Intervention de Dominique de Legge

Réunion du 21 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Demande de renvoi à la commission

Photo de Dominique de LeggeDominique de Legge :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, si nous vous présentons, au nom du groupe UMP, une motion tendant au renvoi à la commission du projet de loi de finances pour 2014, ce n’est pas que nous estimions que M. le rapporteur général ait failli – il a travaillé avec ce que le Gouvernement lui a fourni, mais un mauvais texte ne saurait devenir, par la simple bonne volonté et la qualité du rapporteur, un texte cohérent.

En effet, ce que nous reprochons à votre projet de budget, monsieur le ministre, ce sont les contradictions entre vos déclarations, auxquelles il peut nous arriver de souscrire, quand vous nous parlez de compétitivité, de croissance ou de maîtrise de la dépense, et vos actes, qui sont aux antipodes de vos discours.

Depuis 2012, vous avez augmenté la pression fiscale de l’ordre de 45 milliards d’euros. Rien de ce qui est imposable et de ce qui est taxable n’a échappé à votre sagacité, au point que le ministre de l’économie lui-même n’a pas hésité à parler de « ras-le-bol fiscal ».

C’est dans ce contexte que le Premier ministre a annoncé une remise à plat de la fiscalité, une annonce pour le moins étonnante, car elle intervient après les majorations de la fiscalité que j’ai rappelées, quand il ne s’agit pas de prélèvements nouveaux.

Et dire que nous pensions, à vous entendre, monsieur le ministre, que toutes les mesures que vous avez prises depuis dix-huit mois étaient le résultat d’une réflexion approfondie, répondant à une stratégie et à une vision !

L’annonce du Premier ministre laisserait à penser qu’il n’en est rien, tant celle-ci sonne comme un aveu que votre politique des prélèvements n’a été ni concertée, ni réfléchie, ni préparée. Sur le plan de la méthode, on aurait pu mieux faire, réfléchir avant d’agir, et ce d’autant plus que vous avez consommé les marges de manœuvres dont vous disposiez.

Vous nous avez expliqué depuis dix-huit mois que le retour à l’équilibre passait d’abord par une augmentation de la pression fiscale avant une diminution de la dépense, au motif que la baisse de la dépense publique serait plus récessive que l’augmentation des prélèvements obligatoires.

Résultat : la croissance est en berne, les recettes fiscales ne sont pas au rendez-vous et, contrairement à vos affirmations, la dette publique continue de progresser. Ce projet de budget persiste dans cette erreur : ni pause fiscale ni baisse de la dépense publique.

Pour la « pause fiscale », qu’observe-t-on dans le budget pour 2014 ?

Hausse de la TVA de 7 % à 10 % et de 19, 6 % à 20 % ; hausse des cotisations vieillesse de 0, 3 % ; baisse du plafond du quotient familial ; suppression de la réduction d’impôt pour enfants scolarisés, finalement rétablie à la suite de la bronca qu’a suscitée cette mesure, y compris au sein même de votre majorité ; imposition sur le revenu de la majoration de 10 % de la pension des familles de retraités qui ont eu trois enfants ; suppression de l’avantage fiscal sur les mutuelles, soit une augmentation de 1 milliard d’euros d’impôts sur le revenu concernant 76 % des salariés ; baisse du plafonnement global des niches fiscales ; taxation supplémentaire de 2, 5 milliards d’euros des entreprises, au départ sur l’excédent brut d’exploitation, finalement sur l’impôt sur les sociétés ; taxe sur les entreprises versant des salaires supérieurs à 1 million d’euros ; durcissement de la déductibilité des intérêts d’emprunt, qui va avoir un impact sur les entreprises à hauteur de 2, 7 milliards d’euros : l’augmentation d’impôts des ménages en 2014 sera quasiment aussi forte qu’en 2013.

