Intervention de Jean-Pierre Vial

Réunion du 18 novembre 2013 à 21h30
Accord avec l'italie pour la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne ferroviaire lyon-turin — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre VialJean-Pierre Vial :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma qualité de Rhônalpin et, plus précisément, de Savoyard, c’est un honneur et un réel plaisir d’intervenir au nom de mon groupe en faveur du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord franco-italien du 30 janvier 2012.

C’est un projet majeur. En effet, depuis la réalisation du tunnel sous la Manche reliant la France et la Grande-Bretagne, il s’agit du projet d’infrastructure de transport le plus important pour notre pays.

C’est aussi un projet structurant, car, bien au-delà de l’enjeu franco-italien, qui aurait suffi à lui seul à justifier sa réalisation, il s’agit d’une ambition européenne qui nécessite d’être soulignée et développée.

Force est de le constater, les débats qui ont pu naître ici et là méritent que l’on rappelle les principales étapes de ce projet, pour conforter, s’il en était besoin, le choix de nos deux pays soutenus par l’Europe, même si les craintes, voire les critiques exprimées – on vient d’en avoir un exemple –, nécessitent une réponse.

Dès le 17 janvier 1989, le conseil général de la Savoie, prenant acte de la mise en place d’un réseau ferroviaire européen, demande « une priorité pour l’étude et la réalisation de la liaison Lyon-Turin-Milan ».

Le 23 novembre 1992, le même conseil général délibère longuement sur la réalisation de cette liaison, en soulignant, « face aux perspectives de saturation des axes routiers et ferroviaires […], la nécessité de promouvoir des techniques intermodales de transport ».

Est-il besoin de rappeler la Convention alpine sur la protection des Alpes, signée en 1991 par huit États, dont la France, l’Italie, la Suisse et l’Autriche, ainsi que par l’Europe ? Il est précisé à son article 2-10, au titre des transports, que « les parties contractantes prennent des mesures appropriées, notamment dans les transports :

« - En vue de réduire les nuisances et les risques dans le secteur du transport interalpin et transalpin, de telle sorte qu’ils soient supportables pour les hommes, pour leur cadre de vie et leurs habitats, notamment par un transfert sur la voie ferrée d’une partie croissante du trafic, en particulier du trafic de marchandises, notamment par la création des infrastructures appropriées. »

Nous sommes alors en 1991…

Il est bon quelquefois de rappeler l’histoire à ceux qui se targuent d’être les visionnaires du monde de demain. Oui, l’esprit du Grenelle inspirait déjà le Lyon-Turin, avec vingt ans d’avance !

Ainsi, dès 1994, au sommet d’Essen, l’Europe retenait dix projets prioritaires, parmi lesquels l’axe sud européen, dont la section Lyon-Turin, qui allait devenir le corridor méditerranéen n°3, Algésiras-Budapest.

Les catastrophes des tunnels du Mont-Blanc, en 1999, du Saint-Gothard, en 2001, et du Fréjus, en 2005, allaient accélérer la prise de conscience de la réalité des transports dans les Alpes, au regard de la sécurité, de l’environnement, de l’économie et de son enjeu géostratégique.

Sur le plan de la sécurité, il est difficile d’imaginer qu’un ouvrage monotube de plus de treize kilomètres de long, chers collègues écologistes, datant du XIXe siècle – Cavour en avait lancé la réalisation avant le rattachement de la Savoie à la France –, puisse être prolongé indéfiniment, au moment même où tous les autres ouvrages de l’arc alpin entre la Suisse, l’Autriche et l’Italie ont été modernisés ou sont en cours de l’être, qu’il s’agisse du Lötschberg, du Saint-Gothard ou du Brenner.

L’histoire récente des grands ouvrages tant ferroviaires que routiers, ponctuée de multiples drames, nous apprend que nous ne pouvons nous appuyer sur des infrastructures fragiles pour franchir l’arc alpin. L’itinéraire ferroviaire par la Maurienne et le val de Suse, en Italie, a vocation à rester la colonne vertébrale de nos échanges franco-italiens, d’autant que l’axe par Vintimille ne peut assurer qu’un trafic modeste.

Bien qu’intéressantes, les autres solutions souvent évoquées, telles que le merroutage, ne peuvent être que partielles.

C’est ainsi que les trois principaux ouvrages de franchissement des Alpes entre la Suisse, l’Autriche et l’Italie, dont les altitudes respectives s’échelonnaient de 1 100 à 1 300 mètres, auront été ramenés à une altitude de 500 à 600 mètres, pour accroître la sécurité, la qualité et la capacité d’un meilleur service ferroviaire.

Il en est de même sur le plan de la protection de l’environnement, quand on sait les nuisances qui résultent des transports par poids lourds, des millions de camions traversant chaque année nos agglomérations et nos vallées alpines de Chamonix et de Maurienne ou suivant l’itinéraire côtier par Nice et Vintimille. La seule réponse à apporter ne peut relever que d’une ambition : transférer un million de camions de la route sur le rail, ce qui équivaut de surcroît à un gain annuel équivalent à 700 000 tonnes de CO2.

Sur le plan économique, pour échapper à toute interprétation fantaisiste, il est utile de rappeler l’importance des relations de la France et de l’Italie dans les échanges plus larges au cœur de l’Europe de l’arc alpin. L’Europe l’a bien compris, et son soutien financier, d’une hauteur exceptionnelle, témoigne de la prise de conscience du caractère majeur de ce verrou du franchissement des Alpes ; j’y reviendrai.

Depuis trente ans, oui, mes chers collègues, depuis trente ans, le trafic de marchandises par la route et le rail n’a cessé de progresser à travers l’arc alpin. Il a plus que doublé, passant de 68 millions de tonnes à 150 millions de tonnes, un tiers de ce trafic s’effectuant par les Alpes franco-italiennes.

Certes, ce trafic a été considérablement diminué par la crise économique, dans les années 2008-2010, mais il est de nouveau reparti à la hausse, l’Europe tablant, pour le seul mode routier, sur une progression de 60 % d’ici à 2030.

Même le mode ferroviaire, longtemps en recul, a repris le chemin de la croissance, puisque, avant la crise, la progression du transport de marchandises des neuf pays de l’Union européenne les plus proches a été, en cinq ans, de 32 %, dont 47 % pour la seule Allemagne.

Il est vrai qu’en France l’évolution pendant la même période aura été négative, enregistrant une baisse de 13 %, ce qui témoigne du défi à relever.

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