Le présent amendement, identique à celui que vient de présenter notre collègue Claude Dilain, a pour objet d’abroger la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.
Je tiens à souligner que l’espèce de stigmatisation dont sont victimes les gens du voyage n’est pas nouvelle. En effet, du 18 mars 1908 au 31 juillet 1909, les brigades mobiles de police créées par Clemenceau ont photographié 7 790 nomades. Cette pratique a trouvé son prolongement naturel dans la loi du 16 juillet 1912, qui a institué le carnet anthropométrique des nomades, fondé sur la méthode d’Alphonse Bertillon.
Je n’ai pas le temps de rappeler dans le détail toute l’histoire de ces stigmatisations. Dans tous les cas, on a cherché à surveiller les gens du voyage parce que, étant nomades, ils ne se laissaient pas encadrer. C’est pour cette raison qu’on a toujours voulu les brimer par des législations de contrôle.
Au mois d’octobre 2012, comme l’a rappelé M. Dilain, le Conseil constitutionnel a abrogé une partie des dispositions de la loi du 3 janvier 1969.
Ainsi, c’est seulement le carnet de circulation, imposant aux plus démunis, c'est-à-dire aux personnes sans ressources et bénéficiaires du RSA, un contrôle très strict – visa trimestriel des autorités, délit de circuler sans titre –, qui a été déclaré inconstitutionnel. Les personnes considérées comme « du voyage » doivent tout de même être en possession d’un livret de circulation. Celui-ci est valide cinq ans et doit être visé annuellement par les autorités. Les conditions sont donc assouplies, mais le livret de circulation reste en vigueur.
Par ailleurs, l’exigence de trois ans de rattachement ininterrompu à une commune pour s’inscrire sur les listes électorales a certes disparu, mais les dispositions relatives à la commune de rattachement, dont les gens du voyage n’ont la liberté ni de choix ni de changement, restent en vigueur.
Cette décision était importante, certes, sur le plan symbolique, mais son principal apport était de nous rappeler que le législateur doit mettre fin à ce régime discriminatoire et contraire au principe d’égalité que subissent les gens du voyage. Je rappelle qu’ils sont français et que l’on ne doit pas les confondre avec les Roms, même si, parmi les gens du voyage, certains appartiennent à l’ethnie rom. En effet, « rom » est le nom que l’on donne en France aux gens nomades venus, notamment, de Roumanie.
Bien sûr, au cours des auditions que nous avons menées, certains se sont déclarés sinti, d’autres roms, et d’autres encore tsiganes. Mais, distinction importante, les gens du voyage dont nous parlons aujourd'hui sont français depuis plusieurs générations, et même depuis la nuit des temps.
Plus d’une année après la décision du Conseil constitutionnel, il est temps que ces concitoyens entrent enfin dans le droit commun, comme M. Hérisson le préconisait dans le titre de son rapport de 2011.