Intervention de André Vairetto

Réunion du 6 février 2014 à 10h00
Débat sur l'évolution des péréquations communale intercommunale et départementale

Photo de André VairettoAndré Vairetto :

… dont certaines connaissent, depuis 2008, une mutation sans précédent de leurs ressources, liée à une réforme de la fiscalité directe locale sans cesse ajustée, marquée par la suppression de la taxe professionnelle, la baisse des dotations de l’État eu égard à l’objectif de retour à l’équilibre des comptes publics et la montée en puissance du FPIC dans le cadre du nouveau schéma de péréquation.

La suppression de la taxe professionnelle, en 2010, a conduit à la création, pour remplacer cette dernière, de nouvelles impositions sur les entreprises, ainsi que, dans le même temps, à une nouvelle répartition de la fiscalité entre les différents échelons de collectivités territoriales.

Le premier constat que l’on peut dresser est celui du moindre dynamisme des ressources qui remplacent la taxe professionnelle. Ainsi, selon les dernières prévisions, les produits de la CVAE devraient connaître une baisse globale de 4, 5 % cette année. En outre, ces produits présentent une grande instabilité, en fonction de la part de la valeur ajoutée dans le chiffre d’affaires des entreprises, ce qui rend la lisibilité budgétaire encore plus aléatoire.

Par ailleurs, les mécanismes de compensation destinés à assurer aux collectivités territoriales le maintien du niveau de leurs recettes après réforme, c’est-à-dire le Fonds national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales, le FNGIR, et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, la DCRTP, portent sur des montants figés pour les années à venir.

Quant à la DGF des communes, qui représentait 16, 5 milliards d’euros en 2013, elle connaît une baisse significative.

L’enveloppe de dotation forfaitaire des communes est souvent caractérisée par un accroissement naturel de la dotation de base, liée à la population, et par une diminution des deux composantes utilisées pour assurer le financement interne de la DGF : le complément de garantie et, en tant que de besoin, la dotation correspondant à la compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle. C’est ainsi que, en Savoie, la première de ces composantes a diminué de 4, 50 % l’année dernière, et la seconde de 2, 66 %.

Dans le cadre de la péréquation, l’État majore certaines dotations, comme la DSR et la DSU.

Cependant, certaines communes sont devenues inéligibles depuis la redéfinition, en 2011, des critères d’éligibilité. Cette situation résulte notamment du mode de calcul du potentiel financier communal, qui intègre une part des ressources de l’intercommunalité.

Cela a conduit l’État à mettre en place, au travers de la loi de finances pour 2012, un dispositif pour aider ces communes, assorti d’une garantie de sortie dégressive sur trois ans. J’observe que, dans le département de la Savoie, les collectivités territoriales apparaissent plus riches depuis cette redéfinition des critères d’éligibilité, alors même que leurs recettes ont fortement diminué.

Même si le nombre de communes éligibles diminue, certains considèrent que les critères d’éligibilité sont trop larges, de sorte que le nombre de communes bénéficiaires serait trop important.

Pour les communes, la contribution au redressement des finances publiques se traduit, sur le plan national, par une diminution moyenne de 4, 43 % de la dotation forfaitaire en 2013, et, pour les EPCI, par une diminution moyenne de 3, 47 % de la DGF la même année.

Le principal motif d’inquiétude réside dans la concomitance de la baisse des dotations et de la montée en puissance du FPIC pour les communes contributrices dans le cadre du nouveau schéma de péréquation. Instauré par l’article 144 de la loi de finances pour 2012, ce dispositif, qui vise à corriger les inégalités de ressources entre collectivités territoriales du bloc communal, n’est pas remis en cause, tant est unanime le constat de l’insuffisance des dispositifs de péréquation au sein de la DGF.

Conformément aux orientations du pacte de confiance et de responsabilité présenté le 16 juillet dernier par le Gouvernement, la progression du FPIC suivra les objectifs de ressources suivants : 360 millions d’euros en 2013, 570 millions d’euros en 2014, 780 millions d’euros en 2015 et, en 2016, 2 % des recettes fiscales du bloc communal, soit 1 milliard d’euros.

Le calcul se fonde sur le potentiel financier agrégé par habitant, auquel est appliqué un coefficient visant à prendre en compte le rapport entre la population d’une collectivité territoriale et la combinaison du montant des charges qu’elle supporte, pour 75 %, et du revenu par habitant de l’intercommunalité, pour 25 %.

