme les troubles musculo-squelettiques, qui représentent près de 80 % des maladies conduisant à un arrêt de travail. En outre, la réforme des retraites de 2010 a institué un dispositif de retraite anticipée dès 60 ans pour les personnes victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle entraînant une incapacité d’au moins 10 % ; cette charge repose elle aussi sur la branche AT-MP.
Aujourd’hui, c’est le compte de prévention de la pénibilité prévu par le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites qui risque d’avoir une forte incidence sur le fonctionnement des services, d’autant qu’il n’a pas été pris en compte dans les priorités définies par la convention d’objectifs et de gestion. Il y a encore trop de flou et d’incertitudes, ce qui alimente les interrogations et les inquiétudes sur la répartition entre les services et la définition des moyens de la mise en œuvre du compte de prévention de la pénibilité. Cette charge supplémentaire ne doit pas nuire aux missions de prévention qui ont permis une réduction régulière du nombre des accidents du travail depuis dix ans, ni aux actions visant à la réinsertion professionnelle, pour lesquelles des projets sont en cours.
Malgré toutes ces charges supplémentaires, la branche AT-MP reste légèrement excédentaire, à hauteur de 100 millions d’euros, mais des inquiétudes se profilent quant au maintien de sa viabilité financière. Des progrès sont toutefois à relever : je pense en particulier aux économies de gestion qui seront réalisées grâce à l’unification de la gestion des régimes maladie et accidents du travail des non-salariés agricoles au sein de la Mutualité sociale agricole, la MSA, et à la reprise par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, de la gestion des dettes et créances internationales d’assurance maladie. Cependant, il ne faudra pas tarder à affecter les moyens nécessaires à ces transferts.
Des économies de gestion découleront également de la modernisation du fonctionnement de la branche et des procédures, permettant de simplifier la vie des assurés et des employeurs, ainsi que de la montée en charge de la dématérialisation des documents administratifs et des mutualisations de moyens. L’ensemble de ces mesures devraient permettre d’économiser 200 millions d’euros sur les dépenses de gestion en 2014.
Je relèverai également le vote, par nos collègues députés, d’un amendement tendant à instaurer davantage d’égalité et de justice, pour le bénéfice de l’accompagnement d’une tierce personne dans la vie quotidienne, par l’alignement du taux d’incapacité requis pour les non-salariés agricoles sur celui en vigueur pour les salariés.
Comme l’a indiqué Jean-Pierre Godefroy, nous présenterons, pour compléter le travail réalisé à l’Assemblée nationale, un amendement dont l’objet est de maintenir la garantie complémentaire de santé des personnes titulaires de l’ACAATA, l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, après la rupture de leur contrat de travail avec l’employeur, afin, là aussi, de prendre en compte de la manière la plus juste une réalité où une difficulté s’ajoute parfois à une autre.
Voilà, madame la ministre, chers collègues, ce que l’on peut dire sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Bien qu’elle soit bénéficiaire, des réponses précises sont nécessaires pour assurer sa pérennité et le maintien de ses missions fondamentales, la prévention des risques socioprofessionnels en particulier. Bien entendu, notre groupe votera ce projet de budget. §