Intervention de Yannick Botrel

Réunion du 6 février 2014 à 10h00
Débat sur l'évolution des péréquations communale intercommunale et départementale

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

Éric Bocquet, voilà quelques semaines, sur l’initiative du groupe CRC, notre assemblée examinait une proposition de loi portant sur la revalorisation de la DGF attribuée aux communes rurales.

En l’occurrence, il s’agissait d’évoquer un aspect important, certes, mais parcellaire, des concours de l’État aux collectivités en général. En conclusion de ce débat, Mme la ministre déléguée à la décentralisation a exprimé tout l’intérêt qu’elle portait à la question posée par la répartition de la DGF, renvoyant l’organisation d’une réflexion approfondie avec les différentes parties à 2014. Nous y sommes.

Au cours de la discussion, la nécessité d’examiner désormais la question des finances des collectivités dans son aspect global a été notamment évoquée ; et il est vrai que la variété des situations exige cet examen. Cette question de la DGF est évidemment à mettre en lien avec celle qui est soulevée aujourd’hui de la péréquation, puisque cette dernière s’opère en son sein.

Au titre de la loi de finances pour 2014, les collectivités sont appelées dès cette année à participer à l’effort collectif de redressement des finances de la France par une réduction de l’enveloppe de la DGF qui leur est attribuée dans leur ensemble. Cette enveloppe sera diminuée de 1, 5 milliard d’euros, ramenée donc à 40, 1 milliards d’euros, et l’effort demandé sera poursuivi et renforcé en 2015.

Les collectivités – il est juste de le rappeler – ont déjà commencé à participer à cet effort, puisque le gel de l’enveloppe normée en valeur est effectif depuis 2011 et qu’à cet égard les collectivités, quelles qu’elles soient, ont déjà contribué du fait de l’érosion monétaire, qui a atteint, selon les experts, 4 milliards d’euros.

Mais il est juste de rappeler aussi que, dans la période récente, cette cristallisation ne s’est pas révélée incompatible avec la progression des dotations de péréquation. Dans les années écoulées, et cette année même, l’effort demandé sera modéré par des mesures appropriées, justifiées par la compensation des transferts de charge.

Les conseils généraux qui ont été cités pourront bénéficier, et ce à juste titre si l’on considère qu’ils portent les politiques de solidarité sociale à travers les trois prestations d’autonomie, de handicap et de solidarité active, d’une enveloppe supplémentaire de 827 millions d’euros au terme d’une négociation ouverte et positive entre l’ADF, l’Assemblée des départements de France, et le Gouvernement.

On peut bien évidemment porter tous les jugements que l’on veut sur le résultat de cette négociation, en fonction de certaines situations. Mais la méthode et le résultat sont à saluer particulièrement. Les deux contrastent avec la période précédente, durant laquelle les budgets des conseils généraux se trouvaient pris en tenaille entre une augmentation inexorable des charges liées aux compétences transférées et une réduction tout aussi inexorable de leurs recettes du fait de la crise et de la chute des DMTO, mais aussi, en définitive, du peu de cas que l’État faisait des conseils généraux et des revendications exprimées en ce temps.

Au titre de la péréquation verticale lors de l’année écoulée, la dotation de solidarité urbaine a connu une progression notable de 8, 75 %, soit une augmentation de 119 millions d’euros, et la dotation de solidarité rurale une progression de 78 millions d’euros. De même, la loi de finances initiale pour 2014 prévoit cette année encore une progression de 4 % du montant de ces deux dotations, nettement supérieure donc à l’inflation.

Si l’on examine la péréquation entre collectivités, la péréquation horizontale donc, sa montée en puissance se confirme avec une progression de 210 millions d’euros en 2014, soit autant qu’en 2013, et le montant du Fonds de péréquation intercommunal et communal, ou FPIC, s’élèvera à 570 millions d’euros en 2014, avec pour objectif d’atteindre 1 milliard d’euros en 2016.

Le constat que l’on peut faire est double. D’une part, la fraction de la DGF consacrée à la péréquation est en augmentation constante depuis dix ans et représente, en 2013, 18, 2 % de l’enveloppe totale, contre 12, 3 % voilà dix ans. D’autre part, la péréquation verticale dépendant strictement de l’État demeure à un niveau très élevé dans l’enveloppe globale, puisqu’elle pèse 90 % du total. On pourrait encore évoquer d’autres initiatives prises en 2014, que ce soit en faveur des départements par le fonds de péréquation des DMTO, ou des régions.

L’engagement du Gouvernement à travers le « pacte de confiance et de solidarité » entre l’État et les collectivités traduit concrètement son engagement très volontariste et significatif.

Cela étant, madame la ministre, plusieurs arguments plaident en faveur d’une réflexion globale portant sur la DGF en général et la péréquation en particulier.

Une stratification de mesures diverses s’est produite au fil des années qui réduit la lisibilité de cette politique. L’accroissement du nombre des dispositifs de péréquation apporte indéniablement de la complexité, puisque quatorze fonds et dotations concourent désormais à cet exercice. Elle introduit également une certaine confusion, car, selon les critères appliqués, une commune peut être considérée tantôt comme « riche » et contributrice au titre d’un dispositif, et tantôt comme « pauvre » et bénéficiaire au titre d’un autre dispositif. La variabilité d’un critère peut donc parfois faire basculer ces collectivités dans une catégorie ou dans une autre.

Il est donc à craindre que les modifications successives apportées dans la durée à la péréquation n’aient fini par faire perdre de vue l’architecture de l’ensemble. Bien des questions se posent, qui portent tout autant sur la lisibilité des dotations, sur leur sécurisation dans le contexte prévu de leur réduction en valeur, ainsi que sur l’équité des modes de calcul des attributions, qui est parfois mise en doute, comme cela a été le cas ce matin.

Au sein du comité des finances locales, le CFL, plusieurs ont évoqué la redéfinition du critère « potentiel financier », souvent pris en compte, et beaucoup sont sensibles à la prise en considération de la notion d’« effort fiscal », il est vrai très inégal d’une collectivité à une autre.

Quant au rapport remis en juin 2013 par l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale des finances, il évoque « le manque d’évaluation de l’efficacité des nombreux dispositifs de péréquation en vigueur » et critique en particulier « le foisonnement des critères » qui « nuit à la crédibilité » du dispositif.

Une mise à plat devient donc nécessaire pour ne pas dire urgente, même si, à son terme, le jugement qui sera porté sur le résultat le sera en fonction de la situation particulière de chacun. Notre réflexion, mes chers collègues, est globale, mais notre appréciation est locale bien souvent.

La péréquation est depuis 2003 un objectif à valeur constitutionnelle et, à cet égard, les sénateurs socialistes qui y sont attachés se sont constamment mobilisés depuis lors en faveur de sa montée en puissance. Madame la ministre, nous portons donc un intérêt majeur à ce débat ainsi qu’aux réponses que vous nous apporterez sur les intentions du Gouvernement et les perspectives que vous envisagez.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion