Intervention de Pierre Jarlier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 janvier 2014 : 2ème réunion
Bilan et perspectives d'évolution de la reom et de la teom redevance et taxe d'enlèvement des ordures ménagères — Contrôle budgétaire - communication de mm. jean germain et pierre jarlier rapporteurs spéciaux

Photo de Pierre JarlierPierre Jarlier, rapporteur spécial de la mission « relations avec les collectivités territoriales » :

Contrairement à la TEOM, qui est une taxe, le montant de la REOM est calculé en fonction du service rendu.

On peut toutefois distinguer une tarification « classique », lorsque le montant est calculé forfaitairement à partir d'une quantité moyenne de déchets produits par type d'usager (au prorata du nombre de personnes dans le foyer par exemple) et une tarification « incitative », lorsque le montant de la redevance reflète la quantité de déchets effectivement produite par l'usager, mesurée à partir du nombre de levées ou du poids de déchets produits par exemple. Dans ce cas, le montant de la redevance varie en fonction des efforts de réduction des déchets produits.

La redevance peut comporter une part fixe - « qui n'excède pas les coûts non proportionnels » - et être calculée globalement, au niveau d'un immeuble par exemple, afin de prendre en compte les contraintes liées à l'habitat collectif. Dans ce dernier cas, le montant global de la redevance est ensuite réparti entre les foyers.

Le choix de la REOM implique, pour une collectivité, de devenir perceptrice : elle doit créer un fichier des redevables, le tenir à jour, émettre les factures et en assurer le recouvrement. Elle doit également supporter les impayés.

Les coûts de gestion de la REOM devraient être moins importants, mais si l'on prend en compte les frais d'impayés, il semblerait que le bilan total ne soit pas forcément positif.

Du point de vue de l'équité, par rapport à la TEOM, la REOM implique des transferts de charge des contribuables vers les usagers.

Comme on l'a vu, la TEOM est assise sur les valeurs locatives des locaux. Elle devrait donc permettre une certaine progressivité de l'imposition, en admettant que la valeur locative croisse avec le revenu de l'occupant. Une telle logique est exclue dans le cadre de la REOM : elle ne permet pas de prendre en compte - même de façon indirecte - des critères de revenu.

Par ailleurs, la REOM est incompatible avec toute autre forme de financement de ce service et elle implique la tenue d'un budget annexe, ce qui permet une meilleure transparence du financement de ce service public, puisque l'ensemble des recettes et des dépenses doivent y être retracées. Un budget annexe doit être à l'équilibre et la REOM doit donc couvrir intégralement le coût de ce service public. En particulier, toute contribution du budget général est exclue.

Le principe de la mise en place d'une tarification incitative a été affirmé dans le « Grenelle I », en 2009, qui prévoyait que la REOM et la TEOM devraient intégrer, dans un délai de cinq ans, « une part variable incitative devant prendre en compte » la quantité de déchets produits. L'intention était donc bien de généraliser la tarification incitative.

Cependant, en 2010, le « Grenelle II » a réaffirmé le principe de la mise en place d'une part incitative dans la TEOM, mais en le limitant à une expérimentation. La loi de finances pour 2012, qui a effectivement créé la TEOM incitative, a prévu que sa mise en place demeurait facultative.

La tarification incitative peut s'avérer coûteuse. En effet, elle nécessite un état des lieux précis en termes technique, financier et organisationnel. En outre, des investissements doivent être réalisés par la collectivité, pour acquérir le matériel permettant d'identifier l'usager (pour les collectivités à la TEOM notamment) et surtout de mesurer la quantité de déchets produits.

Les systèmes existants sont divers : pesée embarquée, points conteneurs à tambour avec badge d'identification, sacs prépayés, etc. Nous pensons que les collectivités qui le souhaitent doivent pouvoir s'engager, bien sûr, dans la voie de la tarification incitative. Cependant, pour limiter les coûts qui s'avèrent importants, au lieu de raisonner au niveau de chaque usager, il pourrait être envisagé de considérer un ensemble plus vaste : un lotissement ou la tournée d'un camion.

Enfin, il convient d'élaborer une stratégie de communication à vertu pédagogique et pour éviter les contestations ultérieures naissant d'une mauvaise connaissance de la tarification incitative. Un programme de réduction des déchets à la source peut donc paraître plus efficace.

Par ailleurs, la tarification incitative, comme toute fiscalité comportementale, se heurte à une autre difficulté : le risque d'une diminution de la base taxable. En effet, l'objectif étant la réduction de la quantité de déchets produits, si le mécanisme s'avère réellement incitatif, il doit en résulter une diminution des déchets et donc du produit perçu par la collectivité. La collectivité donc être attentive à calibrer précisément la part incitative, afin qu'aucune difficulté financière n'en résulte.

Aussi, il peut s'avérer risqué, politiquement, de présenter la tarification incitative comme un moyen de réduire la facture : en raison des coûts fixes auxquels font face les collectivités, la tarification incitative est davantage un « malus » qu'un véritable moyen de réduire les coûts.

Enfin, nous nous sommes intéressés aux difficultés spécifiques de la TEOM incitative. Depuis 2013, les collectivités peuvent instaurer une TEOM incitative, composée d'une part fixe et d'une part variable, cette dernière dépendant de la quantité de déchets produits.

Outre les investissements nécessaires à toute tarification incitative (pesée embarquée, etc), la collectivité doit récupérer les fichiers relatifs à la taxe foncière dont dispose l'administration et les compléter, pour chaque local, par le montant de la part incitative. Elle doit par ailleurs assurer l'instruction du contentieux relatif à la part incitative de la TEOM.

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