Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 12 décembre 2013 à 9h20
Stationnement des personnes en situation de handicap — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a permis d’impulser une réelle dynamique en faveur de l’accessibilité, portée par cette intention : « l’accès à tout pour tous ».

Même si d’indéniables progrès ont été accomplis, en matière tant de logements neufs, d’établissements recevant du public que de transports, des efforts importants restent à réaliser pour que cet objectif se traduise concrètement dans la vie quotidienne de nos concitoyennes et concitoyens en situation de handicap. Notre collègue Claire-Lise Campion, chargée par le Premier ministre d’une mission sur ce sujet l’année dernière, l’a excellemment démontré dans son rapport intitulé « Réussir 2015 ».

Parmi les nombreux volets que recouvre le sujet de l’accessibilité, celui du stationnement, qui nous préoccupe aujourd’hui, est fondamental. En effet, comment garantir aux personnes en situation de handicap une participation pleine et entière aux activités sociales, professionnelles, éducatives, culturelles, sportives, si elles sont régulièrement confrontées à des difficultés de stationnement dans nos communes ?

Faut-il le rappeler, les contraintes de déplacement que connaissent tous les automobilistes, comme retourner à son véhicule pour recharger un horodateur ou modifier un temps de stationnement sur un disque, sont bien plus prégnantes pour ces personnes.

C’est cette préoccupation qui a conduit notre collègue Didier Guillaume et, avec lui, l’ensemble des membres du groupe socialiste à déposer cette proposition de loi.

L’objectif de ce texte est simple : faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap en leur permettant d’utiliser gratuitement et sans limitation de durée les places réservées et aménagées à leur effet.

De leur propre initiative, une centaine de communes françaises, parmi lesquelles Saint-Brieuc, dans mon département des Côtes-d’Armor, Lille, Paris, Dijon, Grenoble, Nice, Toulouse, Bordeaux, ont déjà mis en place une telle mesure qui, de l’avis général, améliore indéniablement la vie quotidienne de ces personnes. Notre volonté est désormais de la rendre applicable sur l’ensemble du territoire.

À l’heure où la politique d’accessibilité universelle bénéficie d’un second souffle grâce à votre volontarisme et à votre détermination, madame la ministre – j’en veux pour preuve la feuille de route ambitieuse définie lors du comité interministériel du handicap du 25 septembre dernier –, cette proposition de loi nous offre l’occasion de franchir un pas supplémentaire vers une société inclusive.

À l’issue des auditions que j’ai menées, j’ai même acquis la conviction que nous pouvions aller encore plus loin que le texte initial. Pourquoi en effet nous arrêter en si bon chemin alors que d’autres obstacles subsistent ? Il arrive ainsi qu’une personne en situation de handicap doive stationner en dehors des places réservées, soit parce que celles-ci sont déjà toutes occupées, soit parce qu’il n’en existe pas à proximité du lieu où elle se rend. Aussi, c’est d’un commun accord avec Didier Guillaume que j’ai proposé la semaine dernière à la commission un amendement, qu’elle a adopté, visant à étendre le principe de gratuité et de non-limitation de la durée du stationnement à toutes les places, que celles-ci soient réservées ou non.

Afin de laisser le temps aux autorités compétentes d’intégrer cette nouvelle règle dans leur politique de stationnement, il est prévu que son entrée en vigueur soit différée de deux mois suivant la date de promulgation de la loi.

J’indique que la ville de Saint-Etienne, dont notre collègue Maurice Vincent est le maire, semble pionnière dans ce domaine, puisqu’elle a mis en place, pour les personnes en situation de handicap, la gratuité et la non-limitation de la durée du stationnement sur l’ensemble des places dès 1988, autant dire au siècle dernier ! §

Par ailleurs, je suis conscient que la non-limitation de la durée du stationnement pourrait donner lieu à des pratiques abusives se traduisant par un stationnement d’une durée manifestement excessive – plusieurs jours, une semaine, voire plus –, ce qui, de fait, pénaliserait les autres usagers, qu’ils soient en situation de handicap ou non.

