Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances intervient dans un contexte dont chacun mesure la gravité, tant l’exaspération de nos concitoyens et de l’ensemble des acteurs économiques et sociaux est perceptible. Au-delà de l’Hexagone, nos partenaires européens commencent à douter de nous, comme si la France était devenue le maillon faible de la zone euro.
Nous n’allons pas attendre 2017 pour sortir de la crise ! C’est dire si nous avons le devoir de tenter de convaincre le Gouvernement et la majorité qui le soutient encore à l’Assemblée nationale, à défaut de celle du Sénat, de rectifier ses options, son discours et son action, sans pour autant demander l’illusoire « remise à plat » de notre modèle de prélèvements obligatoires.
En préambule, je voudrais vous demander, monsieur le ministre, de mettre un terme à l’invocation de l’héritage laissé par les gouvernements qui ont précédé le vôtre, d’abord parce que vous êtes au pouvoir depuis maintenant dix-huit mois, ensuite parce que, si la rhétorique est bien conforme à la tradition de gauche, les procédés et les dérives n’ont pas changé.
Depuis l’élection de François Hollande, la dette publique a progressé d’au moins 150 milliards d’euros, sans doute de près de 200 milliards d’euros si l’on tient compte des prêts, des avances et des dotations au capital de telle ou telle institution européenne.
Par ailleurs, les astuces cosmétiques n’ont rien perdu de leur hardiesse. Il en est ainsi des investissements « d’avenir », qui représentent 12 milliards d’euros venant en complément des 50 milliards d’euros votés en 2010. Convenons que c’est une manière de reporter à plus tard les arbitrages budgétaires douloureux.
Dans le même registre, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, permet aux entreprises de constater au 31 décembre 2013 une créance sur l’État de 10 milliards d’euros, alors que nous chercherons en vain, dans les comptes de ce dernier, l’inscription de cette dette. Pourtant, au 31 décembre 2014, la dette en question atteindra 20 milliards d’euros. Voilà une façon de différer la constatation des charges dans les comptes publics !
Ces petits arrangements permettent de maintenir l’illusion et d’ajourner les réformes structurelles politiquement redoutées.
Dans le même ordre d’idées, vous nous annoncez, monsieur le ministre, que les dépenses publiques vont baisser de 15 milliards d’euros, alors qu’elles continuent à progresser en valeur absolue. Oserai-je dire : gauche, droite, mêmes aveuglements !
Je déplore que vous n’ayez pas pris, pour sortir du brouillard ambiant, l’initiative à laquelle le gouvernement précédent, en dépit des recommandations de la commission des finances du Sénat, avait renoncé ; je veux parler de la présentation d’un projet général agrégeant le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances, qui nous permettrait d’avoir une vision globale de l’ensemble des ressources et des dépenses publiques…