Intervention de Bruno Sido

Réunion du 6 février 2014 à 10h00
Débat sur l'évolution des péréquations communale intercommunale et départementale

Photo de Bruno SidoBruno Sido :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, responsabiliser tous les acteurs et faire de l’économie une nouvelle « vertu publique », une condition d’indépendance et presque de souveraineté pour notre pays et l’Union européenne : voilà un défi à la hauteur d’un Parlement qui tient pleinement sa place.

Parce que les mots ont un sens, cessons enfin de parler de crise pour désigner une mutation profonde de notre modèle de société, bâti à crédit sur un État providence aujourd’hui acculé à la réforme, contraint à l’action – heureusement, serais-je presque tenté d’ajouter.

Les structures politique, administrative et territoriale ont longtemps paru déconnectées des réalités économiques et, année après année, décennie après décennie, par lâcheté, par conformisme, par insuffisance de culture économique, nous avons fait du déficit public la variable d’ajustement de l’immobilisme et donné à nos concitoyens l’illusion que, en ne changeant rien, notre situation resterait stable et que nos perspectives d’avenir seraient préservées. Or c’est tout le contraire qui s’est produit.

Au lieu de consentir des efforts raisonnés mais continus, nous avons d’abord opté pour une forme de déni de réalité avant de devoir, aujourd’hui, dans l’intérêt général, envisager des réformes sans doute plus dures et plus violentes aussi pour le corps social dans son ensemble, notamment pour les jeunes, qui peinent à trouver leur place dans notre société.

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », disait très justement La Fontaine. Mais ce luxe, nous ne pouvons plus nous l’offrir. « Il faut que tout change pour que rien ne change », écrit Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard. Il faut réformer pour maintenir notre place dans le concert des nations.

Aujourd'hui, quel est le résultat ? On constate une phobie collective devant la moindre réforme, une défiance en l’avenir et une confiance insuffisante en nous-mêmes. Surtout, la culture du conservatisme et la résistance au changement sont propagées dans le corps social, quand l’ouverture au monde commande de faire preuve d’audace, d’aller de l’avant, presque de développer le goût du changement, de l’innovation et du renouveau.

Mais ce qui fige sans doute le plus notre société, c’est le sentiment d’injustice, ce poison qui nourrit les attitudes de repli. L’effort auquel la situation financière du pays nous appelle doit être partagé par tous pour être équitable, et donc accepté, mais aussi pour être efficace, et donc salutaire pour les finances publiques.

Plutôt que d’employer les termes savants de « péréquation horizontale » ou « de péréquation verticale », je préfère envisager le débat sous l’angle de l’équité et de l’efficacité.

Au final, de quoi parle-t-on ? De mécanismes de solidarité entre les collectivités, d’une part, entre l’État et les collectivités locales, d’autre part.

Le budget de 2014 associe les communes, les intercommunalités, les départements et les régions à l’effort de redressement des comptes publics ; c’est une bonne chose. Là encore, l’effort doit être partagé par tous. En 2014, les dotations de l’État reculent de 1, 5 milliard d’euros, et ce sera la même chose en 2015. Les conseils généraux ont naturellement pris leur part du fardeau, à hauteur de 476 millions d’euros.

Cet effort, le Gouvernement l’a rendu légitime, en instaurant davantage de péréquation, c’est-à-dire d’équité.

Pour aider les conseils généraux à faire face au coût des politiques sociales, qui représentent, rappelons-le, quelque 60 % de leurs dépenses courantes hors investissement, l’article 42 de la loi de finances de 2014 leur transfère une ressource nouvelle, à savoir les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, soit 827 millions d’euros. Pourtant, cela ne va pas assez loin et, encore une fois, nous avons cédé à la facilité.

Ainsi, l’article 77 de la loi précitée permet le relèvement des droits de mutation à titre onéreux, appelés plus simplement « frais de notaire », de 0, 7 point du taux plafond applicable. Si les départements recourent pleinement à cette possibilité, leurs recettes fiscales progresseront de 930 millions d’euros en 2014.

Pour ma part, je le dis d’emblée, mes chers collègues, j’ai utilisé cette possibilité en tant que président du conseil général de la Haute-Marne. Rester vertueux quand on nous incite à commettre des entorses est, en ce domaine comme dans d’autres, d’ailleurs, presque surhumain ! §

Je forme le vœu que le Gouvernement et toutes les collectivités locales qui lèvent l’impôt décident un moratoire fiscal de plusieurs années pour conforter le pouvoir d’achat de nos concitoyens, pour nous contraindre à remettre à plat un modèle qui craque de toutes parts, pour enfin cesser de faire passer la France pour un « épouvantail fiscal » aux yeux des investisseurs internationaux. À cet égard, je rappelle que les investissements étrangers en France ont baissé de 77 % en 2013. Que nous faut-il de plus ? Le chiffre n’est-il pas suffisamment éloquent ?

Parce que la pression fiscale atteint des sommets, réduire la dépense publique suppose plus de péréquation pour plus de justice dans l’effort.

Pour ce qui concerne tant les communes et les EPCI que les départements, Mme la ministre a fait part de la volonté du Gouvernement d’accroître la péréquation horizontale, c’est-à-dire le soutien des communes riches aux communes pauvres, des départements riches aux départements pauvres.

Oui, mes chers collègues, mon propos manque sans doute quelque peu de nuances, mais l’idée est tout de même que nous soyons tous égaux devant la loi en matière de charges publiques. Dans ce domaine, le principe est le suivant : « À chacun selon ses besoins. »

En effet, lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre, pour le compte de l’État, des politiques sociales, les départements où la population est plus âgée, plus en difficulté aussi du fait des mutations industrielles, font face à une demande de solidarité plus forte qu’en d’autres lieux, plus ensoleillés ou mieux dotés en sièges sociaux, par exemple. Ce constat vaut tout autant pour les communes et leurs groupements, d’ailleurs.

À l’heure où la situation du pays commande des choix courageux, je voudrais inviter le Gouvernement à l’audace réformatrice. §Pourquoi pas ? On peut toujours essayer…

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