Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat est saisi en deuxième lecture de la proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire au nom du Gouvernement, la reconnaissance du vote blanc dans la pratique du suffrage universel est importante en ce qu’elle est intimement liée à la notion même de démocratie représentative, et c’est bien là le cœur du sujet. Cette reconnaissance a, du reste, été souhaitée par le Président de la République lors de ses vœux aux bureaux des assemblées, le 21 janvier dernier.
Vous le savez, le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement sont particulièrement attachés à restaurer la confiance des citoyens dans les institutions qui les représentent. Or la dernière étude du Centre de recherches politiques de Sciences Po, le CEVIPOF, publiée en janvier dernier, doit tous nous alerter sur la défiance de nos concitoyens envers, notamment, le Parlement. Il convient toutefois de noter que la confiance dont jouit celui-ci s’est améliorée entre décembre 2012 et décembre 2013 ; à défaut d’être pleinement satisfaisante, cette dernière évolution m’inspire au moins un peu d’optimisme.
La reconnaissance du vote blanc, longtemps réclamée mais jamais mise en œuvre, contribuera à renforcer cette confiance. À tout le moins, elle aura l’effet souligné par Alain Richard lors des débats en commission des lois : « À ceux qui veulent, par cette revendication, délégitimer la démocratie représentative, cette proposition de loi coupera les pattes. »
Pour le reste, la proposition de loi aura-t-elle les vertus que certains lui prêtent, notamment celle de renforcer la participation aux élections ? Sera-t-elle un rempart contre le vote en faveur des extrêmes, qu’on assimile souvent à un vote de contestation ? II serait bien présomptueux, en cet instant, de répondre par l’affirmative à ces deux questions ! Au demeurant, le rapporteur, François Zocchetto, s’est bien gardé de faire de tels pronostics.
D’ailleurs, on peut se demander si ce second effet serait souhaitable. En effet, que la contestation du choix démocratique proposé aux citoyens s’exerce positivement, si l’on peut dire, à travers le vote blanc, ou négativement, à travers le vote nul ou l’abstention, elle demeure une contestation. Or, comme Jean-Yves Leconte l’a signalé à juste titre dans cet hémicycle, la démocratie appelle des choix, pas des états d’âme !
Quoi qu’il en soit, je partage avec, semble-t-il, bon nombre des membres de cette assemblée l’opinion selon laquelle le vote blanc n’est pas synonyme d’indifférence et peut avoir une signification politique. À mon sens, c’est la raison pour laquelle les votes blancs doivent être comptabilisés distinctement des votes nuls.
Comme l’a écrit le regretté Guy Carcassonne, volontiers provocateur, la reconnaissance du vote blanc permettra que « les électeurs assez sophistiqués qui font un tel choix ne soient plus comptabilisés en vrac avec les distraits ou les imbéciles ». En vérité, ceux qui votent blanc accomplissent une démarche somme toute citoyenne, et celle-ci doit pouvoir être reconnue comme telle.
C’est pourquoi je suis d’accord avec M. le rapporteur lorsqu’il écrit que « la fin de l’assimilation entre bulletins blancs et nuls rend justice aux électeurs qui font l’effort de se déplacer au bureau de vote et d’accomplir ainsi leur devoir civique ».
En outre, la comptabilisation à part du vote blanc permettra enfin de cerner la réalité du phénomène.
En somme, mesdames, messieurs les sénateurs, l’adoption de la proposition de loi aura dans un premier temps deux avantages : permettre la reconnaissance d’une démarche à la fois civique et contestataire ; prendre la mesure exacte du vote blanc.
En ce qui concerne le contenu de la proposition de loi, la navette aura permis de trouver un équilibre satisfaisant, propre à assurer la reconnaissance du vote blanc sans remettre en cause la légitimité du scrutin. Car il ne faut pas se leurrer : celui qui s’exprime en votant blanc sera toujours moins contestataire que celui qui, ayant perdu une élection, tire argument des votes blancs et nuls pour remettre en cause la légitimité de l’élection de son concurrent.