C’est précisément cet indice synthétique de ressources et de charges qui pose problème ; il a fait l’objet de nombreux débats, notamment au sein du Comité des finances locales.

En effet, du fait de ce mode de calcul, des communes parmi les plus pauvres, dont certaines perçoivent même la dotation de solidarité rurale, se retrouvent contributrices au FPIC dès lors qu’elles font partie d’un EPCI dont le potentiel financier agrégé est important. Ce cas de figure illustre combien la diversité des critères rend la péréquation difficilement lisible. En tout cas, il convient de trouver un dispositif pour protéger les communes pauvres qui font partie d’un EPCI contributeur au titre du FPIC.

Par ailleurs, l’indice synthétique ne tient pas suffisamment compte des spécificités des territoires, alors qu’il existe de fortes disparités en termes de charges. En particulier, les collectivités des zones de montagne doivent faire face à des dépenses plus élevées, du fait de l’altitude.

À cet égard, permettez-moi, madame la ministre, de rappeler certains chiffres que j’ai déjà exposés en présentant une question orale : le coût annuel de la maintenance, de l’entretien et de l’exploitation du réseau routier est en moyenne de 10 000 euros par kilomètre en haute montagne, de 5 000 à 6 000 euros en moyenne montagne et de 3 000 à 4 000 euros en plaine ; les surcoûts liés à l’altitude sont comparables pour la construction, l’organisation des secours ou la prévention des risques naturels.

Afin de pondérer le prélèvement pour les communes de montagne, je propose d’intégrer dans le mode de calcul le critère de la charge de voirie par habitant. Du reste, la longueur de la voirie à la charge de la commune était l’un des critères initialement pris en compte pour le calcul de la dotation forfaitaire de la DGF.

Pour les territoires confrontés à une baisse de la DGF concomitante à un accroissement des prélèvements au titre de la péréquation par le biais du FPIC, les conséquences budgétaires sont particulièrement lourdes. Une mise en cohérence des divers dispositifs est nécessaire afin d’éviter que les collectivités territoriales contributrices ne se trouvent, en définitive, moins riches que la moyenne.

Il en va de même en ce qui concerne la péréquation entre les départements.

S’il est légitime que les départements les plus riches soient solidaires de ceux dont les ressources sont plus faibles, cette péréquation doit aussi tenir compte d’autres charges.

Par exemple, si le département de la Savoie va percevoir plus de 10 millions d’euros en exerçant la faculté qui lui est offerte de relever de 3, 8 % à 4, 5 % le taux des droits de mutation à titre onéreux et grâce au transfert des frais de gestion de la taxe sur les propriétés bâties, il doit reverser 8, 5 millions d’euros au titre de la péréquation, au moment où les dépenses de fonctionnement augmentent de 8 millions d’euros, malgré un effort de rigueur sans précédent, et où des investissements très importants sont nécessaires, notamment pour sécuriser des tunnels ou organiser les services de secours.

Pour les départements aussi, il importe de définir d’autres critères de charges.

Ainsi, la minoration des dotations, d’une part, et les ponctions sur leurs budgets, d’autre part, contraignent les collectivités territoriales à faire des choix. Elles devront soit diminuer leurs dépenses de fonctionnement, ce qui n’est pas simple à faire en un si bref délai, surtout dans un contexte de crise économique qui entraîne une accentuation des demandes sociales, soit réduire leurs investissements ou alourdir la fiscalité.

Madame la ministre, le tableau que je viens de brosser peut paraître apocalyptique, mais il est l’expression d’une réalité vécue au quotidien par les élus confrontés à la préparation de leur budget.

Que les collectivités territoriales doivent participer à l’effort national de redressement des comptes publics, nul ne le conteste. Personne non plus ne remet en cause le bien-fondé de la péréquation, mais encore faut-il raison garder et prendre en compte la spécificité des territoires, notamment celle des zones de montagne, où les collectivités territoriales font face à des charges spécifiques avec une population souvent peu nombreuse. Sinon, c’est le principe même de la péréquation qui, demain, sera remis en cause.

Le rythme de la montée en charge du FPIC doit ralentir et les critères doivent prendre en compte la diversité des charges supportées par les collectivités territoriales : c’est la condition de l’émergence de la péréquation juste et efficace que M. Mézard appelle de ses vœux !

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