Cette proposition de loi, dont l'intitulé initial visait à redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel, a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 15 mai 2013. Déposée par le groupe socialiste, le groupe écologiste et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, elle est le fruit d'une longue réflexion et je souligne l'engagement de ses auteurs et de sa rapporteure, Clotilde Valter.
Le texte donne plus de pouvoirs aux salariés dans la gouvernance des entreprises et renforce la capacité de celles-ci à résister à la spéculation et aux prises de contrôle déstabilisantes.
Ses 12 articles se répartissent en deux grands volets. Le premier (articles 1er à 3), est consacré à la reprise d'entreprise, et plus particulièrement à la recherche de repreneur en cas de fermeture d'un établissement. Le second volet (articles 4 bis à 8 bis) favorise l'actionnariat à long terme des entreprises françaises, en renforçant essentiellement la législation relative aux offres publiques d'acquisition (OPA).
Trois commissions se sont saisies pour avis. Félix Desplan s'est penché sur les articles 1er, 3, 5, 7, 8 et 9 au nom de la commission des lois, tandis que Jean-Marc Todeschini, pour la commission des finances, a examiné l'ensemble des dispositions du titre III relatif à l'actionnariat de long terme. Notre collègue Martial Bourquin a rendu pour la commission des affaires économiques un avis sur l'ensemble du texte.
L'actualité de ces dernières années a été émaillée d'exemples d'entreprises refusant de céder à des repreneurs des sites industriels qu'elles fermaient pour des raisons stratégiques et financières. Même si les abus sont rares, comment tolérer qu'un employeur condamne un site industriel rentable, supprime des emplois et fragilise l'économie de territoires entiers ?
Une proposition de loi a été déposée dès le 28 février 2012 tendant à garantir la poursuite de l'activité des établissements viables. Au même moment, François Hollande, lors de la campagne présidentielle, prenait l'engagement de « dissuader les licenciements boursiers » en renchérissant leur coût et en donnant la possibilité aux salariés de saisir le tribunal « dans les cas manifestement contraires à l'intérêt de l'entreprise ».
Puis le Gouvernement a souhaité que les partenaires sociaux s'emparent de la question dans le cadre des négociations sur la sécurisation de l'emploi. L'engagement des partenaires sociaux au point 6 de l'article 12 de l'Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 a ensuite été transposé dans la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi qui a inséré un nouvel article L. 1233-90-1 dans le code du travail. Il concerne les entreprises employant plus de 1 000 salariés. Lorsque l'une de ces entreprises envisage un licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d'un établissement, elle doit rechercher un repreneur et en informer le comité d'entreprise. Ce dernier peut alors recourir à l'assistance d'un expert-comptable, il est informé des offres de reprise formalisées et il peut émettre un avis. Enfin, les actions engagées par l'employeur sont prises en compte dans la convention de revitalisation conclue entre l'entreprise et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte).
Toutefois, lors de l'examen du projet de loi de sécurisation de l'emploi, un groupe de travail réunissant de nombreux députés s'est mis en place, sous la houlette du président de la commission des affaires économiques, François Brottes, afin d'approfondir la procédure de recherche de repreneur. Il était clair que les dispositions de l'article L. 1233-90-1 seraient rapidement revues.
Dans un souci de sécurité juridique, le président de l'Assemblée nationale a ensuite saisi le Conseil d'Etat pour avis en application de l'article 39 de la Constitution. Cet avis a justifié de très nombreux amendements en commission et en séance de la part de la rapporteure de la commission des affaires économiques et du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, sans dénaturer l'esprit du texte.
Mesure-phare du volet consacré à la reprise d'entreprise, l'article 1er reprend le cadre posé par l'article L. 1233-90-1 du code du travail. Il renforce d'abord les obligations d'information imposées avant la fermeture d'un site rentable. En plus du comité d'entreprise, l'employeur doit informer l'administration tout au long de la procédure de recherche et informer très en amont le maire de la commune concernée. Ensuite, l'article énumère clairement les actions de recherche d'un repreneur pour que soient prises en compte les bonnes pratiques observées ces dernières années. Le comité d'entreprise doit donner son avis sur l'offre de reprise à laquelle l'employeur souhaite donner une suite favorable. L'objet du rapport de l'expert auquel peut recourir le comité est défini de manière extensive. En outre, le comité d'entreprise peut participer à la recherche d'un repreneur. Enfin, le tribunal de commerce sanctionne le non-respect de la procédure de recherche, non seulement d'un point de vue formel, mais aussi en s'assurant que l'employeur n'a pas refusé de donner suite à une offre dont le caractère sérieux est librement apprécié par le juge. Le texte ne reconnaît qu'un seul motif légitime de refus de cession: la mise en péril de la poursuite de l'activité de l'entreprise. La pénalité, qui peut atteindre 20 smic par emploi supprimé, est plafonnée à 2 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise, et le tribunal peut lui faire injonction de rembourser tout ou partie des aides publiques perçues, sous conditions, et dans la limite des deux dernières années.
