Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 6 février 2014 à 10h00
Débat sur l'évolution des péréquations communale intercommunale et départementale

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

C’est une intégration de l’aléa moral dans la loi.

Concernant les dispositions de la loi de finances pour 2014 visant à « soulager » les départements, une nouvelle ressource fiscale leur est attribuée : il s’agit des frais de gestion perçus au titre du foncier bâti. Cette nouvelle recette fiscale est répartie selon des critères de ressources et de charges qui n’étaient pas définis dans le texte initial et qui l’ont été en première lecture par l’Assemblée nationale. Ces nouvelles ressources seront réparties entre les départements, en deux fractions : 70 % proportionnellement au reste à charge du département pour financer les allocations individuelles de solidarité et 30 % suivant une logique de péréquation, en fonction d’un indice synthétique inspiré de celui du fonds de secours de l’année précédente.

Par ailleurs, les départements sont autorisés à relever temporairement les DMTO de 3, 8 % à 4, 5 %, ce qui ne va pas sans soulever un certain nombre de difficultés. Lorsque cette mesure avait été annoncée dans le cadre du « pacte de confiance et de responsabilité » entre l’État et les collectivités territoriales de juillet 2013, certains présidents de conseil général, y compris socialistes, n’hésitaient d’ailleurs pas à déclarer, à l’instar de notre collègue Jean-Jacques Lozach dans La gazette des communes du 11 septembre 2013 : « Ce type de déplafonnement n’est pas une mesure de péréquation, c’est même contraire à la solidarité. » Dont acte !

Le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Christian Eckert, s’est lui-même montré très réservé, si l’on en croit son rapport : « En premier lieu, le ciblage de ce dispositif est incertain. Les départements les plus pauvres, notamment ruraux, se caractérisent par un volume réduit de transactions portant sur des biens dont la valeur moyenne est faible ; ils ne seraient donc pas en mesure de générer des recettes substantielles grâce au dispositif […]. »

Conscient des limites de cette mesure et des problèmes qu’elle pose, le Gouvernement, en corollaire de cette augmentation facultative et temporaire des DMTO – c’est là que la complexité et la perversité du dispositif se précisent –, a d’ailleurs fait adopter un amendement créant un nouveau mécanisme de péréquation de cette ressource. Ce nouveau « fonds de solidarité » sera alimenté par un prélèvement uniforme de 0, 35 % – il se superpose au fonds existant – sur le produit des DMTO perçus par les départements. Le dispositif a toutefois prévu que l’ensemble des prélèvements effectués au titre de la péréquation des DMTO seront plafonnés à 12 % du montant desdits DMTO de l’année précédente.

Quant au reversement des ressources de ce nouveau fonds de solidarité, madame la ministre, il s’effectuera en fonction d’un indice synthétique, défini seulement lors de la deuxième lecture de la loi de finances à l’Assemblée nationale, alors que le dispositif initial renvoyait à un décret en Conseil d’État ! Quel curieux cheminement !

Comme l’année précédente, les députés ont eu les mains libres en deuxième lecture pour fixer des critères de répartition d’un fonds de péréquation – mais c’est bien sûr de la responsabilité du Sénat –, alors que ceux-ci, compte tenu des déconvenues de l’année passée, auraient bien évidemment dû être intégrés dans le texte du Gouvernement dès le départ. Cela aura permis à certains départements, conduits en partie par l’Assemblée des départements de France, cher Bruno Sido, qui ne manque pas d’inventivité ces dernières années pour définir des indices synthétiques souvent abscons, de faire leurs « arrangements » avec le Gouvernement et de définir les critères qui leur sont le plus favorables. Les principes de justice, d’équité et de solidarité qui sous-tendent la péréquation ont donc été, en 2013 et en 2014, largement mis de côté.

Le système du reste à charge mis en place soudainement lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2014 ne nous trompe pas. Son ingénieux promoteur a permis de satisfaire les appétits de ceux qui étaient bien servis en 2013 avec une partie de ceux qui l’étaient moins bien.

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