Intervention de Alain Richard

Réunion du 15 janvier 2014 à 21h30
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et le mandat de représentant au parlement européen — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission modifiés

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous soumettre, tout en respectant pleinement les diverses opinions qui se sont exprimées précédemment, une expression distincte et, je pense, assez isolée. En effet, je ne me reconnais ni dans la proposition du Gouvernement ni dans celle de la commission : je m’abstiendrai, parce qu’aucune ne me paraît satisfaisante au regard des enjeux. Je crois aussi que la réflexion sur ces sujets se poursuivra et qu’il n’est pas inutile de prendre date.

Car l’enjeu, c’est le rôle et l’identité du Parlement dans les décennies à venir et c’est la conception du mandat parlementaire pour les prochaines générations. Je parle du Parlement car, pour ma part, je ne suis absolument pas convaincu de la pertinence d’une différenciation entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Dans la conception française, qui est totalement distincte de celle des pays fédéraux, le bicamérisme permet une double représentation du peuple français. Il en est ainsi depuis la naissance du débat sur le bicamérisme, depuis Sieyès et quelques autres, bien avant la Constitution de 1875.

L’Assemblée nationale et le Sénat assurent tous deux la représentation globale du peuple français. Le Sénat se distingue seulement par une modalité d’élection indirecte, qui ne le prive pas de cette fonction. Certes, le Sénat a pour singularité d’assurer la représentation des collectivités territoriales, mais sa mission institutionnelle ne se résume pas à cela.

Voilà quelques décennies que j’observe la vie publique et que j’y participe. Aujourd'hui – ce n’était pas forcément le cas il y a une ou deux générations –, l’association d’une fonction exécutive locale et d’un mandat parlementaire a acquis à mes yeux deux caractères positifs essentiels, qui ne tiennent pas à la vocation particulière du Sénat à légiférer sur les collectivités territoriales.

Le premier avantage que je vois à cette combinaison d’une fonction exécutive locale et d’un mandat parlementaire, c’est l’outil extraordinaire d’information et de formation permanente qu’apporte au parlementaire le mandat local pour l’exercice de sa mission fondamentale, qui est de réfléchir aux conditions d’application de la législation qu’il vote et au fonctionnement des services publics qu’il est amené à apprécier au titre de sa mission de contrôle du Gouvernement.

Nous avons tous en tête de multiples exemples de cet apport de connaissances concrètes dont bénéficient des gens qui n’étaient pas, au départ, des professionnels de la gestion publique ; beaucoup de collègues en ont cité.

Pour ce qui me concerne, les fortunes de la vie ont fait que j’ai pu exercer mon mandat de parlementaire au nom du peuple français, en ayant par ailleurs une expérience directe de la gestion publique. Toutefois, je pense à tous les parlementaires venus d’autres horizons, et qui ont tous, évidemment, le même droit au vote et à la réflexion sur la législation : il faut bien qu’ils acquièrent la compréhension des effets de la législation par un autre biais que celui d’une formation universitaire initiale.

Hélas, cet effet vertueux de l’exercice de responsabilités locales disparaîtra. Le Gouvernement en est conscient, d’autant qu’une proportion substantielle de ses membres ont bénéficié de cette double expérience, pour avoir été, par le passé, à la fois des parlementaires éminents et des gestionnaires de fonctions exécutives locales tout à fait actifs ; le ministre qui représente le Gouvernement aujourd'hui au Sénat illustre bien ce cas. Dès lors, le Gouvernement nous a amenés à un compromis : il est proposé que les parlementaires puissent conserver un mandat non exécutif. Néanmoins, je considère ce compromis insuffisant, car il n’offrira pas les mêmes avantages. Je ne détaille pas ce point, mais je suis convaincu qu’un autre compromis était possible : celui consistant en la limitation du cumul à un unique mandat exécutif, en excluant la présidence des collectivités les plus importantes, et sans cumul d’indemnités.

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