Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 23 janvier 2014 à 9h00
Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est une procédure qui, lors de son introduction dans notre droit en 2004, soulevait beaucoup de doutes et d’interrogations, voire d’oppositions, qui ont parfois été vives.

Ces doutes émanaient aussi bien des magistrats et des avocats que de nombreux parlementaires. En effet, dans l’esprit de bien des personnes, cette procédure s’éloignait fortement de la conception qui est la nôtre d’un procès pénal équitable.

Néanmoins, au gré des différentes modifications législatives et, surtout, de la pratique des magistrats, force est de reconnaître que cette procédure a finalement convaincu très largement. Ce n’est pas encore entièrement le cas de notre collègue Jacques Mézard, semble-t-il, mais beaucoup ont su faire évoluer leur position.

Il est vrai que la CRPC s’est révélée utile pour juger les nombreux contentieux où la culpabilité du prévenu ne saurait souffrir de contestation, dans la mesure où il la reconnaît d’emblée lui-même. Les chiffres sont connus : la CRPC représente désormais plus d’un contentieux sur dix au pénal. En 2012, cela correspondait à un volume de 65 000 affaires. Le rôle qui lui a été confié afin de permettre un désengorgement des juridictions semble donc relativement réussi.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui introduit de nouveaux aménagements. En la déposant, notre collègue Jacques Mézard et son groupe ont remis cette procédure sur le devant de la scène parlementaire et nous ont permis d’en débattre. Je salue également M. le rapporteur, Pierre-Yves Collombat, coauteur du texte, qui, au fil des auditions, a su faire évoluer sa position.

Les modifications qui nous ont été proposées en commission ont permis de répondre aux différentes critiques sans remettre en cause l’essentiel de cette procédure de CRPC. Comme tous les orateurs l’ont souligné, nous ne pouvons qu’en être satisfaits, car il s’agit bien d’un travail d’amélioration, et non de remise en cause de la proposition de la loi.

Le rapporteur propose ainsi de mieux encadrer la CRPC. Ayant beaucoup travaillé sur la question des victimes, je me réjouis de l’amendement qu’il a proposé tendant à permettre à la victime de faire parvenir ses observations au procureur de la République avant que celui-ci ne s’entretienne avec la personne mise en cause au cours de la première phase de la CRPC.

Cette disposition, voulue par M. le rapporteur, permettra une meilleure appréciation des faits, et c’est positif. Lors de nos débats en commission, elle a été préférée à celle que je défendais avec mon collègue de l’UMP, Christophe Béchu, avec lequel j’ai écrit un récent rapport visant à mieux prendre en compte l’indemnisation des victimes d’infractions pénales. Dans les trente et une propositions que comptait ce document, nous souhaitions permettre aux victimes d’être mieux prises en compte dans toutes les procédures rapides qui ont été mises en œuvre ces dernières années.

Dans le cas de la CRPC, l’amendement que je vous proposerai, mes chers collègues, vise à permettre à la victime, si elle le demande, d’être entendue par le procureur de la République.

J’ai été surpris de l’interprétation tout à fait caricaturale de cet amendement qui a été faite par notre collègue Hélène Lipietz. Il ne s’agit en aucun cas de revenir à je ne sais quelle loi du talion ! Au cours des auditions que nous avons menées, Christophe Béchu et moi-même, nous avons pu constater que les procédures rapides de jugement, si elles permettent d’accélérer les délais de traitement des affaires pénales et de désengorger les juridictions, présentaient toutefois le risque d’écarter la victime du procès pénal. Dans le cas de la CRPC, la victime n’est invitée à faire valoir ses droits qu’au moment de l’audience d’homologation.

Grâce à l’amendement de notre collègue Pierre-Yves Collombat, la victime aura donc la faculté d’écrire en amont au procureur. C’est positif, mais nous considérons que cette possibilité n’est pas suffisante. C’est pourquoi, malgré le vote défavorable en commission, j’ai redéposé l’amendement que j’avais présenté alors, afin de permettre à la victime, si elle en fait la demande, d’être entendue lors de la première phase de la procédure par le procureur de la République, avant que ce dernier ne prenne sa décision sur la ou les peines qu’il prononcera à l’encontre de l’auteur de l’infraction.

Ce n’est pas contradictoire avec la possibilité d’écrire au procureur, bien sûr, mais c’est une faculté supplémentaire qui doit être proposée aux victimes. Trop souvent, celles-ci sont affectées par les faits commis à leur encontre, et elles éprouvent le besoin de s’exprimer. De surcroît, elles pourraient apporter des éléments que l’enquête de police n’aurait pas mis au jour. Pour toutes ces raisons, ma conviction est que la victime doit avoir toute sa place.

J’ajoute que les magistrats ne sont pas opposés à l’ouverture aux victimes de ce droit à être entendues et que, vu le type d’affaires traitées en CRPC, on peut prévoir que son exercice resterait marginal. Pourquoi donc se priver, pour quelques cas, de cette possibilité pour la victime d’être entendue, d’être reconnue et d’être considérée, voire d’apporter au procureur des éléments objectifs ?

Dans les débats qui vont suivre, nous aurons donc la possibilité d’améliorer la prise en compte de la victime dans le procès pénal. Certes, depuis trente ans, en France, beaucoup a été fait pour que la victime soit davantage considérée, reconnue et associée, mais il y a encore des progrès à faire ; en l’occurrence, nous pouvons aller plus loin que ne le propose M. le rapporteur. C’est le sens de l’amendement que je défendrai.

Quoi qu’il soit, le groupe socialiste votera le texte qui nous est proposé, car, sans remettre en question une procédure qui a montré son utilité, nous avons su faire œuvre utile en travaillant à l’améliorer.

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