Intervention de Stéphane Mazars

Réunion du 23 janvier 2014 à 9h00
Débat sur la production énergétique en france : avenir de la filière du nucléaire et nouvelles filières de production d'énergie

Photo de Stéphane MazarsStéphane Mazars :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE auquel j’appartiens est très attentif aux questions relatives à l’énergie.

Il a suivi l’année dernière avec vigilance le débat sur la transition énergétique. Il s’intéresse aujourd’hui activement au travail de préparation du projet de loi sur la transition énergétique. Il veille à susciter, dès qu’il le peut, un large débat sur ces questions, notamment dans cette enceinte. C’est, d’ailleurs, la troisième fois en moins d’un an que nous débattons ici, en séance publique, de l’énergie, et ce sur notre initiative.

En effet, il est, selon nous, de la responsabilité du Parlement et des politiques de s’emparer de cette question et de prendre les décisions structurantes, indispensables pour l’avenir de notre pays, son indépendance, la compétitivité de nos entreprises et le bien-être de nos concitoyens. Il ne peut être question de laisser les décisions aux experts, techniciens ou technocrates, particulièrement nombreux dans ce domaine, même si leur compétence n’est pas en cause, loin de là. Il nous revient aussi de maîtriser le calendrier et de déterminer le rythme des évolutions.

En effet, il nous faut faire face à l’importance des enjeux et répondre à la prise de conscience par nos concitoyens de la rareté des matières premières non renouvelables, notamment celles qui sont utilisées pour les énergies fossiles. Cette rareté est devenue une réalité. Elle est en partie la cause du montant élevé de notre facture énergétique, qui atteint aujourd’hui 70 milliards d’euros environ, soit pratiquement le montant de notre déficit extérieur. Les trois quarts de cette facture sont dus aux hydrocarbures.

Les conséquences de cette dépendance aux énergies fossiles, qui a un impact pratiquement irréversible sur le réchauffement climatique, sont également mieux connues.

Le dernier rapport du GIEC, le fameux groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, paru au mois de septembre dernier, fournit des analyses nombreuses et approfondies à ce sujet. Les travaux de l’ONERC, l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, un organisme créé, je le rappelle, sur l’initiative du Sénat, sont également très éclairants. Les récentes intempéries connues en France, en Europe et ailleurs témoignent aussi cruellement de ces dérèglements climatiques.

La recherche et le développement de solutions alternatives à nos modèles de croissance économique et, surtout, à nos manières d’utiliser les ressources énergétiques sont donc plus que jamais prioritaires. Nous devons tendre vers une économie de plus en plus décarbonée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que l’augmentation de la température à la surface du globe.

Nous le savons, le monde globalisé dans lequel nous vivons aujourd’hui doit évoluer et trouver collectivement les meilleures façons de permettre à tous les habitants de la planète de vivre mieux, sans épuiser à tout jamais le patrimoine naturel dont ils disposent, en particulier en matière énergétique.

Dans ce contexte, l’indépendance énergétique de la France est un objectif incontournable reposant sur deux piliers, qui sont aussi deux filières d’excellence : le nucléaire et les énergies renouvelables. S’y ajoute, en contrepoint, la nécessité d’une plus grande efficacité énergétique.

Dans les trois cas, ce sont des emplois et des technologies, de l’activité et de l’innovation, des leviers pour le développement économique, y compris local. Ces filières stratégiques sont en effet des secteurs véritablement porteurs pour l’avenir de nos territoires, de nos concitoyens et de notre pays.

Le Sénat doit en être pleinement conscient et jouer un rôle déterminant dans les choix qui seront faits, lesquels vont nous engager pour les prochaines années.

Le chantier de la transition énergétique est donc crucial. Il doit aboutir à un mix énergétique crédible et adapté aux ressources de notre pays, incluant, bien entendu, l’électricité nucléaire, mais aussi l’utilisation de la géothermie, de la biomasse, des courants marins, du vent, du soleil.

