… et j’ai eu le plaisir de convaincre mon groupe.
Ce n’était pas évident, tant la CRPC nous paraissait totalement contraire à l’esprit même du droit pénal français. Comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, les écologistes étaient en effet très critiques, voire violemment opposés à cette procédure dérogatoire du droit commun au nom barbare de « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité », et au charmant diminutif de « CRPC ».
Il suffit de lire l’exposé initial des motifs de cette proposition de loi pour se rendre compte de la virulence des critiques que l’on peut formuler. Je n’y reviendrai pas, cela a déjà été dit : rupture d’égalité, condamnation d’innocents, etc.
On entend encore trop souvent que la CRPC est une imitation du « plaider coupable » américain. Elle permettrait une négociation avec le procureur, et des innocents seraient prêts à se reconnaître coupables afin de limiter la peine que pourrait leur infliger un juge qui serait aveugle.
C’est totalement faux ! La peine doit être écrite avant la présentation du prévenu devant le procureur.
Le prévenu peut évidemment refuser la CRPC, et cette décision ne doit pas lui porter préjudice lors de sa comparution devant le juge. Nous reviendrons sur ce point lors de l’examen de l’un de mes amendements. Il faut absolument veiller à ce que cette volonté du législateur figure dans les textes : refuser la CRPC ne doit entraîner aucun préjudice.
Audition après audition, M. le rapporteur s’est aperçu que les défauts juridiques, voire idéologiques, inhérents à ce mécanisme avaient en bonne partie été corrigés par l’intelligence de nos magistrats. Comme nous avons fait confiance à l’intelligence des territoires lors de nos débats sur les métropoles, nous allons pouvoir reconnaître aujourd’hui l’intelligence de nos magistrats, si tant est que nous l’ayons jamais mise en doute.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui, tel qu’il est issu des travaux de la commission, corrige quelques défauts du mécanisme de la CRPC pour renforcer la liberté de choix du prévenu. Il entérine la double convocation, devant le procureur et devant le tribunal correctionnel, à la fois du point de vue matériel et dans le temps. Cela permettra d’éviter de rallonger inutilement la procédure au cas où la CRPC échouerait. Le texte prévoit aussi la présence accrue de l’avocat et l’information du prévenu sur le droit de dire « non ».
La question la plus intéressante sur laquelle nous avons eu à nous pencher est celle de la place des victimes dans la procédure.
Ce texte ne me semble pas le meilleur véhicule pour révolutionner la place des victimes dans notre code de procédure pénale. Dans notre procédure pénale, c’est l’État, et non pas les victimes, qui mène le procès, et ce au nom du peuple français dans son entier. Toute une philosophie sous-tend ce dispositif : l’État s’interpose entre les citoyens pour éviter qu’ils ne se fassent justice eux-mêmes. De plus, en cas d’infraction pénale, c’est le tissu social dans son entier qui est touché, et non simplement les victimes directes.
Ce point de vue est ancien. Je rappelle que la loi du talion, édictée par Moïse, était une tentative pour encadrer et borner la vengeance privée. À défaut d’interdire cette dernière, la réponse doit être proportionnée : pour un œil, un œil ; pour une dent, une dent. Aujourd’hui, on pourrait la traduire ainsi : pour telle infraction, une peine de prison de telle durée. En soulignant cela, je pense aux victimes, notamment à toutes celles que j’ai accompagnées du mieux que j’ai pu dans leur douleur comme avocate. Leur douleur doit être entendue et leur place doit être reconnue, comme nous le propose le rapport de MM. Béchu et Kaltenbach, Pour une meilleure indemnisation des victimes d’infractions pénales.
Cependant, si nous devons réformer la place des victimes dans notre droit, nous devons le faire dans une loi dédiée. En effet, le sujet est trop important pour être glissé par petites touches dans différents textes. En outre, cela risquerait de produire des distorsions dans les droits des victimes, alors que leurs douleurs sont semblables.