L'article 1er bis assure les coordinations juridiques nécessaires. L'article 2 demande au Gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1er.
L'article 3 oblige l'administrateur judiciaire à informer le comité d'entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel ou les représentants des salariés, de la possibilité qu'ont les salariés de présenter une offre de reprise.
Le second volet de la proposition de loi favorise l'actionnariat de long terme. L'article 5 pose comme principe que les actionnaires des sociétés cotées bénéficieront automatiquement d'un droit de vote double pour les actions détenues depuis deux ans, entièrement libérées et nominatives, sauf clause contraire des statuts ou opposition d'une assemblée générale extraordinaire ultérieure. Une personne auditionnée y a vu l'une des mesures phares de la législature. Grâce à cet encouragement à l'investissement, à la recherche et au développement à long terme, l'Etat actionnaire pourra vendre certaines participations tout en conservant le même niveau de contrôle dans les entreprises où il est présent.
L'article 6 introduit une procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise lors d'une OPA, alors que seule une procédure d'information est actuellement prévue. Le comité d'entreprise pourra entendre l'auteur de l'offre dans un délai d'une semaine après le dépôt de celle-ci. Assisté des personnes de son choix, il présentera sa politique industrielle et financière et ses plans stratégiques pour la société cible, mais également les répercussions de l'offre sur l'ensemble des intérêts, l'emploi, les sites d'activité et la localisation des centres de décision de cette société.
Le comité d'entreprise pourra se faire assister d'un expert-comptable, dont le rapport sera établi dans un délai de trois semaines. Il devra rendre son avis sur le projet d'offre au plus tard un mois après son dépôt, faute de quoi il sera réputé avoir été consulté. Il pourra saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime ne pas disposer d'éléments suffisants pour rendre son avis. Cette saisine ne suspendra pas le délai d'un mois, sauf si le juge estime que le comité est soumis à des difficultés particulières d'accès aux informations, auquel cas il pourra prolonger le délai initial. Enfin, le comité bénéficiera d'un droit de suite si l'offre réussit.
L'article 8 met fin au principe de la neutralité des organes de gouvernance en cas d'OPA : dans les sociétés cotées, le conseil d'administration n'aura plus besoin d'une autorisation préalable de l'assemblée des actionnaires pour faire échouer une offre hostile. Les organes de gouvernance pourront prendre les décisions utiles, dans le respect des pouvoirs attribués à l'assemblée des actionnaires.
L'article 4, qui abaissait à 25 % du capital ou des droits de vote le seuil de déclenchement obligatoire d'une OPA, a été supprimé. Le second volet de la proposition de loi comporte également des dispositions techniques et une demande de rapport.
Deux articles font l'objet d'un relatif consensus. L'article 4 bis introduit un seuil de caducité pour les OPA qui ne débouchent pas sur la détention de plus de 50 % du capital ou des droits de vote. L'objectif est d'éviter une offre volontairement inférieure au marché pour s'assurer à bon compte le contrôle de fait d'une entreprise. L'article 4 ter autorise un actionnaire qui détient entre 30 % et 50 % du capital d'une société à augmenter sa participation sans être obligé d'informer l'AMF ni de déposer d'OPA, à condition que la progression de sa part soit inférieure à 1 % par an, au lieu de 2 % actuellement : cet article abaisse ce que le jargon boursier appelle le seuil de l'excès de vitesse.
Autre arme contre des OPA, l'article 7 autorise sous condition l'attribution d'actions gratuites à l'ensemble des salariés jusqu'à 30 % du capital d'une société. L'article 8 bis demande au Gouvernement un rapport...