Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 12 février 2014 à 14h30
Reconnaissance du vote blanc aux élections — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui ne manque pas de singularité, j’en conviens. En effet, en tant qu’élus, en tant que parlementaires, nous nous employons quotidiennement à convaincre nos compatriotes du bien-fondé de nos opinions. Nous sommes actuellement en campagne électorale, nous battons l’estrade pour expliquer toute l’importance de la participation au scrutin et du vote pour les listes que nous soutenons. Il n’en demeure pas moins que nous nous apprêtons à garantir à nos concitoyens la reconnaissance de ne partager en réalité aucune opinion…

Il faut toutefois convenir que ne partager aucune opinion est, après tout, une opinion comme une autre. Le législateur se montre aujourd’hui soucieux de laisser s’exprimer ce choix.

L’objet de la présente proposition de loi est de distinguer clairement l’abstention, le vote nul et le vote blanc lors de la proclamation des résultats électoraux. Si ce texte est adopté, comme le souhaitent les membres du groupe socialiste, les bulletins blancs seront désormais décomptés séparément des bulletins nuls, annexés au procès-verbal et spécialement mentionnés dans les résultats du scrutin.

Contrairement à ce que prévoyait le texte initial de la proposition de loi, les deux chambres ont préféré ne pas intégrer les bulletins blancs aux suffrages exprimés. Une telle démarche aurait en effet eu une incidence, plus ou moins importante selon le mode de scrutin, sur le résultat des différentes élections.

L’adoption de cette proposition de loi sera un premier pas dans la reconnaissance du vote blanc. Faudra-t-il par la suite poursuivre dans cette voie, décompter les bulletins blancs dans les suffrages exprimés ? Cette possibilité doit rester ouverte. À la limite, grâce à cette première avancée, nous permettons à nos concitoyens de se servir de cet outil que va devenir le bulletin blanc. Si, à l’usage, nous nous rendons compte qu’ils l’utilisent fréquemment, massivement, il faudra sûrement remettre l’ouvrage sur le métier et faire en sorte que cette expression soit prise en compte dans les suffrages exprimés. Aujourd’hui, laissons cette nouvelle législation entrer en vigueur et attendons d’observer les effets qu’elle produit.

M. le rapporteur l’a rappelé, après discussion entre l’Assemblée nationale et le Sénat, il a été tranché que les enveloppes introduites dans l’urne sans bulletin seront désormais considérées comme des votes blancs. Bien sûr, les électeurs auront aussi la possibilité d’introduire un bulletin blanc dans l’enveloppe ; toutefois, ce type de bulletin ne sera pas mis à leur disposition dans les bureaux de vote.

Cette formule est le fruit d’un compromis entre nos collègues députés et les membres de la commission des lois. C’est la position que nous défendons en seconde lecture, essentiellement pour une question de coût : mettre à disposition des bulletins blancs dans tous les bureaux de vote serait onéreux. Cette solution de l’enveloppe vide qui est décomptée comme un bulletin blanc permet à l’électeur de s’exprimer sans coût excessif pour la collectivité.

En commission, j’ai toutefois émis une petite réserve : la possibilité d’introduire une enveloppe vide dans l’urne garantit mal le secret du vote. Je parle d’expérience, ayant présidé en vingt-cinq ans de nombreux bureaux de vote. En effet, dans le cas d’un scrutin de liste, l’enveloppe qui contient un bulletin de vote de format A4 plié en huit se distingue tout de suite de celle qui est vide. Néanmoins, je suis certain que ce point d’ordre pratique trouvera une solution. Si l’on veut vraiment que les bulletins blancs soient utilisés, il faut toujours garantir le secret du vote.

Cette réforme importante va dans le sens de la démocratie et représente une avancée majeure. Elle fait écho à plusieurs propositions de loi déposées dans le passé par un certain nombre de parlementaires. Pour n’évoquer que les socialistes, citons la proposition de loi déposée en 2003 par un ancien Premier ministre, Laurent Fabius, et un futur Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui préconisaient de rendre le vote obligatoire et de comptabiliser les votes blancs distinctement.

Citons également la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau – je le salue –, déposée le 31 octobre 2011, qui tendait cette fois à reconnaître le vote blanc comme suffrage exprimé.

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