… s’est investie dans ce dossier, et je sais aussi quelle attention particulière elle porte à la politique du livre. Je veux l’en remercier chaleureusement.
Le texte tel qu’il résulte des travaux de votre commission n’est pas exactement celui qui a été transmis après le vote de l’Assemblée nationale. Je rappelle que la proposition de loi amendée par le Gouvernement prévoyait que, dans le cas où le livre est expédié par le vendeur à l’acheteur, le prix de vente doit être strictement celui qui a été fixé par l’éditeur, le détaillant pouvant en revanche prévoir une décote de l’équivalent de ces 5 % sur les frais de port qu’il facture à son client.
Cette rédaction initiale, madame la rapporteur, vous avez souhaité la compléter, et l’ensemble des membres de la commission vous a suivi sur ce point. Vous proposez d’encadrer légèrement la liberté tarifaire attachée à la prestation de livraison. Comme votre rapport le souligne, si cet encadrement supplémentaire a essentiellement une portée symbolique, il est aussi très important sur le plan commercial, puisqu’il s’agit de prohiber la gratuité totale de cette prestation de livraison, tout en laissant aux détaillants qui pratiquent la vente à distance le soin de déterminer librement le tarif qu’ils veulent appliquer, à condition qu’il ne soit pas nul.
Cette mesure pourrait également avoir un effet psychologique sur l’acheteur de livres, puisqu’il ne s’agit pas ici d’encadrer uniquement les prestations de vente de livres. Il est bon que le lecteur prenne conscience du fait que la livraison à domicile a un coût, même si celui-ci est minime. J’ai expliqué l’importance pour la nation du maintien du réseau physique de vente de livres, du maintien du réseau de libraires indépendants.
Madame la rapporteur, je trouve donc votre complément au texte initial tout à fait ingénieux. Il permet d’avoir un effet concret sur les frais de port sans pour autant présenter le danger qu’il y aurait à exiger des opérateurs une facturation au coût réel de la prestation de livraison. L’obligation de facturation au coût réel est tentante, nous l’avons envisagée, mais elle aurait sans doute engendré des effets contraires à celui qui est recherché, à savoir la préservation de la diversité des canaux et des points de vente.
En effet, au-delà des difficultés de contrôle, qui requerrait d’exercer un regard approfondi dans la comptabilité des entreprises, il est à craindre qu’une telle mesure n’aboutisse à déséquilibrer encore plus la concurrence sur le marché du livre en donnant une prime à l’opérateur le plus important, qui est le plus à même de négocier des tarifs compétitifs auprès des prestataires de transport.
Je vous remercie donc, madame la rapporteur, au nom de l’ensemble du Gouvernement, des travaux réalisés par votre commission et de leur résultat.
Je souhaite conclure sur les objectifs de la présente proposition de loi et sur son lien avec l’amendement que je serai amené à vous proposer au nom du Gouvernement.
Vous le savez, la régulation du secteur du livre poursuit une grande finalité : la diversité culturelle, en l’occurrence la diversité éditoriale. Le but est qu’il y ait le plus grand nombre d’œuvres de qualité, que toutes les pensées puissent trouver leur public, le plus large possible, et s’exprimer de la manière la plus variée.
Or, avec le développement de la circulation des livres numériques, beaucoup d’auteurs regardent avec inquiétude l’avenir de la diffusion de leurs livres. Ces inquiétudes portent sur leur rémunération, comme c’est le cas dans d’autres secteurs culturels, mais aussi sur leur relation avec les éditeurs, car personne ne sait vraiment à quels bouleversements s’attendre avec les changements numériques.
Dans le même temps, des opérateurs de l’Internet, qui sont aussi ceux qui, par leurs pratiques commerciales, détruisent les équilibres de concurrence dans le secteur de la librairie et nous amènent à légiférer aujourd’hui, en viennent à modifier la répartition de la valeur dans la chaîne des produits culturels en proposant aux auteurs un système de diffusion uniquement numérique de leurs livres, sans réel travail d’éditorialisation.
Or, pour la qualité et la vivacité de notre production littéraire et pour la pérennité de notre soutien aux auteurs, qui constituent sans doute le maillon le plus fragile de la chaîne du livre, nous avons besoin de maintenir cette relation forte de confiance entre auteur et éditeur. C’est là encore une question de diversité éditoriale.
Voilà pourquoi un grand travail a été réalisé l’année dernière sous l’égide du professeur Pierre Sirinelli afin de concilier les intérêts des auteurs et des éditeurs et d’œuvrer à la rédaction d’un contrat d’édition à l’ère numérique, contrat que j’aurai tout à l’heure l’occasion de vous présenter. Après plusieurs mois de discussions ardues, un accord tout à fait satisfaisant a été trouvé entre les représentants des auteurs et des éditeurs. Nous devons maintenant traduire cet accord dans la loi.
Au nom du maintien de la diversité et de la richesse éditoriales, je vous présenterai donc cet amendement gouvernemental visant à consolider la place et le rôle des auteurs dans la nouvelle société numérique. Nous apporterons ainsi une pierre de plus à l’entreprise de consolidation de la politique du livre à l’ère du numérique. §