Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 12 février 2014 à 14h30
Accueil et prise en charge des mineurs isolés étrangers — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis :

À l’exaspération des travailleurs sociaux, qui ne sont pas préparés à accomplir ces missions d’identification et d’évaluation, s’ajoutent de nombreux problèmes de compréhension et d’interprétariat. Et je ne parle même pas de la cohabitation, particulièrement difficile dans les foyers, entre ces adultes immigrants et les jeunes, souvent en bas âge, issus de familles locales dont les juges ont considéré qu’elles n’étaient pas aptes à assurer leur sécurité et leur éducation.

Madame la garde des sceaux, dans un premier temps, j’ai constaté que les magistrats ne prenaient pas en compte votre circulaire résultant du protocole du 31 mai, et qu’ils étaient aidés en cela par des associations telles que France terre d’asile, implantée localement, notamment en Mayenne.

Au mois de septembre, j’ai eu le privilège d’accueillir dans mon département les responsables de la cellule nationale de coordination pilotée par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ. À cette occasion, on m’a indiqué que de nombreuses demandes étaient écartées en région parisienne. Las, aucune trace de ces refus n’est conservée. Un mineur isolé étranger écarté en Seine-Saint-Denis peut ainsi tenter sa chance dans tous les autres départements !

Nous sommes évidemment en présence de filières. Notre devoir est de réagir.

À cet égard, puis-je rappeler que le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a recommandé à la France, au mois de juin 2009, d’intensifier sa lutte contre la traite des enfants, organisée notamment à des fins d’exploitation sexuelle ? Est-ce la tâche de l’État ou celle des services de l’aide sociale à l’enfance dispersés sur le territoire national ?

Au surplus, comment évaluer l’âge de ces jeunes ? J’ai donné instruction à mes services de faire appel des décisions de placement depuis l’été 2013. Sur dix cas, deux minorités seulement ont été confirmées en appel. Les huit autres dossiers ont été rejetés.

Par ailleurs, l’évaluation des flux reste incertaine. Lors de l’établissement du protocole, les flux d’entrée sur le territoire national étaient évalués à 1 500 personnes. Selon le rapport de la commission des lois, ce chiffre était estimé, au mois de janvier dernier, à 4 020 mineurs isolés étrangers en année pleine. Je gage que leur nombre est, dans les faits, sensiblement supérieur.

Ensuite, que deviennent ces jeunes lorsqu’ils quittent les services de l’aide sociale à l’enfance ? J’ai pu le vérifier dans mon département : dans presque tous les cas, faute d’obtenir des services de l’État leur régularisation, ils demandent l’asile. Leur requête est en général rejetée, et ils disparaissent aussitôt dans la clandestinité.

Au bout du compte, notre législation protégeant l’enfance et la famille sert de vecteur à une immigration clandestine. Quant au dispositif de péréquation nationale des mineurs isolés étrangers, il fait justice de la fiction selon laquelle l’accueil de ces jeunes peut être une responsabilité purement locale.

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