Intervention de Stéphane Mazars

Réunion du 21 janvier 2014 à 14h30
Simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Stéphane MazarsStéphane Mazars :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui répond à un impératif de sécurité juridique bien connu, qui est celui de la modernisation et de la simplification du droit. La modernisation de l’action publique a été engagée par le Gouvernement dans une volonté affirmée de « choc de simplification ». Un programme de simplification sera ainsi mis en œuvre entre 2014 et 2016. Ce programme vise à faciliter la vie des particuliers et des entreprises, ainsi que le travail des services dont les tâches peuvent être allégées et recentrées sur leurs missions essentielles.

Il ne s’agit pourtant pas d’une préoccupation nouvelle dans la sphère publique. Le Conseil constitutionnel a consacré un objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi dans sa décision du 16 décembre 1999, ainsi qu’un principe à valeur constitutionnelle de clarté de la loi. Le Conseil d’État a ensuite affirmé le principe général de sécurité juridique dans son arrêt Société KPMG de 2006. On retrouve également ce principe au niveau européen, depuis l’arrêt Bosh rendu en 1962 par la Cour de justice des Communautés européennes. La Cour européenne des droits de l’homme a quant à elle posé une exigence de stabilité et de prévisibilité de la loi dans ses arrêts Sunday Times contre Royaume-Uni, en 1979, et Hentrich contre France, en 1994.

Certains pays, au premier rang desquels l’Allemagne et l’Angleterre, se sont attelés à la tâche. La France n’a pas dérogé à la règle : la loi du 20 décembre 2007, la loi du 12 mai 2009 et la loi du 17 mai 2011 se sont successivement donné pour objectif la simplification et l’amélioration du droit. Le groupe du RDSE a voté la grande majorité de ces textes.

L’objectif de simplification du droit est incontestable et incontesté sur toutes nos travées. Cependant, il ne doit pas conduire à ce que la simplification ignore la complexité inhérente au droit, qui n’est bien souvent que le reflet de la complexité, ô combien grande, de la réalité des rapports sociaux. Par un retournement, la simplification du droit pourrait rendre encore plus compliqué ce qui l’est déjà bien assez. C’est parce que la complexité est parfois nécessaire que le groupe du RDSE a déposé certains amendements.

La réforme du code civil et du droit des contrats et des obligations ne pouvait faire l’objet d’un simple article tentant de balayer à grands traits un pan entier – et l’un des plus importants – du droit. Sur ce point, nous suivons l’avis de la commission des lois, qui s’est prononcée pour la suppression de l’article en question.

La suppression de l’action possessoire et son remplacement, peu ou prou, par une action en référé sont un exemple de cette fausse simplicité qui est parfois à l’œuvre dans les textes de simplification et de modernisation. Même si elle est peu utilisée, l’action possessoire prévue par l’article 2279 du code civil contribue à la paix de nos voisinages et au maintien de l’ordre public, car elle permet d’éviter que, en cas d’éviction du véritable propriétaire, celui-ci ne se livre à des voies de fait pour récupérer son bien. A contrario, son remplacement par une action en référé ne permettrait pas l’écoulement de cette temporalité favorable au règlement, parfois amiable, des différends possessoires.

De même, la disparition de l’obligation d’un titre exécutoire, lorsque l’huissier de justice s’adresse à l’administration, permettrait, certes, de fluidifier l’œuvre des huissiers, mais à quel prix ! L’exigence d’un tel titre permet de contrebalancer les éventuelles atteintes à la vie privée et de ne pas donner un caractère par trop intrusif aux procédures civiles d’exécution. Ces « ingérences légitimes », pour reprendre la terminologie de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, paraissent opportunes, l’ordre public étant en jeu. L’huissier est en effet celui qui protège l’exécution des décisions de justice et, finalement, le droit au recouvrement de la créance pour celui qui a obtenu un titre exécutoire la constatant. Toutefois, je le répète, si les procédures civiles d’exécution ont effectivement besoin d’être efficaces, elles ne doivent pas être intrusives à l’excès.

Le travers de la fausse simplicité se manifeste également avec la suppression de l’avis conforme du conseil municipal pour les budgets des CCAS. Les emprunts des CCAS sont soumis au jeu des articles L. 2131-1 et L. 2121-34 du code général des collectivités territoriales, ce dernier subordonnant les délibérations des CCAS concernant un emprunt exécutoire à un avis conforme du conseil municipal lorsque les conditions suivantes sont réunies : la somme à emprunter ne dépasse pas, seule ou réunie au chiffre d’autres emprunts non encore remboursés, le montant des revenus ordinaires de l’établissement et le remboursement doit être effectué dans le délai de douze années, sous réserve que le projet en ait été préalablement approuvé par l’autorité compétente, s’il s’agit de travaux quelconques à exécuter.

Bien évidemment, nous sommes très attachés aux libertés territoriales, mais quelle est la réalité concrète des CCAS ? Dans beaucoup de communes, plus particulièrement dans les plus petites d’entre elles, cet organisme ne se réunit pas. Cependant, les CCAS peuvent disposer d’un budget élevé : pour exemple, une subvention de 1 million d’euros a été accordée au CCAS d’Aurillac, cher au président de notre groupe, en 2012, par la commune.

Leurs ressources proviennent également des versements effectués par les organismes d’assurance maladie, d’assurance vieillesse, les caisses d’allocations familiales ou tout autre organisme ou collectivité au titre de leur participation financière aux services gérés par le CCAS. L’engagement et le risque liés aux prêts contractés par ces structures concernant donc la commune de manière directe, ainsi que l’État en dernier ressort, ceux-ci doivent continuer à être soumis à un avis conforme du conseil municipal, compris comme une garantie essentielle du service public et de l’équilibre des finances locales.

Enfin, nous vous proposerons un amendement visant à établir la mixité des sexes dans la composition de la formation collégiale mentionnée à l’article L. 213-4 du code de l’organisation judiciaire. Le juge aux affaires familiales peut renvoyer à la formation collégiale du tribunal de grande instance qui statue comme juge aux affaires familiales, et ce renvoi est de droit, à la demande des parties, pour le divorce et la séparation de corps. Les promotions de l’École de la magistrature étant composées de près de 80 % de femmes, chaque année, les tribunaux entièrement féminisés, de la greffière à la procureur, sont donc amenés à se multiplier. Notre amendement tend ainsi à équilibrer les jugements en les faisant procéder de regards masculin et féminin, et ce pour une meilleure justice.

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