Je n’ai pas noté que ce sont les plus riches qui vont payer ; ce sont bien les classes moyennes, en particulier les familles. Le Gouvernement nous avait annoncé une grande loi sur le sujet. On l’attend toujours, et c’est au détour des lois de finances que leur sort est réglé.

Il ne suffit pas de qualifier toutes vos mesures de « sociales » et de « justes » pour qu’elles le soient dans les faits ! C’est sans compter que, compte tenu des dépenses imposées aux collectivités locales avec les rythmes scolaires, et de la diminution de leurs dotations, il faut s’attendre à une forte augmentation des impôts locaux à l’automne 2014. Le malheur veut qu’il n’y ait pas deux contribuables, l’un local et l’autre national ; c’est bien le même qui paye !

Quant aux entreprises, certes elles peuvent bénéficier du CICE. Mais les premiers bilans produits par le comité de suivi, sous la houlette du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, montrent que l’objectif de compétitivité est loin d’être atteint.

Ce crédit d’impôt bénéficie surtout aux grandes entreprises, qui n’en ont pas forcément le plus besoin, et à la distribution. Le dispositif demeure en revanche complexe pour les petites entreprises.

Il convient donc de repenser d’une autre manière la baisse du coût du travail. C’est la raison pour laquelle nous proposons un amendement pour supprimer le CICE et rétablir la TVA compétitivité.

Quant à la baisse des dépenses de l’État, c’est un leurre. Comme je l’ai expliqué dans mon intervention lors de la discussion générale, la réelle diminution des dépenses est exclusivement imputable à la baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF.

Le Gouvernement a fait sauter tous les verrous qui avaient permis de tenir la dépense publique.

Ainsi, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, repart à la hausse. Là où nous avions fait le choix de baisser le nombre d’agents de l’État en échange d’une revalorisation des carrières, vous faites celui de maintenir quasiment les effectifs, vous privant de la possibilité d’améliorer les rémunérations et de faire évoluer les statuts, préalable indispensable à la modernisation de l’action publique. Ainsi, à effectifs constants, les 82 milliards d’euros de masse salariale dérivent mécaniquement chaque année d’au moins 1, 5 %.

Les dépenses d’intervention – allocations logement, allocations dédiées aux handicapés, RSA, etc. – dérapent.

Les emplois d’avenir, tels qu’ils sont financés dans le budget, coûtent 2, 3 milliards d’euros en 2013 et plus de 3 milliards d’euros en 2014. Les objectifs affichés ne sont en réalité qu’un vaste écran de fumée, et il est d’autant plus nécessaire de revoir la copie que celle-ci ressemble à un brouillon. Le Gouvernement est, avec ce projet de budget, en pleine improvisation fiscale.

Tout d’abord, le texte comporte des mesures contradictoires.

Sur la fiscalité immobilière, le Gouvernement veut créer un « choc d’offre » et augmenter les avantages afin d’inciter à la vente, mais dans le même temps, il augmente les frais de transmission.

Sur les entreprises, nous l’avons vu, le CICE censé compenser la hausse de la fiscalité sur les entreprises en 2012 et en 2013, se heurte à de nouvelles mesures de hausse de la taxation des entreprises.

Ce sentiment d’improvisation fiscale est également suscité par des rétropédalages incessants et dans tous les domaines : sur la fiscalité des valeurs mobilières, la non-augmentation des taux de TVA, la baisse du taux réduit de TVA à 5 %, l’écotaxe, la suppression d’une fiscalité favorisant le diesel, la hausse de la fiscalité de l’épargne, la création d’une taxe sur l’excédent brut d’exploitation, qui serait finalement devenue une taxe sur l’excédent net d’exploitation, ou encore la suppression de la déduction fiscale pour frais de scolarité.

C’est un véritable tournis fiscal ! Nous ne trouvons nulle part dans le budget la traduction de toutes ces volte-face et annonces. Pas plus tard que mardi, le Premier ministre annonçait le déblocage de 370 millions d’euros pour financer partiellement le coût des rythmes scolaires, mais on ignore où il les trouve.

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