Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 12 décembre 2013 à 15h00
Accueil et habitat des gens du voyage — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

L’arsenal juridique existe, les maires et représentants de l’État disposent de nombreuses prérogatives pour mettre fin aux occupations illicites. Mais la loi Besson prévoit, en contrepartie de ces prérogatives, l’obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants de disposer d’une aire d’accueil, obligation qui est loin d’être remplie puisque la Cour des comptes, dans un rapport publié en octobre 2012, constate que le taux de réalisation des places en aires d’accueil prévues par les schémas départementaux n’était, à la fin de 2010, que de 52 %.

Je défendrai de nombreux amendements, et d’abord un amendement visant à abroger la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, loi obsolète et indigne, source de stigmatisation et de discrimination à l’encontre de nos concitoyens gens du voyage.

C’est, du reste, ce que préconisait M. Hérisson lui-même, à la page 38 de son rapport de 2011, décidément mieux inspiré que la liste des sanctions figurant dans cette proposition de loi.

Croit-on qu’en période électorale il faudrait donner la priorité aux sanctions que les Français, pense-t-on, réclameraient à cor et à cri ? Ne nous étonnons pas de voir, à force d’instrumentalisation et de stigmatisation des minorités, une parole raciste et xénophobe se déployer sans complexe ! Ni de voir certains de nos concitoyens préférer aux partis démocratiques, qu’ils soient de droite ou de gauche, un Front national finalement perçu comme à la fois plus actif et plus cohérent sur ce terrain du racisme et de la xénophobie.

D’autres amendements vous seront donc soumis, ayant pour objet d’inciter les communes à remplir leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage. Il me semble que, en ce domaine comme en tant d’autres, la réciprocité des obligations est une condition nécessaire au respect, par tous, du pacte républicain. Comment accepter que l’installation illicite soit punie de lourdes peines d’emprisonnement et d’amende, alors que l’on trouve encore aux abords de certaines communes des panneaux indiquant : « Interdit aux forains et aux gens du voyage » ?

Cette proposition de loi accentue la tendance à faire des gens du voyage, qui sont pourtant nos concitoyens, des étrangers sur leur propre sol. L’exclusion territoriale n’est que l’un des aspects de l’exclusion en général dont souffrent les « gens du voyage », une belle dénomination qui ne fait pas oublier que ces Français sont encore et toujours des Français de seconde zone. La France n’a même pas reconnu l'internement des gens du voyage dans des camps par le gouvernement de Vichy après la défaite ! N’oublions pas que 95 % des 6 000 personnes ainsi internées ont péri.

Notre République égalitaire peut-elle continuer à tolérer impunément l’existence en son sein de sous-citoyens ? Comme l'a rappelé Mme la ministre, et je l'en remercie, j’avais déposé, au nom du groupe écologiste, le 12 juin 2012, une proposition de loi qui répondait aux attentes des gens du voyage. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe écologiste ne saurait évidemment voter cette proposition de loi en l’état.

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