Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la consommation, qui est passé de 73 à 171 articles au cours de la navette parlementaire, est bien plus qu’un ensemble de mesures disparates visant à améliorer, dans quelques secteurs, les droits des consommateurs.
Ce texte est ambitieux, car il est porteur d’une véritable réforme structurelle de notre économie : il permettra notamment de rééquilibrer les relations interentreprises, trop souvent défavorables aux petits fournisseurs et autres producteurs ; il incitera également entreprises et consommateurs à se tourner vers un mode de consommation plus durable et plus responsable.
Consommer toujours plus et toujours moins cher, c’est une définition de la société de consommation qui ne correspond plus véritablement aux attentes de nos concitoyens.
Certes, nous devons nous efforcer de renforcer leur pouvoir d’achat, en particulier celui des plus modestes. Ce projet de loi y contribue, notamment au travers des mesures relatives aux assurances, comme la résiliation infra-annuelle permise par l’article 21. Je rappelle que les assurances représentent autour de 5 % du budget des ménages aujourd’hui ; elles font partie des dépenses contraintes, qui portent bien leur nom, tant elles représentent un véritable fardeau pour certains ménages.
En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a complété le texte par l’instauration d’un droit de substitution, limité dans le temps, en matière d’assurance emprunteur. Même si le dispositif nous semble perfectible, il constitue une avancée majeure pour beaucoup de nos concitoyens ayant souscrit un crédit immobilier.
Parmi les 67 articles restant en discussion figure le très symbolique article 1er, qui instaure une « action de groupe » dans le domaine de la consommation et de la concurrence. Notre groupe proposera de nouveau une série d’amendements, inspirés d’une proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Plancade et du groupe RDSE, pour améliorer et élargir ce dispositif. Nous vous proposerons également, dans un souci de sécurité juridique, de limiter la rétroactivité des actions de groupe. J’espère, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, que vous apprécierez cette fois le bien-fondé et la nécessité des améliorations que nous proposons.
Sur l’ensemble de ces articles, les sénateurs du groupe RDSE présenteront une trentaine d’amendements.
Permettez-moi d’insister sur l’un d’entre eux, particulièrement important. Il s’agit de l’amendement n° 39, qui vise à soumettre toute opération de démarchage téléphonique au consentement exprès du consommateur. Cela revient à inverser la logique actuelle, confirmée par l’article 5 du projet de loi, qui institue une nouvelle liste d’opposition au démarchage. Nous vous proposons au contraire une liste sur laquelle figureraient les seuls consommateurs acceptant d’être démarchés. Les entreprises ayant recours au démarchage ne pourraient donc contacter que les personnes qui y consentent expressément.
Monsieur le ministre, ce que vous proposez, c’est un « Pacitel » amélioré. Certes, le croisement systématique de cette nouvelle liste gratuite d’opposition avec les fichiers utilisés par les sociétés qui pratiquent le démarchage constitue une avancée par rapport au dispositif existant. Mais cela n’est pas suffisant !
La mesure que nous présentons est, elle, plébiscitée par les consommateurs. L’objectif général et louable de ce projet de loi est de mieux les protéger, et c’est exactement ce que prévoit notre amendement.
Ses détracteurs nous accusent de menacer des emplois, et même un secteur d’activité... Mais de quels emplois parlons-nous ? Si certaines plateformes téléphoniques sont situées en France, la plupart des sociétés ont délocalisé leur activité dans d’autres pays pour maximiser leurs profits, en accordant à leurs salariés des conditions de travail et une protection bien moins avantageuses, c’est un euphémisme. Voulons-nous véritablement soutenir ce type d’activité ? De plus, prôner le maintien d’une activité économique lorsque celle-ci est éminemment néfaste pour une majorité de nos concitoyens nous semble pour le moins poser problème.
Ce texte est justement l’occasion de repenser notre économie et notre façon de consommer ; il incite les consommateurs et les entreprises à des pratiques plus responsables, plus durables, qui seront, j’en suis convaincu, créatrices de nouveaux emplois.
