Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a fait, depuis sa promulgation, l’objet d’observations, de bilans et de rapports visant à évaluer et à contrôler son application.
L’auteur du texte que nous examinons, Didier Guillaume, a sans nul doute suivi ces travaux, en particulier ceux de nos collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, qui ont rédigé un rapport sénatorial sur l’application de cette loi, en date de juillet 2012. Elles y rappellent les quatre piliers sur lesquels repose l’égalité des droits et des chances : une définition du handicap qui intègre toutes les formes de déficience ; l’instauration d’un droit à la compensation des conséquences du handicap ; la mise en place d’une nouvelle gouvernance associant plus étroitement les personnes handicapées et leurs représentants ; l’accès des personnes handicapées à tous les droits fondamentaux reconnus aux citoyens, avec la question primordiale de l’accessibilité. C’est cet aspect qui nous réunit aujourd’hui.
Les conclusions de ce rapport sont sans appel : une nouvelle dynamique en faveur de l’accessibilité se doit d’être enclenchée. En parallèle des négociations que mène actuellement Claire-Lise Campion, la proposition de loi de Didier Guillaume participe de cette nouvelle impulsion, certes modestement, mais concrètement.
L’accessibilité est la condition sine qua non de l’égalité et, à ce titre, une priorité du Gouvernement, qui doit appeler une mobilisation collective inédite. Le concept d’« accessibilité universelle » veut garantir l’accès de tout à tous, et cela commence par pouvoir se garer facilement pour ceux qui possèdent une voiture qu’ils peuvent conduire ou faire conduire par leur accompagnant. Le fait d’aller à son travail, au cinéma, au restaurant, voir une exposition, de se rendre à la mairie, à la pharmacie ou au supermarché doit être suffisamment simple pour qu’on n’y renonce pas en anticipant les contraintes qui peuvent être liées au stationnement.
La vie quotidienne est compliquée pour les personnes en situation de handicap. C’est pourquoi nous entendons la simplifier en supprimant les déplacements nécessaires au paiement de la redevance de stationnement. En ce sens, l’accès gratuit au stationnement doit être considéré comme une étape vers plus d’autonomie et s’inscrit bien dans la démarche volontariste du Gouvernement pour une nouvelle dynamique de la politique du handicap.
Le 25 septembre 2013, le comité interministériel du handicap, installé par décret en 2009 mais qui ne s’était jamais réuni depuis lors, a instauré un pilotage interministériel au plus haut niveau de l’État à travers la mobilisation de l’ensemble des membres du Gouvernement. L’objectif commun est de développer une société plus inclusive, une citoyenneté effective pour les personnes porteuses de handicap. La volonté est commune de lutter contre toutes les formes de discrimination et de faire advenir une égalité réelle et concrète. Ce sont les orientations voulues par le Gouvernement pour que chaque politique ministérielle prenne en compte l’enjeu du handicap, que ce soit en matière de logement, d’éducation nationale, de santé ou dans tout autre domaine.
L’une des mesures préconisées est de réévaluer les critères d’attribution des cartes de stationnement, qui sont aujourd’hui délivrées par le préfet pour une durée déterminée d’un an minimum ou à titre définitif, après instruction de la demande par le médecin de l’équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées. Ces cartes permettent aujourd’hui à leurs titulaires ou à leurs accompagnants d’utiliser les places aménagées selon une politique de stationnement qui relève de la compétence des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI. Le quota de 2 % de places réservées aux titulaires de la carte de stationnement, qu’elles soient sur les voies ouvertes à la circulation publique ou dans les parcs de stationnement recevant du public, est d’ailleurs presque atteint au niveau national.
C’est également aux communes ou aux EPCI de mettre en place la politique tarifaire du stationnement. Le principe de libre administration des collectivités locales s’appliquant, ils ont autorité pour moduler le tarif en fonction de la durée de stationnement, pour définir des tranches horaires gratuites et pour accorder des tarifications spéciales pour certaines catégories d’usagers. Ainsi, certaines villes ont d’ores et déjà instauré, par une politique volontariste et citoyenne, la gratuité du stationnement sur les emplacements réservés aux personnes en situation de handicap. Citons, par exemple, Paris, Lille, Lyon, Bordeaux, Dijon, Saint-Étienne – depuis 1988 ! –, Cherbourg, Nice, Clermont-Ferrand, Lens, Perpignan, … Plusieurs de ces villes, Paris et Saint-Étienne notamment, ont même étendu la gratuité à l’ensemble des places de stationnement sur la voirie. En outre, il existe des villes qui, bien que maintenant officiellement le paiement de la redevance pour les titulaires de la carte de stationnement, ont donné des consignes de « tolérance » pour les dépassements horaires, par exemple Metz, Nîmes ou Uzès.
Ce texte s’inscrit dans cette tendance de fond et propose de généraliser l’accès gratuit à l’ensemble des places de stationnement, afin de ne pas soumettre les personnes en situation de handicap aux mêmes contraintes de déplacements que les autres automobilistes. Pour que cette disposition n’ait pas une incidence trop importante sur les finances publiques, impact extrêmement difficile à chiffrer comme l’ont expliqué le rapporteur et la ministre, les pratiques abusives devront cependant être anticipées. C’est pourquoi nous proposons de fixer une durée maximale de stationnement qui ne pourra cependant pas être inférieure à douze heures. Dans le cas des parkings gérés dans le cadre d’une délégation de service public, il est préconisé de n’appliquer ce principe de gratuité qu’à compter du renouvellement des contrats afin d’éviter tous risques de contentieux juridiques liés à la jurisprudence sur les avenants.
Cette proposition de loi, comme je le disais au début de mon propos, n’a évidemment pas la prétention de résoudre l’ensemble des difficultés liées à la carte de stationnement. Claire-Lise Campion travaille toujours activement sur le dossier de l’accessibilité, et les consultations qu’elle mène à ce propos devraient notamment lui permettre d’aborder la question sensible du quota de places réservées. C’est pour ne pas interférer dans ces négociations que cette question n’a pas été directement abordée dans le texte. Il nous semble que c’est une sage décision.
Parallèlement, la réflexion menée dans le cadre de la modernisation de l’action publique devrait aboutir à sécuriser l’utilisation de la carte de stationnement. En effet, 1 500 000 cartes sont actuellement en circulation, et, la demande étant toujours croissante – on observe une augmentation de 11 % par an ces dernières années –, certaines pratiques frauduleuses ont pu être relevées par les maisons départementales des personnes handicapées.
Au-delà de la question du stationnement, l’accessibilité apparaît comme un domaine que le nombre de règles techniques induites et la multiplicité des acteurs qui interviennent rendent complexe. Mais c’est aussi un secteur de développement et potentiellement porteur d’emplois nouveaux.
Si les délais fixés par la loi de 2005 ne sont pas respectés, le projet doit se poursuivre par d’autres moyens. Parmi ceux-ci, les agendas d’accessibilité programmée, que j’évoquais il y a un instant, « vont permettre d’affirmer un engagement et de partager des objectifs clairs, programmés et financés », comme l’explique Claire-Lise Campion dans la conclusion de son rapport Réussir 2015.
Aujourd’hui, nous sommes là, avec cette proposition de loi, au début de la mise en œuvre d’une solidarité ambitieuse qui nécessite la mobilisation de tous. Il me semble que nous pouvons tous souscrire à une disposition très concrète pour poursuivre, avec nos concitoyens ayant une mobilité réduite, le chemin vers l’accessibilité universelle. Je remercie donc Didier Guillaume de son initiative, et je vous encourage, chers collègues, à adopter le texte.