Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est, lui aussi, symptomatique de la politique d’un gouvernement socialiste à la française : les entreprises et les contribuables sont plumés, les épargnants et les investisseurs dépouillés !
Pour redresser les comptes sociaux, le Gouvernement a, une fois encore, choisi d’alourdir la fiscalité, alors que nous devrions concentrer nos efforts sur une baisse de la dépense publique, poursuivre des réformes de structures pour enrayer la spirale infernale de la dette.
Le mécontentement des Français gronde : fermetures d’usines, chômage, hausse de la fiscalité… L’exécutif a mis en œuvre, depuis juin 2012, plus de quatre-vingts mesures fiscales et sociales, ce qui s’apparente à un matraquage et contribue à une exaspération devant laquelle vous ne pouvez plus rester inertes. Perte de confiance et angoisse légitime des familles s’accentuent, donnant le sentiment aux Français, mais aussi à nos voisins européens, que nous habitons un bateau ivre.
Cherchant à gratter partout, vous avez décidé et fait adopter des mesures fiscales rétroactives jusqu’en 1997, dans un premier temps, au taux unique de 15, 5 % sur tous les produits d’épargne : PEA, PEL, épargne salariale, assurance vie… De quoi semer un trouble durable chez les épargnants !
Devant la fronde, après vous être obstinés en séance publique à alourdir les prélèvements sociaux sur les produits des placements, vous avez reculé, pour annoncer que seuls l’assurance vie et ses contrats multi-supports prisés par 7 millions d’épargnants seront concernés par le projet. Mais c’est encore trop ! Comble de l’insupportable, curieusement, vous avez annoncé à la va-vite que la mesure s’appliquerait avant même d’avoir été votée, à compter du mois de septembre dernier, pour éviter tout comportement d’optimisation fiscale anticipatif.
Nous contestons cette mesure pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, du point de vue de sa lisibilité, son aspect rétroactif a pour désastreuse conséquence la rupture du pacte de confiance entre gouvernants et administrés. Elle ancre l’idée d’une instabilité fiscale et laisse planer, comme l’épée de Damoclès qu’évoquait notre collègue Gérard Dériot, la possibilité d’augmenter rétroactivement, à tout moment, les prélèvements sociaux. Trop de Français quittent la France – ils sont déjà 35 000 dans ce cas –, lassés par cette fiscalité confiscatoire et entravés dans leur liberté d’entreprendre.
Ensuite, cette mesure met à mal la pédagogie de vos prédécesseurs, visant à faire de l’assurance vie une source de financement pour l’amélioration des retraites, d’une part, et, d’autre part, une réserve de capitaux pour les entreprises françaises. Elle donne le signal d’un sacrifice de l’épargne à long terme au profit de l’épargne à court terme.
Il y a là une incohérence sur laquelle vous ne pouvez fermer les yeux : un privilège serait accordé aux contrats mono-support, dont la contribution au financement des fonds propres des entreprises françaises sera de plus en plus faible, au détriment des contrats multi-supports, investis en partie en fonds d’actions, à la veille de la création d’un nouveau contrat « Euro-croissance » destiné à orienter l’épargne vers le financement en fonds propres des entreprises. L’instabilité fiscale et juridique, ainsi que la perception que peuvent avoir les épargnants de ces mesures spoliatrices, ne peuvent que fragiliser son démarrage.
Enfin, à l’inégalité de traitement entre les contribuables créée par la rétroactivité fiscale de cette mesure s’ajoute une iniquité entre détenteurs de contrats mono-support et détenteurs de contrats multi-supports investis en fonds garantis : pour un investissement sur un même fonds, les uns verront s’appliquer les prélèvements sociaux au fil de l’eau, au taux de chaque année, les autres au moment du retrait ou au décès, au dernier taux connu, dont on peut parier qu’il sera toujours plus élevé…
De telles dispositions ne peuvent rétablir la confiance ni rassurer les investisseurs qui se détournent de notre pays ; elles asphyxient notre économie. Ce sont des mesures incompréhensibles, en parfaite contradiction avec les engagements pris, par le Premier ministre lui-même, en faveur des placements dirigés vers le financement des entreprises, le renforcement de la compétitivité, l’investissement et le développement durable.
Débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale est une prérogative majeure du Parlement. Nous devrions prendre nos responsabilités pour permettre à la solidarité nationale de s’exercer, tout en sauvegardant les équilibres financiers.
En réalité, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale allonge la liste des nouvelles charges fiscales, cède à la facilité en faisant peser la majorité des mesures d’économie sur le médicament, qui ne représente que 15 % des dépenses de santé. En revanche, les réformes de structures se font encore attendre, qu’il s’agisse de la carte hospitalière, de l’offre de soins, de la spécialisation des établissements, de la question des déserts médicaux… Bref, ce texte n’est pas à la hauteur, tant s’en faut ! C’est la raison pour laquelle nous ne le voterons pas.