Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 23 janvier 2014 à 9h00
Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité — Article additionnel après l'article 1er bis

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat, rapporteur :

Monsieur le ministre, j’en suis mortifié, mais je ne peux pas émettre un avis favorable sur cet amendement.

L’argument que vous venez d’exposer vaut pour toutes les procédures, quelles qu’elles soient : la peine mentionnée dans le code pénal est toujours supérieure à celle que risque réellement le prévenu. Par conséquent, pourquoi votre critique se limite-t-elle à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ?

Je voudrais vous expliquer la logique de notre raisonnement, qui ne repose pas sur des a priori. Qu'on le veuille ou non, la cheville ouvrière du dispositif, c’est le procureur. Cela peut ne pas plaire, mais c’est comme ça. Nous voulons mettre le procureur dans une situation lui permettant de proposer la peine la plus adaptée et de l’individualiser le plus possible. Cela suppose qu’il ait entendu la victime au préalable : la victime ne doit pas apparaître à la fin de la procédure.

Si nous souhaitons que la victime puisse présenter ses observations d’emblée, ce n’est pas simplement pour lui faire du bien. C’est également pour donner au procureur des informations qu’il n’a peut-être pas, par exemple sur la manière dont les faits ont été commis ou – cela compte en cas de harcèlement, par exemple – sur la nature des relations entre la victime et le prévenu. Ces informations peuvent être très importantes.

Votre proposition part d’une bonne intention, mais nous craignons que le procureur ne s’engage sur une peine avant d’avoir vu le prévenu. Or il faut qu’il dispose de tous les éléments : il doit savoir à quoi ressemble le prévenu, comment il réagit, quel est son type de personnalité, etc. À défaut, on pourra légitimement reprocher à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de s’apparenter à un marchandage : le prévenu se dira qu’il a gagné tant d’années par rapport à ce qui était prévu.

Dans cette procédure, tout tourne autour du procureur : le magistrat se contente de baliser, de s’assurer que la décision n’est pas contraire au droit. C'est la raison pour laquelle, dans un premier temps, j’étais plutôt favorable à la possibilité pour le magistrat de réduire la peine. Cependant, mes collègues m’ont convaincu que ce n’était pas une bonne idée. Il faut laisser le procureur assumer la responsabilité de ce qu’il a proposé, dans les limites de la loi, bien entendu ; c'est ici qu’intervient le magistrat.

Nous avons eu un long débat sur votre proposition, monsieur le ministre, et mes collègues m’ont convaincu. À nos yeux, il serait contre-productif que le procureur soit obligé de s’engager – par écrit, qui plus est – sans avoir tous les éléments d’information. Or la rencontre avec le prévenu constitue l’un des principaux éléments d’information.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

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