Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite commencer mon propos, non pas par un rappel au règlement, mais pour évoquer devant vous ce que je considère comme un dévoiement de la tradition sénatoriale.
En effet, nous nous retrouvons cet après-midi pour discuter de deux initiatives parlementaires proposées par le groupe UMP dans son espace réservé. Or, sur ces deux textes inscrits à l’ordre du jour, le Sénat ne débattra, dans les faits, d’aucun des deux.
S’agissant de la première initiative, dont je suis à l’origine conjointement avec mon collègue Pierre Hérisson, les délibérations de la commission des lois, la semaine dernière, ont modifié le fond et la forme du texte initial et ont abouti à la version qui nous est aujourd’hui soumise.
Comme le précisait le précédent président du Sénat le 24 mars 2009, lors d’une conférence des présidents, « à la lumière des nouvelles dispositions constitutionnelles, il nous faut revoir nos méthodes d’examen des propositions, afin de respecter effectivement la priorité constitutionnelle reconnue aux groupes bénéficiaires de cette journée réservée. » Il ajoutait : « En effet, on peut estimer que, même dans le cas où la commission est défavorable à une proposition de loi inscrite à cette journée mensuelle, cette proposition devrait être discutée par le Sénat en séance publique, article par article, quitte à être rejetée in fine ». Ces propos avaient alors fait l’objet, selon le compte rendu, d’un « assentiment » général.
Rappelons que la révision constitutionnelle a permis de consacrer les droits de l’opposition, comme le soulignait d’ailleurs notre ancienne collègue Nicole Borvo lors de la conférence des présidents du 19 mai 2010 : elle avait en effet critiqué l'adoption par la commission de la culture d'une motion de renvoi en commission d'une proposition de loi déposée par le groupe CRC au motif que « ce renvoi ne répond[ait] pas à une nécessité absolue et ne respect[ait] pas les droits de l’opposition ».
Je me permets ce rappel, car le président Sueur avait déjà alerté la Haute Assemblée de ce risque de dérive lors de la conférence des présidents du 16 novembre 2011, à l’occasion de laquelle il avait judicieusement rappelé le gentlemen’s agreement qui prévaut dans notre assemblée.
J’avoue donc que la posture de la commission que le président Sueur préside aujourd’hui me surprend, puisqu’il ne s'est pas opposé à la réécriture complète du texte que nous proposions de mettre en discussion devant le Sénat; ce qui contrevient, selon moi, aux dispositions de l’article 48 de la Constitution.
Je dirai, enfin, un mot du second texte que nous avions inscrit aujourd’hui dans notre espace réservé et qui est proposé par notre collègue M. Del Picchia. Alors que le rapporteur, Antoine Lefèvre, proposait de discuter du texte déposé, la commission des lois a adopté le principe d’une motion de renvoi en commission.
Je n’en dirai pas plus, mais, vous l’aurez compris, mes chers collègues, je dénonce aujourd’hui, avec l’ensemble de mon groupe, l’attitude de la majorité consistant à bafouer les droits de l’opposition.