Intervention de Philippe Bas

Réunion du 22 janvier 2014 à 21h45
Exercice par les élus locaux de leur mandat — Article 1er B, amendements 5 2014

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Cet amendement soulève pour beaucoup d’entre nous une sorte de cas de conscience.

Nous ne pouvons qu’être attentifs et même réceptifs aux propos qu’a tenus notre rapporteur : si nous voulons que cette proposition de loi, qui comporte de fort bonnes choses pour les élus locaux en matière de régime indemnitaire, de droit à réintégration et sur d’autres plans, soit adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat, il faut que nous nous mettions en situation d’obtenir un accord entre les deux assemblées. Pour autant, il faut que cet accord ne porte pas atteinte à la conviction profonde du Sénat.

Grâce à l’excellent travail de notre rapporteur ainsi qu’au soutien que lui a apporté ce matin la commission des lois, beaucoup du venin introduit par l’Assemblée nationale dans ce texte a été ôté. Malheureusement, il en reste encore un peu. Nous risquons donc de nous retrouver, si l’amendement n° 5 rectifié n’est pas adopté, avec une charte dont le contenu sera pour beaucoup un motif d’étonnement, oubliant ce qu’elle aurait pu contenir d’encore plus excessif. Qu’il ait ainsi paru nécessaire en 2014 de rappeler aux élus les devoirs élémentaires de leur charge, qui, tous, font fort heureusement déjà l’objet – et depuis très longtemps – de dispositions du code général des collectivités territoriales et du code pénal – nous en avons vu une à l’instant sur les prises illégales d’intérêt –, peut en effet surprendre.

Il est heureux que ces règles existent déjà. Par conséquent, la charte qui nous est proposée n’a pas pour effet de créer du droit : c’est une simple déclamation. Ne pas poser de règles nouvelles, c’est ce que l’on peut faire de pire en matière d’exercice législatif. Comme les tribunaux, eux, ont tendance à considérer que la loi doit trouver une application concrète, ce faisant, nous ne les aidons pas. Les juges se diront en effet que le Parlement, par cette nouvelle formulation, a voulu aller plus loin dans la définition d’un certain nombre de règles.

L’impartialité, la diligence, la dignité, la probité, l’intégrité, le souci du seul intérêt général à l’exclusion de tout intérêt personnel, l’obligation morale de faire cesser tout conflit d’intérêts : nous y sommes tous favorables, notamment l’ensemble des élus locaux, cela va de soi. Mais si les élus nationaux que nous sommes éprouvent – de quel droit d’ailleurs ? – la nécessité de rappeler aux élus locaux leurs devoirs, craignons qu’ils ne nous rappellent un jour les nôtres ! Or le premier de nos devoirs, c’est de voter une loi qui ait une portée juridique claire, intelligible et qui pose des règles, dont le non-respect peut être sanctionné aisément par le juge.

C’est la raison pour laquelle, me différenciant d’un certain nombre de mes collègues membres de la commission des lois, je voterai l’amendement qui nous est soumis. Si nous voulons obtenir un accord avec l’Assemblée nationale, il n’est pas mauvais de lui montrer que nous ne sommes pas prêts à toutes les concessions. Je pense que nos collègues députés ont, eux aussi, le souci de faire aboutir les dispositions concrètes et pratiques que comporte cette proposition de loi. Mettons la barre suffisamment haut pour que la négociation puisse avoir lieu et, s’il faut ensuite trouver un compromis en commission mixte paritaire, faisons confiance aux sénateurs qui y siégeront.

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