Si nous avons raison de nous indigner de l’optimisation fiscale pratiquée par ces groupes, nous devons aussi nous interroger sur les ressorts d’une telle optimisation. Pourquoi est-elle possible et, surtout, pourquoi ne parvenons-nous pas à la combattre et ainsi à rendre la fiscalité véritablement équitable, à l’heure du numérique ?
Je vois deux raisons essentielles à cela.
Tout d’abord, l’absence d’harmonisation fiscale à l’échelle de l’Union européenne constitue un véritable tremplin pour le dumping fiscal de certaines grandes entreprises, qui n’appartiennent pas exclusivement au secteur du numérique.
Ensuite, notre système fiscal est profondément inadapté à l’économie numérique. Le président de notre commission des finances, Philippe Marini, est l’auteur d’une proposition de loi sur le sujet, que j’ai eu l’honneur de rapporter ; nous l’évoquions, madame la ministre, hier après-midi en commission. Selon notre collègue, « une fiscalité moderne ne peut plus ignorer les formes sans cesse innovantes de création de valeur et de richesse apportées par la croissance de l’économie numérique ».
Le Sénat avait enterré cette proposition de loi sous les fleurs – j’avais justement évoqué le sujet avec Fleur Pellerin… §Le Gouvernement s’était engagé fortement à prendre une initiative en ce sens. J’avais fait valoir des arguments ; il fallait gagner du temps.
Cependant, c’est bien l’adaptation de la fiscalité à l’économie numérique qui constitue la question cruciale aujourd’hui, une question à laquelle il faudra répondre si l’on veut vraiment rééquilibrer le rapport de force entre les géants du numérique et les acteurs traditionnels, dans le domaine culturel, comme dans d’autres.
Il s’agit, bien sûr, d’une démarche complexe et délicate – si la solution était simple, cela se saurait –, qui implique de trouver des solutions à l’échelle européenne, et même internationale, mais elle est absolument indispensable.
Dans l’attente de ces évolutions majeures concernant la réponse fiscale à apporter à la révolution numérique – vous nous communiquerez sans doute, madame la ministre, l’état d’avancement des travaux du Gouvernement dans ce domaine –, l’ensemble des membres du groupe RDSE voteront avec enthousiasme cette proposition de loi relative à la vente en ligne de livres, qui permettra d’offrir une petite bouffée d’oxygène aux librairies indépendantes, asphyxiées par les pratiques déloyales de certains acteurs de la vente en ligne.