Mes chers collègues, ce projet de budget intervient dans un contexte général qui n’est pas fameux, celui du marasme économique. C’est toutefois assez surprenant si l’on considère la croissance forte de tant d’économies dans le reste du monde. C’est comme si une sorte de malédiction s’était abattue sur notre économie et, plus largement, sur celle d’un certain nombre de pays européens.
En 2011, nous avons connu le pic de la crise de l’euro, dont nous sommes sortis grâce à un plan de redressement vigoureux, au traité budgétaire et à la règle d’or. Ces mesures ont certes permis de desserrer l’étau, mais, aujourd'hui, les contraintes demeurent et les risques ne sont pas écartés. L’urgence de la période actuelle commande non seulement de parvenir à la maîtrise de nos dépenses, aussi nécessaire soit-elle, mais également de retrouver la compétitivité de l’économie française et donc de nos entreprises.
Pour ce qui concerne les charges générales de la nation, nous constatons, avec ce projet de budget et le précédent – il faut bien tenir compte des deux budgets présentés depuis l’élection présidentielle –, une aggravation très nette et forte des prélèvements obligatoires : en deux ans, le taux est passé de 45 % du PIB à 46, 1 %, soit une augmentation de 1, 1 point, un record historique pour notre pays.
Or, compte tenu des doutes exprimés par le Haut Conseil des finances publiques sur la crédibilité des hypothèses économiques sur lesquelles repose ce projet de loi de finances, on ne peut que s’inquiéter de l’exécution de ce budget, s’il devait être adopté en l’état, notamment parce que le Haut Conseil estime exagérément optimistes les hypothèses d’évolution de la masse salariale.
Eu égard aux moins-values fiscales constatées aujourd'hui par rapport à ce qu’attendait le Gouvernement pour l’année 2013, on ne peut qu’être inquiet des moins-values qui risquent d’être enregistrées l’année prochaine encore. Ainsi, comme l’a souligné précédemment le président de la commission des finances, le retour à l’équilibre risque fort d’être retardé.
Par ailleurs, les réformes structurelles, qui sont nécessaires, ont un caractère nettement insuffisant. Je fais référence ici à la réforme des retraites. Le secteur public, qui est responsable de la moitié du déficit, est oublié ; pour le reste, les mesures prises ne couvrent que la moitié du chemin qui resterait à parcourir. C’est donc un quart de réforme qui nous a été proposé et, dans ce contexte économique de marasme, cela n’est pas de nature à nous rassurer sur la maîtrise de l’évolution des charges de la nation.
Quant au rapport entre les économies budgétaires et l’impôt dans la combinaison des moyens destinés à rétablir progressivement l’équilibre de nos finances publiques, nous considérons que le compte n’y est pas. L’appel à l’impôt continue à dominer la maîtrise des dépenses.
Pour ce qui concerne la compétitivité des entreprises, force est de le constater, le choc fiscal de 2012 se prolonge. Vous avez commencé par abandonner la baisse des cotisations avec, en contrepartie, la hausse de la TVA. Vous avez ensuite découvert ce problème de compétitivité et inventé – vous ne vouliez pas revenir sur les traces de vos prédécesseurs ! – le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Là encore, le Haut Conseil des finances publiques a souligné à quel point cette mesure, d’ailleurs très compliquée, était en deçà de ce qui est nécessaire pour renforcer la compétitivité de notre pays.
Pour ce qui est de l’épisode de la taxation de l’excédent brut d’exploitation, malgré une longue familiarité avec les inventions du ministère des finances, je n’ai jamais vu, à l’égard d’un tel montant, une mesure fiscale aller aussi loin, avant d’être retirée ! Comment a-t-on pu ne pas anticiper les difficultés en la matière ?
Le décrochage de notre pays par rapport à l’Allemagne est aujourd'hui consommé, avec la hausse de l’impôt sur les sociétés, qui conduit à un taux d’imposition sans équivalent en Europe. Voilà qui laisse à penser que le nécessaire, voire l’indispensable, n’est pas fait pour stimuler la compétitivité de nos entreprises.
Par ailleurs, au début du quinquennat, vous avez recouru à une opposition stérile entre l’imposition des ménages et celle des entreprises. Je constate que ce discours est moins mis en avant aujourd'hui, ce dont je me réjouis, mais, dans les actes, les choses n’ont pas changé.
Rappelons que les entreprises sont à l’origine du revenu des ménages. Rendre plus difficile leur activité revient à brider à la fois l’évolution des salaires et l’emploi. La fiscalité qui pénalise l’entreprise pénalise aussi, en fin de compte, les ménages.
Or, dans vos deux budgets, les ménages ne sont pas épargnés, loin de là ! Je pense à la refiscalisation des heures supplémentaires ; à la prolongation, pendant un an, du gel du barème de l’impôt sur le revenu, une mesure à laquelle vous renoncez heureusement ; à la hausse de la TVA au mois de janvier prochain, sans baisse des cotisations sociales pour contrepartie, bien au contraire – avec la réforme des retraites et les prélèvements supplémentaires sur les artisans et les commerçants, les charges augmentent ; à la baisse du quotient familial, à la fiscalisation des avantages familiaux de retraite, à la fiscalité de l’épargne, pour un montant de 600 millions d’euros ; sans compter, bien sûr, les mesures déjà prises, telle la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu à 45 %, qui conduit le taux marginal d’imposition sur les revenus à dépasser, CSG comprise, les 60 % du revenu, une mesure évidemment très dissuasive pour les créateurs de richesses de notre pays, ceux qui investissent et créent l’emploi.
Pour ce qui est des économies, vous avez votre propre manière de compter. Vous faites valoir que, sans votre action, on aurait enregistré 15 milliards d’euros de dépenses supplémentaires par rapport au budget de l’année dernière, somme que vous comptabilisez comme des économies. Je prends acte de cet effort, mais il faut procéder à une comparaison homogène des économies d’une année sur l’autre. Il faut considérer le solde net des économies et non pas cet effort que vous présentez comme étant un effort considérable et sans précédent.
D’ailleurs, je relève qu’une partie de ces économies se fait sur le dos des autres !
Vous faites des économies sur le dos de la sécurité sociale, avec l’affectation au Fonds de solidarité vieillesse de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, destinée à financer la dépendance des personnes âgées, et au budget de l’État de la fiscalisation des avantages familiaux de retraite, qui devait contribuer à l’amélioration de l’équilibre financier de la branche famille.
Vous faites aussi des économies sur le dos de la défense nationale. Alors que la loi de programmation militaire vient d’être votée, le financement des opérations extérieures ne donne pas lieu à un effort supplémentaire du budget de l’État ; celles-ci doivent être inscrites au budget du ministère de la défense.