Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 23 janvier 2014 à 9h00
Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié, amendement 12

Alain Vidalies :

En réalité, ce texte devait être examiné à l’occasion d’une autre séance, à laquelle Mme la garde des sceaux ne pouvait absolument pas assister en raison d’un impératif extérieur. J’avais donc été chargé de représenter le Gouvernement, et nous avions préparé ce texte ensemble. Sa date d’examen ayant finalement été modifiée, et faute pour Mme Taubira de disposer d’un ministre délégué, nous en sommes restés à l’organisation qui avait été initialement prévue.

Ne voyez dans cette absence aucun ostracisme à l’égard du Sénat, monsieur Mézard. D’ailleurs, compte tenu de l’ordre du jour prévisible des travaux parlementaires, qui a déjà été assez largement exposé en conférence des présidents, vous aurez de nombreuses occasions de revoir Mme la garde des sceaux, en particulier à partir du mois d’avril prochain.

Sur le fond, le Gouvernement et la garde des sceaux se félicitent du travail de la commission, dont M. Hyest a fourni une bonne synthèse. Il subsiste une divergence d’appréciation importante sur l’amendement n° 12 du Gouvernement, qui vise à communiquer la proposition de peine à la personne concernée au moins dix jours avant sa comparution. Je précise que cette question ne concerne pas seulement le rapport entre la proposition de peine et la personne ayant reconnu sa culpabilité ; elle implique aussi les victimes, dont on a voulu qu’elles soient présentes dans la CRPC comme elles le sont dans l’ensemble des procédures pénales.

Nous discuterons de cette différence d’appréciation lors de l’examen des amendements. Le Gouvernement entend se situer à l’intérieur du cadre juridique qui a été rappelé ce matin, c’est-à-dire respecter les principes historiques et les décisions du Conseil constitutionnel, mais aussi prendre en compte la pratique et l’évolution positive des opinions à l’égard de la CRPC.

Si les craintes initiales ne se sont pas réalisées, rien ne dit qu’elles ne se réaliseront jamais. On peut toutefois compter sur la vigilance du contrôle parlementaire, qui peut d’ores et déjà s’exercer sur la base des chiffres que l’on vous a communiqués. Quelles infractions sont concernées ? Comment cette procédure est-elle mise en œuvre ? Ces sujets sont importants.

La question de la répartition géographique de l’usage de la CRPC mérite également d’être étudiée attentivement. En effet, en matière de droit et de procédure pénale, ce ne peut pas être – passez-moi l’expression, mesdames, messieurs les sénateurs – au petit bonheur la chance. Les chiffres dont nous disposons, s’ils montrent des disparités que l’on ne saurait nier, ne sont pas non plus alarmants. La vigilance doit toutefois rester permanente afin de préserver cet acquis.

Cette procédure constitue aussi un progrès en termes de management de la justice. Il serait hypocrite de prétendre que ce point est totalement absent de nos préoccupations. Nous essayons de réaliser des efforts de maîtrise des dépenses en ce qui concerne le fonctionnement de la justice, mais aussi d’améliorer la rapidité de celle-ci, comme certains d’entre vous l’ont souligné. En effet, la longueur des débats et des procédures est l’une des spécificités de notre système judiciaire, et les justiciables eux-mêmes souhaitent bien souvent des décisions plus rapides.

M. Jacques Mézard soulignait qu’il était facile de convaincre une personne de choisir cette procédure. C’est une réalité que plusieurs d’entre nous ont vécue – j’ai, en effet, comme certains parmi vous, exercé la profession d’avocat. Néanmoins, on a pu voir aussi que les réactions des personnes concernées étaient différentes, de même que leurs motivations.

Vient aussi un moment où il faut sanctionner, et il est alors préférable que la sanction ne tourne pas à l’opprobre public. À cet égard, la CRPC permet aussi, dans certains contextes, une forme d’humanité. Dans la pratique, elle est donc vécue non pas comme une échappatoire, mais comme une réponse juste à une situation pénale donnée, l’essentiel restant tout de même la reconnaissance de culpabilité, dont le cadre juridique a été imposé par la pratique. Aujourd’hui, en faisant le bilan de cette procédure et en voulant encore améliorer son cadre juridique, vous en consacrez, d’une certaine façon, l’existence dans notre périmètre institutionnel.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le Gouvernement est favorable à ce texte, et il souhaite même aller plus loin que la commission avec l’amendement que je présenterai dans un instant sur le délai de dix jours.

Nous sommes attachés à cette proposition de loi et à sa vie parlementaire future. Elle fera donc partie des textes qui seront réinscrits à l’ordre du jour, soit sur l’initiative du groupe qui en est à l’origine, soit sur celle du Gouvernement. Nous sommes parties prenantes à la discussion et souhaitons parvenir à un texte qui soit conforme à la volonté conjointe du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Gouvernement.

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