Certes, beaucoup d’incertitudes sur les défis auxquels nous devrons faire face demeurent. À quel rythme s’épuiseront les ressources fossiles ? Comment évoluera notre consommation électrique ? Quels gains de productivité peut-on raisonnablement attendre des différentes filières des énergies renouvelables ?

Toutefois, il est certain que nous ne devons pas nous priver de l’avantage compétitif incontestable que représente notre filière nucléaire.

Bien sûr, il faut adapter nos centrales et prendre en compte le coût des investissements en matière de sûreté, de démantèlement, de traitement des déchets et de recherche. Cependant, nous ne devons pas pénaliser inutilement nos entreprises et nos concitoyens. Nous devons aussi être au rendez-vous des objectifs que nous nous sommes fixés pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et qui nous engagent sur le plan européen.

Certes, comme l’a souligné la Cour des comptes dans un rapport rendu public la semaine dernière, nous avons jusqu’à présent respecté les grandes lignes du paquet énergie-climat, mais ce sera de plus en plus difficile dans les années qui viennent.

Ce paquet repose sur trois objectifs pour 2020 : 20 % de réduction des gaz à effet de serre, 20 % d’énergies renouvelables, 20 % de gains d’efficacité énergétique.

La Commission européenne a même annoncé hier qu’elle souhaitait aller encore plus loin, avec une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 et au moins 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie.

Or, comme le souligne la Cour des comptes, si la part des énergies renouvelables est passée de 9, 6 % en 2005 à 13, 1 % en 2012, les 20 % seront « difficiles à atteindre » à l’horizon 2020. Pour ce faire, l’accroissement de la production d’électricité renouvelable devra être six fois plus important dans les six années qui viennent que sur la période 2005-2011, et sept fois plus important encore pour la chaleur renouvelable. Cela suppose des investissements substantiels.

La Cour des comptes relève en particulier la nécessité de renforcer les réseaux pour raccorder ces nouvelles sources d’énergie. Or les coûts estimés par RTE et ERDF s’élèvent au total à 5, 5 milliards d’euros.

Cette institution préconise aussi de revoir les méthodes de soutien et de financement de la politique de développement des énergies renouvelables, comme elle l’avait déjà fait dans son rapport de juillet 2013. Dans ce document, elle recommandait que soient réalisés des arbitrages entre les filières pour privilégier « les plus efficientes » d’entre elles, c'est-à-dire l’éolien et la chaleur renouvelable, plus que le photovoltaïque ou l’électricité géothermique. Pour ces deux dernières filières, en effet, elle estime qu’une partie substantielle des moyens importants consacrés au soutien à la production devrait plutôt être réorientée vers la recherche.

Le débat actuel sur le projet de loi de transition énergétique doit porter cette ambition et se donner comme obligation de mettre en place les conditions d’une véritable révolution énergétique dans notre pays. Il nous faut, filière par filière, tout mettre en œuvre pour soutenir nos entreprises et relocaliser les emplois perdus au cours des dernières années.

Oui, tous les secteurs des énergies renouvelables ont souffert, au cours des dernières années, d’un manque de soutien et sont en attente de mesures fortes de la part du Gouvernement. Plusieurs annonces, appels à projets ou à manifestations d’intérêt, assouplissements législatifs ou réglementaires sont néanmoins allés en ce sens au cours des derniers mois, ce dont nous nous réjouissons.

Toutefois, il reste encore un cap stratégique à fixer et des objectifs ambitieux à déterminer. C’est le cas pour l’éolien, la petite hydroélectricité, les énergies marines, la biomasse, mais aussi le photovoltaïque ou la géothermie.

Dans les futures décisions, il faudra veiller à ne plus commettre les mêmes erreurs que par le passé ; je pense, notamment, au photovoltaïque. La politique menée a malheureusement été un échec pour nos entreprises et nos emplois ; nous avons ouvert les portes de notre pays toutes grandes aux panneaux photovoltaïques étrangers.

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