Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 21 janvier 2014 à 14h30
Simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, pour la quatrième fois en six mois, notre assemblée est saisie d’un projet de loi visant à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances certaines mesures de simplification ou de modernisation du droit. Le présent texte a trait aux domaines de la justice et des affaires intérieures.

Les trois précédentes lois portaient respectivement sur le logement, sur le droit administratif – Hugues Portelli était le rapporteur de ce texte, qui consacrait la règle selon laquelle le silence de l’administration vaut accord – et sur le droit des entreprises, texte que j’ai eu l’honneur de rapporter il y a peu.

En procédant ainsi, par textes successifs, le Gouvernement se conforme à la nouvelle méthode de simplification et de modernisation du droit à laquelle il s’est engagé : des projets de loi de taille limitée, consacrés à quelques domaines identifiés, qui combinent demandes d’habilitation et mesures directement applicables, et pour lesquels la procédure accélérée est systématiquement engagée.

Le périmètre resserré des textes autorise un examen parlementaire plus complet, même s’il est contraint par la procédure accélérée. Surtout, il évite l’écueil de ces textes fourre-tout et interminables que notre commission des lois a dénoncés par le passé.

Pour autant, une telle méthode de simplification du droit par ordonnances suscite des réserves légitimes de la part du législateur. À cet égard, la commission s’est attachée à inscrire ses travaux dans le droit fil des principes qui l’ont guidée pour l’examen des trois projets de loi que je viens d’évoquer. Ainsi, sans remettre en cause la pertinence que peut parfois avoir la législation déléguée, elle vous propose, mes chers collègues, de veiller à garantir le respect des prérogatives parlementaires en limitant les habilitations au strict nécessaire et en privilégiant, à chaque fois, les solutions qui permettront un examen éclairé et public des dispositions envisagées. C’est ce à quoi elle s’est employée, à travers les amendements qu’elle a adoptés.

Certains de ces amendements ont supprimé purement et simplement des demandes d’habilitation qui n’avaient pas lieu d’être. D’autres les ont supprimées à titre conservatoire, dans l’attente de précisions complémentaires. D’autres encore y ont substitué des dispositions directement applicables. En effet, il n’est pas nécessaire – il est surtout moins rapide – d’habiliter le Gouvernement à faire ce que l’on peut accomplir dès à présent. Enfin, les derniers ont précisé le champ de l’habilitation, de façon à déterminer la solution que le Gouvernement devra retenir.

Je tiens à souligner la qualité du dialogue noué avec le Gouvernement sur ce texte. Il s’est montré attentif aux réserves que je lui opposais et a veillé, autant que possible, à préciser ce qui pouvait l’être. Plusieurs amendements déposés par le Gouvernement, en vue de notre séance publique, procèdent d’ailleurs directement de ce dialogue. J’ajoute – la situation est suffisamment rare pour le souligner – que l’étude d’impact est exhaustive, claire et bien construite.

Compte tenu de cet engagement du Gouvernement, ainsi que des principes clairs que la commission des lois a retenus, les conditions d’un examen serein, exigeant et responsable de ce texte me semblent réunies.

Mme la garde des sceaux vient de présenter l’essentiel des dispositions contenues dans ce texte. Bien qu’il ne compte que seize articles, les sujets qu’il aborde sont divers. Ils touchent tout d’abord au droit civil, avec la protection juridique des majeurs et des mineurs à l’article 1er, le droit des successions et des régimes matrimoniaux à l’article 2, le droit des obligations à l’article 3, le droit des biens à l’article 4, celui des procédures civiles d’exécution à l’article 5. À l’origine, il s’agissait, dans la plupart des cas, d’habiliter le Gouvernement à prendre certaines mesures ponctuelles de simplification, à l’exception de l’article 5, qui autorise la ratification du code des procédures civiles d’exécution et, surtout, de l’article 3. Je reviendrai sur ces points dans un instant.

Les dispositions du présent projet de loi touchent ensuite à l’organisation de la justice, dans son article 7, avec la réforme envisagée du Tribunal des conflits, pour mettre fin à la présidence du garde des sceaux. Cette réforme est très attendue par les praticiens. Le Gouvernement m’a transmis un premier projet, très inspiré des travaux de grande qualité du groupe de travail présidé par M. Jean-Louis Gallet, qui me semble vraiment intéressant. J’allais regretter que la demande d’habilitation persiste, mais vous venez de me rassurer sur ce point, madame la garde des sceaux. Il s’agira en effet de dispositions directement contenues dans le projet de loi, ce qui, à mon sens, ôtera tout motif de réserve.

Les dispositions du présent texte ont également trait à la procédure pénale, à l’article 8, avec, initialement, une demande d’habilitation pour mettre en œuvre la possibilité de procéder à des communications électroniques. Le Gouvernement a toutefois pu proposer, sur ce sujet sensible, une rédaction des dispositions envisagées, à laquelle la commission a souhaité apporter une garantie supplémentaire.

Enfin, les dernières mesures concernent l’administration de l’État et des collectivités territoriales, avec quelques simplifications mineures mais judicieuses aux articles 9 à 13, telles que la suppression de commissions ayant accompli leur objet, le transfert aux services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, ou au centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, de l’organisation de leurs élections et la compétence accordée aux maires sur certaines activités se déroulant dans leur commune.

Nous pourrons examiner plus en détail ces différents points lorsque nous aborderons les amendements. À ce stade, je souhaiterais, mes chers collègues, appeler votre attention sur deux questions.

La première a trait à l’article 3 et à la volonté initiale du Gouvernement de réformer le droit civil des obligations et des contrats par voie d’ordonnances, à laquelle la commission des lois s’est opposée de manière unanime. J’entends, madame la garde des sceaux, les arguments de l’exécutif : cette partie du code civil n’a pas bougé depuis 1804. Une jurisprudence considérable s’est développée à partir d’elle, ce qui a pour conséquence que, selon la formule du professeur Denis Mazeaud, que nous avons auditionné, « le droit des contrats n’est plus dans le code civil ».

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