Je crois que nous sommes tous conscients du désagrément que représente une pratique répétée de démarchage téléphonique, en particulier pour des personnes fragiles ; je pense notamment aux personnes âgées, qui sont la cible privilégiée des démarcheurs.
Optons, là aussi, pour une pratique plus responsable ; c’est ce que nous vous proposerons avec notre amendement, qui, je le rappelle, a déjà été adopté à trois reprises par la Haute Assemblée, sur l’initiative, d’abord, de notre groupe, puis de Mme la rapporteur pour avis de la commission des lois, Nicole Bonnefoy, lors de l’examen du projet de loi Lefebvre en décembre 2011 et, enfin, le 12 septembre dernier, lors de l’examen en première lecture du présent projet de loi. J’espère que cette position très claire du Sénat sera à nouveau réaffirmée ce soir ou demain. Ce n’est d’ailleurs plus vraiment notre proposition, c’est désormais celle de la Haute Assemblée.
Permettez-moi, pour terminer, d’aborder un autre article du projet de loi qui me tient particulièrement à cœur, l’article 23, qui comporte deux avancées majeures.
En premier lieu, cet article donne aux collectivités locales les moyens de protéger leur nom, face à des entreprises qui n’hésitent pas à se l’approprier et à détourner l’identité et parfois le savoir-faire de certains territoires. Le cas de Laguiole, village du nord de l’Aveyron, est en ce sens emblématique ; je l’ai rappelé en première lecture et je me réjouis qu’aujourd’hui une solution législative puisse être apportée à ce type de difficultés.
En second lieu, cet article vise à créer une indication géographique pour les produits non alimentaires, à savoir les produits manufacturés. C’est également une avancée très importante tant pour l’information du consommateur que pour le développement des territoires.
En ce qui concerne les dernières modifications du dispositif, je me réjouis que mon collègue aveyronnais Alain Fauconnier, corapporteur de ce texte, ait permis l’adoption en commission des affaires économiques d’un amendement presque identique à celui que j’avais présenté en première lecture et qui prévoit une consultation de l’INAO lorsqu’il existe un risque de confusion avec la dénomination d’une AOP ou d’une IGP agricole.
Cette procédure me paraît en effet indispensable et particulièrement adaptée à l’expertise déjà acquise par l’INAO en matière agricole et à la nécessité d’établir une cohérence entre les labels agroalimentaires et manufacturiers sur un même territoire.
La réduction de la durée de consultation de divers organismes par l’INPI pendant la phase d’instruction, mesure également adoptée sur l’initiative de M. le rapporteur, va, elle aussi, dans le bon sens.
Pour ma part, je présenterai un amendement visant à revenir sur la notion de « savoir-faire traditionnel », introduite par l’Assemblée nationale en deuxième lecture et qui ne correspond à aucune réalité juridique. Il s’agit, en outre, de faire figurer l’argumentaire relatif au lien indispensable entre le produit et le territoire dans le cahier des charges soumis par les professionnels à l’INPI.
En effet, comme je l’ai déjà souligné, les indications géographiques représentent une valeur ajoutée supplémentaire par rapport au seul made in France : il s’agit d’un made in territoires de France. Sans lien direct avec le territoire, cette appellation n’a pas de sens : c'est une coquille vide.
Ce qu’attendent les consommateurs, qu’ils soient Français ou étrangers, lorsqu’ils achètent un couteau de Laguiole ou une dentelle de Calais, c’est exactement ce qu’ils attendent d’un agneau de Lozère ou d’un vin des Côtes-de-Provence, à savoir un lien direct entre le produit et le territoire dont il est issu, entre le produit et le terroir.
J’espère donc que cet amendement, de bon sens, emportera une large adhésion, tout comme les autres amendements de mon groupe. Nos propositions visent en effet à renforcer les dispositions de ce texte relatives à la protection des consommateurs et à l’amélioration de leur pouvoir d’achat. §