Elle doit au contraire être l’occasion de désigner, de repenser et de redéfinir les compétences des uns et des autres.
Décentralisation et réforme de l’État sont donc intimement liées.
Trop souvent par le passé, et aujourd’hui encore, on constate, pour les déplorer, des transferts de fait par désengagement implicite de l’État. On peut penser à l’ingénierie publique locale, à la police ou, plus récemment, aux rythmes scolaires.
Par ailleurs, il y a urgence à préciser ce que l’on met sous le mot « décentralisation ». S’agit-il d’un transfert de compétences ou de gestion ? On le voit bien avec l’action sociale dans les départements, où, de fait, ce service intervient dans un cadre législatif et réglementaire défini au plan national et appliqué uniformément sur l’ensemble du territoire. Il s’agit bien plus d’un transfert de gestion que d’un transfert de compétences proprement dit, ce qui supposerait une possibilité d’adaptation.
Le sujet n’est pas anodin. Il soulève plusieurs questions. Pour le compte de qui les collectivités locales agissent-elles ? À qui rendent-elles des comptes ? Et quel niveau de contrôle de l’État sur les compétences transférées ? Nous l’avons vu, l’État est encore très présent…
De telles ambiguïtés et confusions sont sources de malentendus. Il convient d’y mettre un terme. Il ne peut pas y avoir deux actions publiques, l’une nationale, l’autre locale, qui s’ignoreraient, se combattraient ou se concurrenceraient.
Je plaide donc pour que les textes annoncés sur la décentralisation répondent à ces questions et, surtout, ne fassent pas une nouvelle fois l’impasse sur la nécessaire réforme de l’État.
Ma deuxième réflexion porte sur la question de l’organisation territoriale et sur ce qu’il est convenu d’appeler « le millefeuille ».
Y a-t-il un nombre excessif d’échelons territoriaux entre la commune, l’intercommunalité, le département et la région ?
Il faut choisir : soit l’on se prononce pour la suppression de l’un d’eux, mais encore faut-il avoir le courage de dire lequel, soit l’on reconnaît à tous une légitimité et une raison d’agir, mais ils ne peuvent dans ce cas pas être compétents dans tous les domaines et il faut accepter d’identifier clairement les missions. C’est cette dernière option que le précédent gouvernement avait retenue.
Je déplore que le gouvernement actuel ait rétabli la clause de compétence générale sans en tirer les conséquences quant au nombre d’échelons.
Autant le couple entre commune et intercommunalité a un sens et un contenu, autant il me semble difficile de parler d’un couple entre département et région.
Sur le premier couple, je rejoins totalement les conclusions de la mission, qui réaffirme l’intercommunalité comme un lieu de coopération, et non comme une structure hiérarchique ou un lieu de tutelle sur les communes.
Quelle contradiction à demander plus de décentralisation, plus de liberté, plus de possibilité de s’organiser en tenant compte de la diversité des territoires tout en voulant en même temps régler les relations entre les communes et l’intercommunalité par une loi s’appliquant de manière uniforme et obligatoire !
Les départements et les régions apparaissent trop souvent plus en concurrence qu’en complémentarité.
Je crains que le redécoupage de la carte cantonale sur un critère essentiellement démographique au détriment d’une approche territoriale ne modifie très sensiblement la perception et l’action du département, créant un déséquilibre entre milieu rural et milieu urbain.
Et je ne parle même pas de l’émergence des métropoles, qui ont vocation à reprendre une partie des missions des départements.
Madame la ministre, j’aimerais vous interroger sur l’Ille-et-Vilaine, que vous connaissez bien même si ce n’est pas votre terre d’élection. Que va devenir le conseil général – le département compte 1 million d’habitants – avec une métropole de 600 000 personnes ?
Chacun s’accorde à reconnaître que la région n’a pas répondu aux espoirs mis en elle et que sa transformation en collectivité de plein exercice n’a pas fondamentalement changé les choses. C'est la raison pour laquelle je rejoins totalement l’idée, développée par la mission, d’en réduire sensiblement le nombre.
Et je me demande si les départements ne devraient pas petit à petit évoluer dans leur composition en rassemblant l’ensemble des exécutifs des EPCI, leur redonnant ainsi une mission de cohésion territoriale et sociale.
Je consacrerai ma troisième réflexion aux notions d’autonomie financière et d’autonomie fiscale, qui ne sauraient être confondues. Dans tous les États ayant une forte tradition d’organisation décentralisée, on constate que celle-ci ne s’accompagne pas d’une grande liberté ou autonomie fiscale.
La décentralisation est moins en premier lieu affaire d’autonomie fiscale que d’autonomie financière, car les richesses ne se trouvent pas sur les territoires ayant le plus de charges. Il n’y a pas adéquation entre les richesses d’un territoire et les dépenses mises à sa charge. Plus nous irons vers une République décentralisée, plus l’État devra travailler à la répartition des richesses, et mettre en place des dispositifs de péréquation et de dotation, par définition antinomiques avec l’autonomie fiscale.
Trop souvent l’État croit jouer son rôle de garant de l’unité nationale en réglementant. Or, selon moi, il devrait davantage se préoccuper de réguler et de veiller à assurer l’équité entre les territoires, notamment sur le plan financier, de façon à les doter des moyens nécessaires à la réalisation de leurs missions.