Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 21 janvier 2014 à 14h30
Simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vient allonger la liste des projets de loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances. Il s’inscrit dans le programme de simplification, d’allégement des contraintes, de clarification de l’action administrative et de modernisation du droit et des procédures. L’objectif visé ici, que nous ne pouvons qu’approuver, est non seulement de moderniser certaines règles de droit pour en améliorer la lisibilité et l’intelligibilité, mais également de simplifier des procédures pour obtenir une réponse adaptée aux besoins exprimés par les justiciables.

Il est sans nul doute à la fois pertinent et urgent d’améliorer la lisibilité de notre législation et, partant, la sécurité juridique de nos concitoyens, mais, en tant que parlementaires, nous ne pouvons que regretter à nouveau de ne pas pouvoir débattre plus sereinement de toutes les mesures, qui sont ici fort nombreuses, comme je l’ai déjà dit. De surcroît, ce projet de loi, qui tend à réécrire des pans entiers du code civil, est débattu dans un temps encore limité par le recours à la procédure accélérée.

Les écologistes, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, ont déjà contesté ce mode d’examen de textes ambitieux et importants pour la vie de nos concitoyens. Nous le contestons encore aujourd’hui, et ce d’autant plus que le texte initial concernait, notamment, le droit des obligations, pilier du droit civil s’il en est.

Ces réserves sur la forme étant exprimées, j’en viens au fond du projet de loi d’habilitation que nous examinons aujourd’hui. Pour commencer, je tiens à saluer le travail de notre rapporteur, M. Mohamed Soilihi, qui, en limitant les habilitations au strict nécessaire, a contribué à rendre ce texte nettement plus acceptable.

Si l’examen exhaustif de ce projet de loi paraît ici impossible, tant les sujets abordés sont nombreux et techniques, on peut y distinguer deux séries de mesures.

D’une part, il y a les demandes d’habilitation ou les mesures d’application directe ponctuelles visant à la simplification ou à la modernisation de règles ou de procédures de droit privé ou administratif. Ces dispositions nous semblent nécessaires et opportunes.

D’autre part, on trouve dans ce texte certaines demandes d’habilitation qui se distinguent des autres par l’ampleur des modifications qu’elles sont susceptibles d’engager : il s’agit des réformes relatives au droit des obligations, à l’article 3, au Tribunal des conflits, à l’article 7, à la communication électronique en matière pénale, à l’article 8, et à la simplification des régimes d’autorisation administrative applicables aux entreprises, à l’article 14. De telles mesures apparaissent plus problématiques aux yeux des écologistes. En effet, le texte initial du projet de loi se distinguait des autres projets de loi d’habilitation en ce qu’il prévoyait, entre autres mesures, la réforme des titres III et IV, hors responsabilité, du livre III du code civil, consacrés au droit des contrats et des obligations.

Comme l’a justement rappelé M. le rapporteur, par son ampleur, près de 300 articles, comme par ses répercussions éventuelles, le droit des contrats et des obligations étant la source de nombreux autres droits, comme ceux des affaires et de la consommation, le présent projet de réforme était le plus ambitieux depuis la création du code civil. Nous considérons qu’une telle ambition, si elle est sans nul doute nécessaire, mérite un travail parlementaire de réflexion approfondi. En effet, loin d’être seulement technique, la réforme du droit des obligations pose des questions politiques majeures, qu’il revient au seul Parlement de trancher. Nous nous réjouissons donc que la commission se soit opposée à ce que celle-ci puisse être traitée par voie d’ordonnances.

Dans le même sens, nous ne pouvons qu’approuver la suppression de l’article 14 tendant à habiliter le Gouvernement à basculer certains régimes d’autorisation administrative applicables aux entreprises en régime déclaratif ou à supprimer les uns et les autres. L’objectif louable de poursuivre ainsi le mouvement de simplification entrepris avec l’adoption du principe selon lequel le silence de l’administration vaut accord ne pouvait justifier une habilitation aussi imprécise et générale qui n’apportait aucune garantie concernant la sécurité juridique des actes.

Je terminerai mon propos en rappelant qu’il est difficile aux membres du groupe écologiste d’accepter que, sous couvert de simplification, des pans entiers du code civil soient réécrits par ordonnances, notamment s’agissant de sujets aussi importants que le droit des contrats. Le travail de la commission des lois, sur l’initiative de M. le rapporteur, a fort heureusement permis d’aboutir à un texte plus équilibré, auquel le groupe écologiste apportera son soutien.

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