Les gains du développement de la prévention en termes de santé publique sont considérables.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dépister un cancer à ses premiers stades de développement décuple les chances de l’éradiquer. Les gains à attendre du développement de la prévention sont bien sûr aussi financiers. À l’heure où la soutenabilité des dépenses de santé pose chaque année question, il s’agit tout de même là d’une donnée à méditer.
Depuis 2004, il est vrai que certains dépistages se sont systématisés, en particulier dans le domaine des MST, les maladies sexuellement transmissibles, et du cancer, que je viens d’évoquer. Néanmoins, cela demeure encore très insuffisant ; c’est un changement beaucoup plus radical qu’il nous faut mettre en œuvre.
Notre système de santé doit pouvoir assurer le suivi global de tous les citoyens par-delà l’enfance. J’insiste sur cet aspect, parce que, à ce jour, seule la pédiatrie est une médecine autant préventive que curative. Elle constitue d’ailleurs un exemple à suivre.
Le développement de la prévention doit donc commencer dès l’autonomisation des jeunes vis-à-vis de leurs parents en matière de santé. Or, les étudiants représentant aujourd’hui 36 % de la population de dix-huit à vingt-cinq ans et n’ayant jamais été aussi nombreux, la politique de la santé estudiantine occupe naturellement une place stratégique au regard de cette problématique.
Développer la prévention en direction des étudiants, c’est développer l’éducation citoyenne à la santé et préparer des générations en meilleure santé.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Je ne peux que m’en référer à l’excellent rapport de nos collègues, qui a inspiré le présent débat. Il montre que de gros progrès peuvent et doivent encore être réalisés en la matière.
Les services universitaires ou interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé manquent de tout. Ils manquent de moyens financiers et humains, bien sûr.
Ce phénomène a été accentué par le principe d’autonomie des universités, puisque, dorénavant, la dotation de l’État est versée aux universités de manière globale, sans qu’une partie soit fléchée sur les SUMPPS, les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé. Chaque université est donc libre de la ventiler comme bon lui semble, ce qui conduit à de fortes inégalités entre elles, donc entre étudiants.
Les personnels des SUMPPS manquent d’un statut homogène. Enfin, et c’est très important, ces services manquent de visibilité. Concrètement, bien peu d’étudiants en identifient l’action. Le résultat, c’est que seul un tiers des jeunes scolarisés en licence ont effectué leur visite médicale préventive. Ce seul chiffre devrait nous alarmer.
Le fond du problème est que les SUMPPS dépendent des universités, qui n’identifient pas la santé des étudiants comme une priorité ; d’où les propositions très intéressantes figurant dans ce rapport de rattacher ces services aux CROUS, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, et d’étendre leur champ de compétence à tous les étudiants, y compris à ceux qui ne relèvent pas de l’université.
Nous pourrions penser que, puisque nous ne faisons pas suffisamment de préventif, nous sommes très performants en curatif. C’est là que le rapport est des plus instructifs, et aussi des plus inquiétants. Visiblement, les mutuelles étudiantes n’ont pas encore réussi leur mue. Après le scandale de la MNEF, la Mutuelle nationale des étudiants de France, on aurait pu espérer que ce soit le cas.
Pourtant, alors que ses auteurs se veulent des plus objectifs et mesurés, le rapport est accablant : complexité du système liée à la concurrence des organismes de base et complémentaires, aux conditions tarifaires et de prestations variables, aux mutations inter-régimes lorsque l’étudiant passe de celui de ses parents à sa mutuelle ; piètre qualité des prestations d’accueil et de suivi – un tiers des nouveaux étudiants serait encore sans carte Vitale trois mois après leur affiliation ; enfin, médiocrité de la couverture complémentaire – 10 % des étudiants n’en disposeraient pas et les contrats proposés ne seraient pas toujours adaptés pour la prise en charge de certains soins spécialisés. Autant de constats qui rejoignent les conclusions de l’enquête accablante réalisée par l’UFC-Que choisir en septembre 2012.
Nous pouvons nous demander si les mauvaises pratiques ont bien été abolies. C’est un fait historique, la MNEF, qui demeure la principale mutuelle étudiante, a été créée par l’UNEF, le syndicat étudiant du parti socialiste.
À la suite des dérives de gestion, la MNEF a fait peau neuve et laissé place à LMDE, La Mutuelle des étudiants, en 2000. Pour autant, la nouvelle organisation s’est-elle départie de toute dépendance politique ? Je veux bien le croire, mais les mauvaises performances qui perdurent nous interpellent, d’autant plus que le choix d’un système de mutuelles à la fois autonomes du régime général et concurrentes n’a rien d’une évidence !
C’est là encore un apport notable du rapport : dans la plupart des autres pays européens, les étudiants relèvent du régime général. Aucun autre pays n’a créé de régime spécifique pour les étudiants. Dans ce cas, pourquoi maintenir ce système ? La question mérite d’être posée.
En y répondant, nous trancherions entre les trois scénarios envisagés dans le rapport en optant pour le troisième, comme l’a rappelé à l’instant Mme Deroche : dorénavant, pourquoi ne pas affilier les étudiants en leur nom propre au régime de leurs parents ? Ainsi, disparaîtrait tout risque de captation politicienne. Coupons le mal à la racine ; c’est aussi une logique de prévention !