Pour éviter ce phénomène bien connu dit des « voitures ventouses », le texte adopté par la commission prévoit que les autorités compétentes auront la possibilité de fixer une durée maximale de stationnement, qui ne pourra toutefois être inférieure à douze heures, afin de ne pas retomber dans les travers actuels d’une durée limitée à quelques heures seulement.

Cet ajout a le mérite de prévenir les dérives, tout en respectant le principe de libre administration des collectivités territoriales, auquel le Sénat est particulièrement attaché.

Le texte de la commission lève une dernière difficulté concernant les contrats de délégation de service public relatifs à la gestion des parkings publics. Afin de ne pas bouleverser l’économie des contrats en cours, ce qui aurait été une source de contentieux, la nouvelle rédaction précise que le principe de gratuité et de non-limitation de la durée du stationnement ne s’applique, pour ces parkings, qu’à compter du renouvellement des contrats.

Comme toujours lorsque notre commission débat de la politique du handicap, les échanges ont été nourris et constructifs.

Plusieurs collègues se sont émus du fait que, en accordant aux personnes en situation de handicap la gratuité du stationnement sur l’ensemble des places, ce texte créait une forme de discrimination au bénéfice de ces personnes, lesquelles demandent pourtant à être traitées de la même manière que l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens.

Cet argument insiste sur la difficulté de la politique du handicap qui est de trouver un juste équilibre entre la volonté de garantir l’égalité de traitement entre tous les citoyens, qu’ils soient valides ou non, et la nécessité d’accorder aux personnes handicapées des droits spécifiques compte tenu de leur situation particulière.

Si l’on pousse cet argument de la discrimination jusqu’au bout, il n’aurait pas fallu instaurer un quota de 2 % de places de stationnement réservées, ni même un quota de 6 % de travailleurs handicapés dans les effectifs des entreprises ! Or, mes chers collègues, qui voudrait aujourd’hui remettre en cause ces mesures ?

Je rappelle que, dans toute politique publique, en particulier dans le champ social, des droits spécifiques sont accordés à certains publics. C’est ainsi que les titulaires de minima sociaux bénéficient de tarifs réduits dans les transports publics ou dans certains musées.

Avec cette proposition de loi, il ne s’agit en aucun cas d’ériger en principe général la gratuité pour les personnes en situation de handicap, mais d’apporter une réponse pratique aux difficultés de stationnement que ces dernières rencontrent quotidiennement, afin de tendre vers plus d’inclusion, conformément à l’esprit de la loi de 2005.

Je souhaite pour finir insister sur le fait que cette proposition de loi ne prétend pas résoudre l’ensemble des difficultés posées par la carte de stationnement, parmi lesquelles deux me paraissent devoir être mentionnées.

Tout d’abord, face à l’augmentation régulière du nombre de titulaires de la carte, due notamment au vieillissement de la population, le quota de places réservées est sans doute insuffisant. Les consultations actuellement en cours sur le dossier de l’accessibilité, sous l’égide de notre collègue Claire-Lise Campion, devraient aborder au début de l’année prochaine cette question sensible, dont les conséquences sont importantes pour les communes.

Ensuite, même s’il est délicat de mesurer précisément l’ampleur du phénomène, les MDPH et les titulaires de la carte de stationnement eux-mêmes constatent clairement une recrudescence des pratiques abusives et frauduleuses – utilisation injustifiée, falsification, photocopies de cartes, etc. Une réflexion est actuellement menée dans le cadre de la modernisation de l’action publique en vue de sécuriser l’utilisation de cette carte et de permettre un meilleur contrôle de l’identité de ses bénéficiaires. Mme la ministre nous en parlera sans doute plus précisément au cours de notre débat.

L’objectif de cette proposition de loi est autre : il s’agit de faciliter la vie quotidienne de nos concitoyennes et concitoyens en situation de handicap en leur permettant de stationner gratuitement et sans limitation de durée. Elle est donc porteuse d’une avancée majeure pour ces personnes, mais aussi pour l’ensemble de notre société, car, je le rappelle, l’accessibilité est l’affaire de tous.

Aussi suis-je convaincu que ce texte peut fédérer l’ensemble des groupes de notre assemblée.

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