Intervention de Joël Guerriau

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 26 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « défense » programme « soutien de la politique de défense » - examen du rapport pour avis

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau, co-rapporteur pour avis :

S'agissant des autres actions du programme 212 et sans vouloir être exhaustif, je voudrais mettre en relief quelques points saillants.

En premier lieu, je souhaiterais attirer votre attention sur quelques éléments concernant les systèmes d'information, d'administration et de gestion dont les crédits progressent de 24,4% en CP et 11,70 % en AE.

Nous avions eu l'occasion, l'année dernière, de vous faire part de notre inquiétude sur la dégradation des performances de ce secteur, soulignant d'ailleurs qu'au-delà de LOUVOIS, nous observions des dérives en termes de calendrier et de coûts sur nombre de programmes. Nous nous interrogions sur l'opportunité de réduire les crédits de paiements sur cette action en cette période difficile. Nos observations, à l'épreuve des faits, hélas, semblent prises en considération s'agissant des crédits.

Il reste que la situation s'est dégradée. Je ne reviens pas en détail sur LOUVOIS car la question a été abordée largement au cours des auditions, si ce n'est pour souligner ses conséquences :

1/ Des versements excédentaires de soldes dont les évaluations sont fluctuantes - la Cour des comptes avance 133 millions d'euros pour 2012, le ministère 65 à 70 millions d'euros pour 2013, sur les crédits du programme 178, entraînant le recrutement d'une centaine de vacataires pour leur recouvrement, auxquels il faut ajouter la surconsommation des crédits au titre des avances, et des acomptes versés au titre du plan d'urgence ministériel destinés à aider les familles affectées par les dysfonctionnements de LOUVOIS ;

2/ L'engagement de mesures correctrices pour près de 9 millions d'euros d'expertise et d'assistance à maîtrise d'ouvrage ;

3/ Les conséquences du maintien obligé d'applications anciennes qu'il faut continuer à maintenir en raison du moratoire sur le raccordement de l'Armée de l'air et de la Gendarmerie ;

4/ Le décalage en conséquence de certains programmes qui devaient être interfacés ou prendre la suite de LOUVOIS : SOURCE reporté à 2016 et le raccordement à l'Opérateur national de paie qui est repoussé à 2018.

LOUVOIS est donc un sinistre de grande ampleur. Nous avons encore peu de visibilité sur le chemin de sortie de crise. Le ministre a annoncé ce matin sur Europe 1 l'abandon de LOUVOIS et la mise en place « d'un dispositif plus robuste qui va être préparé avec beaucoup de vigilance, qui va être expérimenté et qui va se mettre en place dans les mois qui viennent » sans préciser pour le moment le calendrier, mais selon nombre d'experts, il faudra au moins 2 ans pour que tout rentre dans l'ordre. Un changement de système supposerait au préalable, une simplification des régimes indemnitaires des armées. La complexité est sans doute une des raisons des déboires de LOUVOIS et une cause de renchérissement des coûts.

Je voudrais surtout, et c'est plus inquiétant, faire observer que LOUVOIS est le révélateur de dysfonctionnements récurrents. D'autres programmes, SIGALE, COMPAS, SOURCE, affichent des retards conséquents. Ces décalages ont un impact financier (plus de 10 millions d'euros pour le décalage de SOURCE). Les défauts dans la programmation et les retards entraînent également des accumulations de travail en phase de vérification et d'admission des prestations et donc l'obligation de faire appel à des prestataires extérieurs. La réduction des effectifs a fait exploser les besoins d'assistance externe. On estime ce poste de dépenses à 10 à 20% du coût complet des programmes.

Les phénomènes s'enchaînent et s'entretiennent : complexité des règles et des procédures, mauvaises spécifications, défaut de programmation, retards dans la réalisation, précipitation dans la mise en service, pour déboucher sur des catastrophes de grande ampleur. LOUVOIS est révélateur d'une situation endémique. Le ministère doit s'attacher à traiter simultanément les causes, le mal et ses conséquences sur le terrain. Une réforme de la gouvernance a été mise en place en 2013. Il est trop tôt pour en mesurer les effets. Nous reconnaissons la complexité de la situation. Nous espérons que le renforcement des moyens et la réorganisation du pilotage permettra d'améliorer une situation inacceptable budgétairement, mais surtout en raison de son impact sur le moral des armées, nous craignons que le redressement soit long à produire ses effets.

