Intervention de Jean-Vincent Placé

Réunion du 6 février 2014 à 10h00
Débat sur l'évolution des péréquations communale intercommunale et départementale

Photo de Jean-Vincent PlacéJean-Vincent Placé :

C’est en ce sens que, dans les territoires ruraux, les pays et les conseils généraux peuvent subtilement se compléter.

Au-delà de ces questions institutionnelles, j’aimerais également aborder la philosophie qui sous-tend, d’un point de vue écologiste, la répartition actuelle des ressources entre les collectivités.

Puisque le titre de notre débat nous invite à nous concentrer sur les dispositions du projet de loi de finances pour 2014, j’aimerais évoquer en particulier un article de la seconde partie que nous n’avons pas pu examiner : il s’agit de l’article 59, qui ne relève pas directement des mécanismes de péréquation mais traite de la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE.

Cet article modifie la clé de répartition de la CVAE, en favorisant les territoires qui accueillent des industries potentiellement polluantes ou dangereuses. Un tel avantage existait déjà dans un rapport de 2 à 1, et cet article le porte dans un rapport de 5 à 1. De plus, le produit de la CVAE n’étant modifié que très marginalement, cet avantage sera donc consenti aux territoires concernés au détriment des autres.

Ce dispositif, d’apparence technique, est lourd de sens sur le plan politique.

D’abord, il tend à considérer que nuisances, pollutions et risques industriels sont des fatalités. En ce sens, il témoigne donc d’une absence de volonté de les réduire en s’y attaquant par des normes, des réglementations ou des incitations à l’investissement ciblé.

Ensuite, la responsabilité des industries est ici totalement exonérée. De plus, aucune différence de traitement n’est établie en fonction de la nature ou de l’ampleur des nuisances ou des risques. Le principe « pollueur-payeur », qui suppose à la fois la responsabilité du pollueur et la proportionnalité entre le dégât et le dédommagement, est donc ici abandonné.

Enfin, non seulement ce dispositif aboutit à augmenter les ressources des territoires qui accueillent des entreprises polluantes, sans aucune contrainte sur le fait que ces ressources serviront précisément à remédier aux pollutions qu’elles sont censées compenser, mais encore cet avantage est consenti au détriment des territoires qui, eux, protègent leur environnement. Le payeur est donc non plus le pollueur, mais le voisin qui refuse d’être pollué. Curieuse philosophie !

Si un tel dispositif paraît nécessaire, il faudrait donc s’interroger sur les raisons pour lesquelles certaines industries ne trouvent aujourd’hui pas de territoire où s’implanter, plutôt que d’offrir aux élus locaux suffisamment d’argent, alors que, parallèlement, l’austérité conduit à baisser les dotations, pour qu’ils ne puissent plus refuser une dégradation de la qualité de leur territoire ou une mise en danger de leurs administrés. Je suis persuadé que, sur toutes les travées, toutes sensibilités confondues, cette interrogation doit être examinée très sincèrement, car ce sujet dépasse les clivages droite-gauche.

Plus généralement, au-delà de cet article, force est de constater que le système n’encourage pas les collectivités à préserver leur environnement. En effet, une politique environnementale locale profite à un territoire potentiellement très large, alors que le bénéfice économique de l’urbanisation ou de l’implantation d’activités polluantes se concentre pour l’essentiel sur la collectivité qui les développe.

Pour tenir compte de la contribution à l’intérêt général des collectivités qui préservent leur environnement, il pourrait être ajouté un critère de biodiversité au calcul de la dotation globale de fonctionnement.

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