Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’institution du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, en 2007, devait montrer la volonté de la France de s’engager pleinement dans la voie d’un contrôle indépendant et effectif de l’ensemble des lieux de détention, quelle que soit la structure concernée : établissements pénitentiaires, centres hospitaliers spécialisés, dépôts des palais de justice, centres de rétention administrative, etc.
Après cinq années d’exercice de la fonction, la nécessité d’avoir un Contrôleur général des lieux de privation de liberté n’est plus à démontrer. Je veux saluer ici le travail indépendant et sans concession mené par Jean-Marie Delarue, qui a, sans nul doute, fait progresser l’effectivité des droits fondamentaux des personnes privées de liberté et a rempli sa fonction en vrai républicain, grâce à sa grande sensibilité aux droits humains et aux libertés individuelles.
Le groupe écologiste partage l’ensemble des préoccupations qui ont inspiré le texte dont nous débattons aujourd’hui, au premier rang desquelles se trouve la volonté de favoriser l’exercice des missions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Il s’agit en fait de traduire la pratique dans la loi, en explicitant la possibilité pour le Contrôleur général de conduire des enquêtes, y compris sur place, et en détaillant la procédure de saisine, ainsi que la procédure de déroulement de l’enquête.
Autre point important, le texte prévoit d’inscrire dans notre droit le principe posé par l’article 21 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aux termes duquel aucune sanction ne peut être prononcée et aucun préjudice ne peut résulter du seul fait des liens établis avec le Contrôleur général ou des informations qui lui ont été données se rapportant à l’exercice de sa fonction.
Je veux saluer à mon tour le travail et l’engagement de Mme la rapporteur, notre collègue Catherine Tasca, qui a notablement enrichi le texte.
Ainsi, un amendement visant à étendre le champ de compétence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au contrôle de l’exécution des mesures d’éloignement d’étrangers en situation irrégulière, et ce jusqu’au pays de destination, a été adopté par la commission des lois.
Cette disposition me semble capitale pour la défense des droits des étrangers en situation irrégulière. Elle relève non seulement du respect du plus élémentaire des droits humains, mais aussi d’un principe humaniste honorant les pays qui l’observent. Les étrangers expulsés ne sont pas des colis que l’on jette dans les avions ; ils sont des êtres humains dignes d’égards. Ces égards, nous les leur devons, ne serait-ce qu’en raison de notre longue tradition de pays d’immigration. Une certaine propagande anti-immigration a fait des immigrés des indésirables, des parasites. Elle peut, à la longue, les déshumaniser : voilà le danger ! Évitons-le, ne serait-ce qu’en les accompagnant, pendant les expulsions, dans des conditions dignes, pour que nous ne perdions jamais de vue cette humanité qui nous unit irrévocablement aux étrangers, quels qu’ils soient : une humanité réelle, sans frontières, insensible aux différences de nationalité, d’origine ou de religion.
En l’état actuel du droit, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est compétent pour contrôler les zones d’attente des ports et des aéroports, ainsi que les centres de rétention administrative. Mais le terme de « transfèrement » utilisé par la loi ne s’appliquant qu’aux personnes détenues, le Contrôleur général n’a jusqu’à présent aucun droit de regard sur les conditions de transfert forcé des étrangers, de la sortie du centre de rétention à l’arrivée dans le pays de destination. Or, on le sait, cette phase a donné lieu à maints abus de la part des forces de police. Les témoignages ne manquent pas et nombreux sont ceux qui, de retour au centre de rétention, racontent les coups, les menaces, les humiliations subis durant le trajet vers l’aéroport.
Il me semble donc capital que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté puisse contrôler l’exécution de l’ensemble de la mesure d’éloignement, jusqu’à la remise de l’intéressé aux autorités du pays de destination, et que ses équipes puissent être présentes dans l’avion ou enquêter sur des faits s’y étant éventuellement déroulés. Chacun se souvient avec effroi des cas de ce jeune Somalien de 24 ans et de cet Argentin de 52 ans décédés sur notre sol dans des circonstances troubles, au cours de leur reconduite à la frontière.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe écologiste souhaite que les prérogatives du Contrôleur général soient le plus étendues possible. Ma collègue Aline Archimbaud, très engagée sur le sujet, aura l’occasion de vous en dire davantage lors de la discussion des articles et d’aborder la délicate question des personnes âgées vivant en EHPAD.
Viscéralement attaché à la défense des droits fondamentaux, notamment à ceux des personnes privées de liberté, le groupe écologiste votera, avec engagement et conviction, cette proposition de loi. §