Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 14 janvier 2014 à 14h30
Ville et cohésion urbaine — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Or nous savons où mène, à terme, ce désespoir. Ce sont dans ces quartiers populaires, lieux de pauvreté, de discriminations, d’inégalités et de chômage que la question de la participation des gens du terrain se pose de la manière la plus forte, la plus aiguë, la plus légitime, presque comme une nécessité.

Le rapport qui vous a été soumis avance trente propositions pour « inverser la démarche de la politique de la ville et passer d’une logique administrative et politique impulsée du haut vers une dynamique partant des habitants des quartiers populaires et de leur pouvoir d’agir ». Est-ce bien cela que nous voulons ?

À nous, législateurs, de faire de nos mots des passerelles vers l’action, une action réellement en faveur de ces quartiers, dont la souffrance se fait entendre périodiquement par des explosions de violence et des émeutes qui sont en fait, d’abord, des cris d’alarme et qui nous disent que les choses vont mal et qu’elles ne font que s’aggraver. Réveillons-nous, écoutons-les !

Le changement viendra d’abord des intéressés eux-mêmes, même si les pouvoirs publics doivent investir des deniers et consentir des efforts pour mener ce changement à bien. Qui, mieux que les habitants de ces quartiers, sait ce qui ne va pas, ce qu’il convient de faire et comment le faire ? Il est temps que le « bas » donne enfin son avis et que le « haut » apprenne à l’entendre et à aller vers lui. §

Il nous faut travailler ensemble, avec un peu d’humilité. On ne peut pas nier que le projet de loi dont nous débattons ouvre de réelles pistes. C’est le cas, notamment, du principe de la coconstruction. Mais ne faudrait-il pas plutôt parler de codécision, reposant sur une représentation significative des citoyens dans toutes les instances ?

L’enjeu, selon les auteurs du rapport que j’ai déjà cité, est en effet de partir de l’initiative des habitants, de la reconnaître lorsqu’elle existe et de l’appuyer.

Reste à savoir comment initier les habitants à cette démocratie participative, comment les mobiliser, quand on sait qu’ils sont happés par une lutte quotidienne pour leur survie économique et empêtrés dans des problèmes complexes. Il y a là, pour les habitants aussi, un véritable défi à relever, pour que leurs désirs et leur volonté de construire ensemble se transforment en réalité. En réalité, ce projet de loi incite le « haut » comme le « bas » à relever le défi.

À nous, sénatrices et sénateurs, de faire en sorte que ce projet de loi quitte cette assemblée amendé et enrichi, pour éviter un énième rendez-vous manqué avec les quartiers populaires.

Certes, dix ans après la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, le présent projet de loi marque la volonté du Gouvernement d’engager une nouvelle étape de la politique de la ville, surtout en direction des quartiers défavorisés.

Or les habitants de ces quartiers, non seulement ne doivent plus être stigmatisés, mais doivent être considérés comme la richesse des territoires en cause et placés au cœur de notre politique de la ville. Nous avons déposé de nombreux amendements en ce sens et espérons fortement être entendus sur ces questions.

Au premier rang de ces amendements, nous souhaitons que, dès l’alinéa 1 de l’article 1er, le rôle et la place des habitants soient reconnus.

Nous défendrons également l’idée que le droit à un environnement sain et de qualité doit être reconnu par la loi. En effet, ce sont dans ces quartiers, situés le plus souvent à proximité des voies rapides, des aéroports et des zones industrielles, que les populations, outre les « handicaps » socio-économiques qu’elles doivent surmonter, sont aussi le plus souvent exposées aux pollutions sonores et atmosphériques.

Les objectifs environnementaux, au même titre que les objectifs sociaux, sont essentiels pour assurer le bien-être et l’amélioration des conditions de vie des habitants. Ils doivent donc évidemment être pris en compte par la politique de la ville.

Nous espérons que les amendements adoptés nous permettront d’aboutir à une version de ce texte satisfaisante pour les premiers intéressés, les habitants de ces quartiers, et que le groupe écologiste pourra ainsi le voter, en attendant que ce projet de loi permette la mise en place d’une vraie politique de la ville, audacieuse, qui fera honneur à la gauche et à la France.

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