S'agissant du soutien à la politique des ressources humaines, qui aborde à la fois la question de la reconversion et celle de l'aide sociale, les crédits progressent de 5,29%.

Le volet reconversion voit ses crédits augmenter de près de 11%. Chaque année, les forces armées organisent le retour à la vie civile de près de 23 000 militaires. La reconversion est donc un axe majeur de la politique des ressources humaines de la défense et un levier essentiel pour le recrutement et l'attractivité des armées. Cette augmentation résulte pour partie du transfert à l'Agence de reconversion de la défense (ARD) de crédits jusque-là gérés par la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (8,8 millions d'euros) destinés à la reconversion de publics sensibles, mais aussi, en titre 2, de l'augmentation de 17% des crédits dédiés aux indemnités de chômage des civils et des militaires, traduction de la dégradation de la situation de l'emploi et de la difficulté à offrir un débouché à tous les personnels qui quittent la défense, même si les résultats de l'ARD progressent, mais un certain nombre de militaires ne recourent pas à ces services.

Concernant le volet action sociale, nous nous inquiétions l'année dernière de la baisse des dotations et notamment de la subvention à l'IGeSA qui est l'établissement public gestionnaire en considérant que l'effet mécanique des baisses d'effectifs sur l'évolution du budget ne devait pas nécessairement être l'ultima ratio de la bonne gestion d'une politique d'action sociale. Les réorganisations suscitent des besoins supplémentaires et l'action sociale est souvent un moyen d'accompagner le changement. Le ministère de la défense, comme M. Bodin l'a confirmé devant votre commission, a été obligé de rectifier le tir en gestion. Le niveau de crédit est donc rétabli en 2014. L'IGeSA devra en contrepartie refondre la tarification et le fonctionnement de ses centres de vacances, réduire ses dépenses de fonctionnement et développer ses ressources propres. L'objectif est que les prestations soient d'abord servies à ceux qui en ont le plus besoin en évitant les effets d'aubaine et de développer des actions spécifiques notamment de soutien psychologique des familles des militaires et civils engagés sur les théâtres d'opérations extérieures et en faveur des blessés et de leurs familles.

Enfin, je conclurai sur la politique culturelle et éducative qui rassemble les crédits destinés aux archives historiques et aux musées des armées, les crédits progressent de plus de 4%, (8,5% hors les dépenses de personnel), en raison de travaux de rénovation et de remises aux normes dans les musées et du soutien aux célébrations des anniversaires des deux guerres mondiales.

Pour ce qui concerne les musées, je voudrais faire quelques observations. Ces établissements emploient 402 personnes et consomment 18,5 millions d'euros en crédits budgétaires. Ces financements budgétaires progressent. Les objectifs de développement des ressources propres sont loin d'être atteints, ils restent inférieurs à 50% pour le Musée de l'Air et de l'Espace et inférieurs à 40% pour le Musée de la Marine. Le nombre de visiteurs est en baisse et, au sein des visiteurs, les entrées gratuites progressent sensiblement.

Les contrats d'objectifs et de moyens des établissements doivent être renouvelés prochainement, peut-être faudrait-il s'interroger sur le mode de gestion de ces établissements. La défense, dont ce n'est pas le « coeur de métier », dispose-t-elle de toutes les compétences pour développer ces établissements ? Une gestion déléguée à des opérateurs publics ou privés spécialisés dans la gestion de musées à l'instar de ce qu'a fait le Sénat avec le musée du Luxembourg ne serait-elle pas plus économique et plus efficace, y compris pour la valorisation du patrimoine historique et de l'image de nos armées ?

Voici, en terminant sur ce questionnement un peu iconoclaste, les observations que nous souhaitions vous présenter après l'examen des crédits du programme 212 de la mission « Défense » sur lesquels nous portons un avis favorable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion