Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 23 janvier 2014 à 15h00
Simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Article 3

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi, rapporteur :

Mais de grâce, ne recourez pas aux ordonnances !

Il s’agit de la « constitution civile » de la France, comme a pu le déclarer un éminent juriste, de la base de notre droit civil, et non d’une petite modification du code civil.

Nous n’adoptons pas une position de principe juste pour manifester une hostilité au recours aux ordonnances. Mais nous ne pouvons pas accepter qu’un pan aussi important de notre droit puisse être réformé par la voie d’une simple ordonnance.

Plusieurs raisons, sur lesquelles vous êtes revenue, madame la garde des sceaux, ont été avancées. J’en énoncerai trois principales pour m’opposer à votre amendement.

Le code civil organise la vie de chacun. Une réforme aussi générale que celle que le Gouvernement souhaite mener doit être examinée par le Parlement. Elle engage en effet des choix politiques majeurs.

Pour ma part, je citerai non pas Portalis, mais le doyen Carbonnier, dont on sait à quel point il a contribué à des réformes essentielles, toutes soumises au Parlement. Dans son ouvrage Droit et passion du droit sous la Ve République, évoquant les contrats, il écrit : « Des passions contraires s’y combattent, la confiance conviviale entraîne à contracter, le pessimisme ancestral y flaire un piège. Le contrat est un échange de biens et de services, un moment de sociabilité et de calcul. Il est fortement lié à l’économie, à l’inégalité des rapports sociaux. » Autant de choix qui relèvent du législateur pour décider de la conciliation entre la sécurité juridique, l’autonomie contractuelle et la protection du faible contre le fort.

Une deuxième raison m’incite à refuser cette habilitation. Pour que la réforme se déploie au sein de la société, il faut que les citoyens, les tribunaux ou les universitaires s’en saisissent. Afin que son influence se diffuse au-delà de nos frontières, il est nécessaire qu’elle reçoive l’écho et la publicité que seul l’examen parlementaire pourra lui assurer. Nulle ordonnance n’atteindra jamais à la publicité des travaux parlementaires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion