Monsieur le ministre, vous méconnaissez ce qui était jusqu’à présent une exigence républicaine reconnue de tous.
Pour autant, mes chers collègues, fallait-il, comme nous l’avons décidé, différencier les députés et les sénateurs dans l’exercice des fonctions exécutives locales ? Pour nous, il ne s’est jamais agi d’une solution de premier rang. D’ailleurs, en première lecture, j’ai défendu, au nom de mon groupe, un amendement visant à permettre aux députés comme aux sénateurs d’exercer un mandat exécutif local unique. Seul le refus absolu du Gouvernement d’entrer dans cette discussion nous a en quelque sorte condamnés à opter pour une autre solution, celle de la différenciation.
Certes, je l’admets, depuis 1887, les inéligibilités et les incompatibilités applicables aux parlementaires sont les mêmes, que ceux-ci siègent au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Mais il s’agit d’une construction qui a été érigée pour garantir, d’une part, la probité, d’autre part, l’indépendance des parlementaires.
Sur ces deux chapitres, aucun d’entre nous n’accepterait la moindre différence entre le statut des députés et celui des sénateurs, parce que nos deux assemblées ont les mêmes missions constitutionnelles.
Pour importante qu’elle soit, l’incompatibilité entre certains mandats locaux et le mandat parlementaire n’est pas de même nature ni de même importance que ces incompatibilités et inéligibilités qui garantissent notre indépendance et notre probité.
Un espace est donc ouvert sur ce sujet important, mais secondaire par rapport à celui que j’évoquais à l’instant.
Cet espace nous permet d’envisager une différenciation ponctuelle, avec une accentuation des limitations au cumul des mandats et la gratuité de l’exercice de mandats locaux par les parlementaires. C’est un choix fondamentalement justifié par le rôle propre du Sénat dans nos institutions républicaines.
Nous représentons en effet les collectivités territoriales de la République. On prétend que cette disposition constitutionnelle aurait épuisé ses effets dans le mode d’élection des sénateurs et qu’elle n’aurait aucune incidence au-delà. C’est faux ! La Constitution tire de nombreuses conséquences de cette représentation des collectivités territoriales de la République, la plus visible depuis quelques années étant l’obligation de faire examiner d’abord par le Sénat, avant l’Assemblée nationale, les textes de décentralisation. Pourquoi ? Justement parce que nous représentons les collectivités territoriales de la République. Le mode de scrutin n’est donc pas seul en cause dans cette expression, qui emporte de nombreuses autres implications.
L’une d’elles est particulièrement intéressante : les lois organiques relatives au Sénat ne peuvent pas être adoptées à la demande du Gouvernement par l’Assemblée nationale statuant définitivement en application de l’article 45 de la Constitution. C’est l’article 46 de la Constitution qui le dit !