Après les quelques mots prononcés hier par Jean-Pierre Raffarin, il m’appartient d’honorer la mémoire d’un grand résistant et d’un grand législateur.
Je veux saluer le courage et la lucidité du jeune homme, je dirais même de l’adolescent, qui entra dans la Résistance à seize ans. Arrêté par la police de Vichy, il s’enfuit en Espagne, avant de rejoindre Londres. Fait prisonnier lors d’une mission aux Pays-Bas, promis à l’exécution sommaire comme ses camarades, il en ressort grièvement blessé, mais miraculeusement vivant.
Engagé auprès du général de Gaulle pour la libération de la France, c’est dans les rangs gaullistes qu’il commence sa carrière politique, d’abord comme benjamin du conseil municipal de sa ville natale, Saint-Etienne, puis comme adjoint au maire. C’est là que, en 1957, il fait la connaissance du mouvement Maternité heureuse, qui deviendra le Mouvement français pour le planning familial.
Porte-parole du Comité de salut public et directeur de Radio Alger au cours des derniers mois de la IVe République, il est élu député de la Ve République dès 1958. Son œuvre de parlementaire est inspirée par la volonté de faire évoluer le droit pour mieux assurer et promouvoir la dignité humaine. Celui qui disait avoir été « élevé par deux femmes exceptionnelles » reste marqué par le courage de celles qui ont combattu à ses côtés dans la Résistance.
Animé par une conscience aiguë de la situation parfois tragique des femmes dans les années cinquante et soixante, il affronte les conservatismes pour leur apporter une liberté essentielle. En autorisant la contraception, la loi du 28 décembre 1967, qui porte son nom, leur donne la maîtrise de leur corps et de leur fécondité.
Violemment attaqué au cours de ce qui fut un véritable combat législatif, Lucien Neuwirth a apporté une contribution majeure à l’émancipation des femmes. Cet engagement, il le poursuit en tant que rapporteur à l’Assemblée nationale du projet de loi de Simone Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, en 1974.
Devenu président du conseil général de la Loire, il est élu sénateur de 1983 à 2001. Observateur avisé et sensible de la société, il inscrit dans la loi de nouvelles avancées pour que chacun soit un peu plus maître de son destin face à la douleur et aux drames de la vie. Questeur du Sénat, membre éminent de la commission des affaires sociales, il prend l’initiative de deux textes qui font progresser notre pays en matière de prise en charge de la douleur et de soins palliatifs. Il a accompli, dans ce domaine également, une œuvre fondatrice.
Celui qui a agi avec tant de conviction, de générosité et de persévérance pour le bien commun, pour les droits des femmes et pour le respect de la dignité humaine, mérite notre profonde reconnaissance. À son épouse, à ses proches, j’adresse en notre nom à tous mes condoléances les plus sincères.
Mes chers collègues, je vous propose d’observer une minute de silence à la mémoire de Lucien Neuwirth.