Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il est des projets de loi dont l’examen procure plus de satisfaction que d’autres. C’est le cas de celui-ci, et ce pour deux raisons déjà évoquées par beaucoup d’entre nous et en particulier par Jean-Pierre Vial.
La première raison, c’est la pertinence même de ce projet ferroviaire : pertinence économique et pertinence écologique.
La deuxième raison, c’est que ce projet s’inscrit dans la vraie mission de l’Europe. À l’heure où l’Europe est perçue par bon nombre de nos compatriotes comme un « machin » à produire des contraintes et normes en tout genre, cet accord montre qu’elle peut être le lieu d’initiatives et d’investissements structurants. Et en période de crise, chacun le sait, seuls les investissements préparent l’avenir.
Je voudrais à mon tour saluer l’action constante de la France. À tous les niveaux, tous les Présidents de la République, tous les gouvernements de droite ou de gauche qui se sont succédé, ont soutenu ce projet. Monsieur le ministre, vous en êtes ce soir l’expression. Et je suis convaincu que le Président Hollande fera du sommet franco-italien du 20 novembre l’occasion de lancer la prochaine phase, vers la réalisation et l’exploitation de cette ligne.
Permettez-moi, mes chers collègues, de saluer également l’engagement de celles et ceux qui, hier et aujourd’hui, ont permis au Parlement de débattre de ce projet. C’est une étape indispensable à la réalisation de l’infrastructure.
Je ne les citerai pas tous, mais je veux témoigner du rôle déterminant de notre ancien collègue, le regretté Pierre Dumas. Vice-président chargé des transports au conseil régional Rhône-Alpes, il est à l’origine du projet. Sa ténacité, alliée à son talent de diplomate, a permis de vaincre nombre de réticences et de convaincre les plus sceptiques.
Permettez-moi de lui associer ses deux successeurs au Sénat : Michel Barnier, aujourd’hui commissaire européen, dont la position actuelle est un atout supplémentaire pour le bon cheminement du projet, et notre collègue Jean-Pierre Vial, qui, depuis qu’il siège dans notre hémicycle, ne manque jamais une occasion de nous convaincre du bien-fondé du Lyon-Turin. Son intervention ce soir en est une illustration supplémentaire.
Je voudrais également associer Jean-Jacques Queyranne, le président du conseil régional Rhône-Alpes, qui, comme ses prédécesseurs, soutient avec la même conviction ce projet.
J’y ajoute le soutien de l’ensemble des acteurs économiques de la région. Plus de mille entreprises ont signé un communiqué en faveur du Lyon-Turin !
Oui, mes chers collègues, ce Lyon-Turin, malgré les inquiétudes légitimes qu’il suscite en termes de coût et de financement, malgré les préoccupations environnementales, est une nécessité économique, et pas seulement pour les deux régions transfrontalières, pas seulement pour la France et l’Italie, mais pour l’Europe tout entière.
Cet axe est le maillon central et incontournable des échanges entre l’Europe du Nord et celle du Sud, et ce depuis des siècles, voire des millénaires. Cette « banane bleue », comme l’appellent les spécialistes des transports, va de Rotterdam à Milan. Et Lyon est le point de bifurcation de ces flux, d’une part, vers l’Espagne et le Portugal via Montpellier, et d’autre part, vers l’Italie et l’Europe du Sud-Est via Turin par le futur tunnel sous les Alpes.
Or, aujourd’hui, nous sommes face à une réalité : 90 % des flux de marchandises se font par camion. Est-il normal qu’un camion parte de Rotterdam pour aller à Milan voire plus loin encore ? Non !
Nos infrastructures ferroviaires ne sont pas adaptées, et le parcours par le fer est dissuasif, en temps et en coût. En effet, il ne faut guère plus de vingt-quatre heures à une semi-remorque au départ du port hollandais pour rejoindre la capitale lombarde, alors que cette même remorque mettra presque une semaine sur un wagon !
Ce à quoi il convient d’ajouter la pollution générée par les mêmes camions dans la vallée de Chamonix ou celle de la Maurienne, lorsqu’ils rejoignent l’Italie via les tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus. Le préfet de Haute-Savoie vient d’ailleurs de limiter la vitesse sur les autoroutes face à la pollution suscitée par ces trafics.
Ce projet est une nécessité, et en particulier le tunnel de base qui, il est vrai, mobilisera plusieurs milliards d’euros. Il nous faudra être imaginatifs et innovants, monsieur le ministre, pour mobiliser des fonds publics et privés.
Certes, Hannibal, il y a vingt siècles, a traversé les Alpes à dos d’éléphant, une espèce aujourd’hui protégée ; mais la notion d’espace-temps n’est plus du tout la même, vous en conviendrez !